Ghazi Hamad est le vice-ministre des affaires étrangères du Hamas.

Quels sont les effets bénéfiques du nouveau régime égyptien pour Gaza et pour le Hamas ?
Ce qui se passe en Egypte est dans l’intérêt de tous les Palestiniens. Alors que le régime Moubarak était un ami d’Israël, une nouvelle démocratie se met en place. Tous les régimes arabes deviennent démocratiques, et je pense qu’ils vont soutenir la cause palestinienne. S’agissant de l’Egypte, c’est une nouvelle ère qui commence, et nous en attendons beaucoup. Les Frères musulmans sont contre toute normalisation avec Israël, et l’Egypte ne permettra pas à Israël de faire ce qu’il a fait dans le passé.
Pour le moment, le point de passage de Rafah [à la frontière avec l’Egypte] reste encore largement fermé…
Laisser les gens sortir librement de Gaza, ce n’est pas une question politique mais humanitaire. Quand nous demandons une aide pour régler les problèmes de Gaza, ce ne devrait pas être un problème d’ouvrir le passage. Peut-être que, dans le passé, ce refus s’expliquait par des considérations politiques. Certains en Egypte se disaient : "Si nous donnons tout ce qu’ils demandent aux Gazaouis, ils enterreront la réconciliation." C’est un quiproquo : si nous demandons une aide à l’Egypte pour lever le blocus, pour nous fournir de l’électricité et du fioul, cela ne veut pas dire que Gaza va devenir une partie de l’Egypte. Gaza fait partie de la Palestine. Mais nous devrions pouvoir nous approvisionner normalement. Cela dit, l’Egypte a d’autres problèmes à régler : il faut attendre que la situation se stabilise.
Le nouveau président égyptien Mohamed Morsi a des problèmes plus importants à régler que la cause palestinienne ?
Celle-ci est centrale pour le monde arabe, et je crois que l’Egypte va avoir un rôle pionnier pour soutenir la cause des Palestiniens, pour réunir les pays de la région, qui peuvent jouer un rôle contre Israël. Les Egyptiens sont prêts à nous soutenir, mais nous devons les aider, par la réconciliation. Les Arabes n’accepteront pas que cette division entre le Hamas et le Fatah se poursuive. M. Morsi a dit qu’il serait un intermédiaire entre le Fatah [parti de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne] et le Hamas. Les Egyptiens vont travailler à la réconciliation palestinienne et soutenir notre lutte. Ils nous l’ont clairement dit.
À propos de la Syrie et de l’Iran, y a-t-il de grandes divergences entre Khaled Mechaal [chef du bureau politique] et Ismaïl Haniyeh [premier ministre du gouvernement de Gaza] ?
Des divergences, il y en a toujours, y compris à Gaza. Mais la caractéristique du Hamas c’est qu’à la fin, il n’y a qu’une seule décision. Il y a des personnes plus pragmatiques, d’autres plus dures, mais le Hamas reste uni. Il n’y a pas de division. Il y a un accord sur la nécessité de la réconciliation. C’est vrai que, à Gaza, les gens sont parfois mécontents de ce qui se passe en Cisjordanie, où les militants du Hamas sont arrêtés et mis en prison [par l’Autorité palestinienne]. Tant que ces actions continueront, nous n’irons pas plus loin. Sans confiance, parler de réconciliation est une perte de temps.
Le Hamas maintient un cessez-le-feu de fait avec Israël. Et certains groupes, comme le Djihad islamique, estiment qu’il a abandonné la résistance…
Nous parlons de cela souvent avec les autres factions palestiniennes. Nous avons abouti à la conclusion que nous ne voulons pas d’une autre guerre à Gaza. Donc nous soutenons un cessez-le-feu, nous n’en avons pas honte. Toutes les factions palestiniennes se sont engagées à le respecter. Depuis l’accord [interpalestinien] de Doha, nous parlons de résistance pacifique, mais cela ne veut pas dire abandonner la lutte armée en tant que droit. Le problème du Fatah et du Hamas est qu’ils ne se font pas confiance. Ils ont peur l’un de l’autre et donc il y a des suspicions.
Puisque les négociations avec Israël ne sont pas la solution, que reste-t-il, la lutte armée ?
La résistance, oui, mais tous les types de résistance. Je n’ai aucun problème avec la résistance pacifique, mais l’expérience nous laisse penser qu’Israël ne nous laissera jamais obtenir notre Etat ainsi. Nous avons passé vingt ans à négocier sans résultat. Nous devons utiliser à la fois l’option militaire et l’option politique. Une nouvelle Intifada ? Pourquoi pas ! C’est une grande faute de la part du président Mahmoud Abbas de ne choisir qu’une seule direction.
Abbas est un homme de négociations avec Israël, mais qu’a-t-il obtenu depuis 2005 ? Rien. Ou plutôt si, toujours davantage de colonies et de confiscation de terres. S’il continue dans cette voie, il perdra en crédibilité. L’une des raisons de sa faiblesse, c’est qu’il négocie seul, sans le soutien des pays arabes. A ce jour, il y a une situation nouvelle : il faut travailler avec l’Egypte, la Turquie, la Libye, la Tunisie et d’autres pays, pour former un nouveau front face à Israël.
Ce qui se passe en Syrie n’est pas très bon pour le Hamas, n’est-ce pas ?
C’est vrai que le Hamas a été présent pendant plus de vingt ans en Syrie, et le régime syrien nous a apporté son soutien, notamment financier. Mais quand nous avons vu qu’il combattait son propre peuple, nous avons décidé de quitter la Syrie. Nous n’acceptons d’aucun régime arabe qu’il use de violence contre son peuple.
L’Iran a longtemps soutenu le Hamas, mais ces relations se sont détériorées. Vous ne croyez pas que cela va devenir un problème financier pour le Hamas ?
C’est une question très sensible et compliquée… L’Iran a soutenu le Hamas pendant des années, c’est un fait. Spécialement dans des circonstances difficiles, lorsque les pays arabes ont laissé le Hamas seul. Mais nous avons pris une décision : nous ne serons pas dans la poche d’un pays arabe, ou étranger. Nous sommes une organisation palestinienne et nous ne travaillons pour personne. Si un pays veut nous aider, nous ne disons pas non, mais cela ne peut pas être de l’"argent politique" : nous ne recevons pas d’ordre de l’Iran, de la Syrie ou d’autres pays. Evidemment que le Hamas ne veut pas perdre l’Iran, qui est un pays majeur. Mais nous sommes passés par bien des situations critiques, et nous nous sommes toujours adaptés…
Laurent Zecchini (Gaza, envoyé spécial)
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