Camille Loty
Malebranche
Aimer
vraiment
l’autre, c’est lui rendre tous les tributs de l’Amour profond dans
l’ici et le maintenant sans rien projeter sur le demain. C’est savoir
tout donner et tout recevoir dans l’instant sans rien
espérer du lendemain. Seul l’AMOUR de DIEU est présent et éternité;
actualité et espérance parce qu’eschatologique. L’amour de l’être
bien-aimé, quelque puissant, quelque passionné qu’il puisse
être, court à la déception et à la souffrance des déconvenues, s’il
s’avise de s’attacher à lui (ou elle) qui n’est qu’un être humain dont la nature est en évolution et donc porteuse d’une conscience changeante !
Conscience changeante qui rend donc le cœur amovible, irréductible à toute fixité ou
permanence!
Voilà pourquoi l’attachement, hormis à DIEU, l’Immuable, est
une aberration qui rend l’Amour de l’autre risqué et dangereusement traumatisant à terme.
L’attachement, dans les amours humaines, est probable illusion au présent et sans doute porte ouverte
à de mortelles désillusions possibles dans l’avenir.
L’attachement,
parce qu'il veut imaginer le permanent dans l'impermanence sentimentale
qui caractérise
l'être humain, est le premier pas indolent vers la haine future de
celui ou de celle qui est aujourd’hui aimé(e) et chéri(e), porté(e) au
pinacle dans la cinglante démesure qu'est l'oubli de
l'évolutivité de la conscience, l'abstraction délirante qu'il fait
de l'amovibilité du cœur!
Naturellement,
notre propos ne signifie guère que la fidélité soit impossible ni qu’un
amour à vie
avec la même personne soit suprahumain, nous précisons tout
simplement que le détachement, à travers un amour réaliste, immédiat et
actuel, constitue la seule modalité protectrice
du cœur aimant,
l'unique voie viable du sentiment d’amour entre êtres humains,
partenaires sentimentaux. Notre vision dit qu’il
faille aimer totalement sans réserve mais aussi sans attachement car
ma fidélité ne garantit point celle de l’être aimé. Et rien n’est plus
irritant, plus enrageant avec son flot de colère
destructrice et autodestructrice que de découvrir qu’on a été le
marchepied des infidélités de l’autre qui se payait la tête de notre
amour et se jouait de notre cœur. Arriver au
détachement en plein Amour, nécessite un travail sur soi, requiert
un dépassement de soi qui doit se construire. Il importe de savoir
vraiment aimer sans confondre le fait d’aimer à celui
de s’attacher à ce qui est et demain, peut ne pas être.
C’est
pourquoi, je dis qu’il faille vivre l’Amour, le Grand, à chaque
interaction avec l'autre
incarnant l’être bien-aimé, et laisser faire l’évolution naturelle
des choses. Sans jamais s’illusionner d’un lendemain nécessaire. Le
lendemain du sentiment, de tout sentiment, surtout de
l’Amour et de l’amoureux, est toujours contingent, jamais
nécessaire...
Remarquez
que l'impermanence de la conscience sentimentale évoquée, signifie
précisément évolution de
la conscience qui n'est pas statique, vu le changement permanent du
rapport et de l'effet que l'individu éprouve face aux êtres et
situations. Toutefois, plus une conscience est mûre, moins elle
change de sentiment, moins son éprouvement sentimental des êtres et
sitiations, est ballotté par des effets venus de l'extérieur. Non pas
que la conscience en général et sentimentale en
particulier cesse d'évoluer et d'être impermanente, mais que ses
choix sont murement pesés et que son évolution, au lieu de les
délaisser, les renouvelle.
L'impermanence conscientielle et sentimentale est donc soit renouvellement soit délaissement des
amours, des haines, des passions...
Mûre
ou pas, la conscience sentimentale comme rapport à l'être bien-aimé,
est toujours sujette à un
possible délaissement car l'autre dans sa propre évolution peut ne
plus répondre à mon éprouvement de départ et donc devenu inqualifiable à
mon élection, mon renouvellement du
choix.
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