samedi 4 mai 2013

Israël n’a jamais cessé ses actes de piraterie dans les eaux palestiniennes

Eva Bartlett                 

L’absence de couverture par les médias justifierait que vous ne le sachiez pas, et pourtant, depuis des dizaines d’années, Israël n’a de cesse de commettre des actes de piraterie dans les eaux palestiniennes. Attaquant, arrêtant et pillant les pêcheurs palestiniens, parfois à une distance d’un mile seulement (1,85 km) de la côte de la Bande de Gaza.

Malgré ses engagements de "retenue", les attaques de la Marine israélienne se sont poursuivies depuis le cessez le feu de novembre 2012, signé entre les Autorités israéliennes et la Résistance palestinienne. Le 24 mars 2013, le Centre Mezan pour les Droits de l’homme a précisé que « Depuis l’accord de cessez-le-feu, les forces d’occupation israélienne ont perpétré 44 attaques contre des pêcheurs, dans les eaux de Gaza, blessant 4 d’entre eux. Les forces israéliennes ont arrêté 44 pêcheurs, confisqué 9 bateaux et endommagé des équipements et du matériel servant à la pêche, à cinq occasions distinctes. »

En 2010, l'attaque brutale de la Marine israélienne contre la Flottille de la Paix, dont les commandos ont assassiné 9 activistes internationaux (la plupart abattus à bout portant) fait plus de 50 blessés, a brièvement fait les gros titres de l’actualité, puis s’est évanouie. Pour autant, les attaques menées auparavant sur des bateaux venant en solidarité, et celles qui ont suivi, ont été à peine rapportées dans les médias, dans le meilleur des cas. De même, les attaques quasi-quotidiennes dont les pêcheurs sont la cible, bien que bien documentées par les observateurs et les organisations de défense des Droits de l’homme, internationales et palestiniennes, n’ont pratiquement aucun écho. Il est fréquent que les canonnières israéliennes croisant dans les eaux de Gaza mitraillent, bombardent et aspergent avec leurs canons à eau les pêcheurs palestiniens, en plus de saisir leurs bateaux. Avant de séquestrer les pêcheurs palestiniens, la Marine israélienne leur ordonne, sous la menace de leurs armes, de se déshabiller puis, une fois en sous-vêtements, de plonger dans les eaux glaciales. Parfois, ils sont obligés de nager ou de faire du sur-place dans l’eau pendant une demi-heure, voire plus, avant d’être hissés à bord des bâtiments armés israéliens, où les soldats leur lient les mains et leurs bandent les yeux, avant de les enlever et de les emmener vers Israël (généralement toujours dans leurs seuls sous-vêtements).

Plusieurs pêcheurs rapportent que leurs interrogatoires sont centrés sur le recueil d’informations. Les enquêteurs israéliens posent des questions sur les revenus des pêcheurs, sur qui sont leurs voisins, et tentent de faire pression sur les pêcheurs pour qu’ils travaillent comme collaborateurs pour Israël. Leurs séquestrations et leurs interrogatoires n’ont donc absolument rien à voir avec l’argument couramment utilisé par Israël qui parle "d’auto-défense". Dans son rapport publié en 2002, le Centre palestinien pour les Droits de l'Homme (PCHR) notait qu’en plus des attaques contre les pêcheurs, la Marine israélienne s’en prend également à leurs équipements et matériels de pêche, allant jusqu’à couler leurs bateaux. Israël impose aussi des amendes aux pêcheurs palestiniens qui doivent payer pour l’entreposage en Israël de leurs bateaux volés, puis pour récupérer leurs embarcations, souvent détruites ou sérieusement endommagées, et quasiment toujours dépouillées de leurs équipements.

De l’histoire ancienne

La longue histoire des attaques et restrictions unilatérales israéliennes remonte aussi loin que le milieu des années 90, juste après la signature des Accords de "paix" d’Oslo. Dans le cadre de l’Accord intérimaire signé en 1994 par les Israéliens et les autorités palestiniennes, la limite de la zone de pêche palestinienne se situe normalement à 20 miles nautiques (37 km) de la côte. Le PCHR note dans son rapport de 1996 que « les forces d’occupation israéliennes ont imposé un siège maritime sur la Bande de Gaza. Lorsqu’ils l'ont allégé, le 22 mars 2002, ils ont diminué la zone où la pêche est permise et ramené la limite à 12 miles nautiques (22,2 km), empêchant les pêcheurs d’aller plus loin, ce qui a eu une incidence défavorable sur leur production et sur leur revenu. »

Fin 2008, avant de lancer contre la Bande de Gaza les 23 jours d’attaques et de bombardements qui ont tué 1.455 Palestiniens, les autorités israéliennes ont à nouveau diminué en toute illégalité la zone de pêche à 3 miles (5,55 km), ce qui signifie concrètement que les pêcheurs palestiniens sont interdits d’accéder à environ 85% de leurs eaux de pêche.

Après avoir livré une guerre de 8 jours contre Gaza en novembre 2012, faisant plus de 170 morts palestiniens, les autorités israéliennes ont repoussé, dans leur grande bonté, les limites qu’ils avaient unilatéralement imposées à 6 miles nautiques. Mais en mars 2013, ils ont à nouveau réduit cette limite à 3 miles, et de nombreux pêcheurs ont certifié que la Marine israélienne les attaque même lorsqu’ils se trouvent à seulement un ou deux miles de la côte de Gaza.

Les pêcheurs palestiniens disent que la différence est négligeable, entre avoir une zone limitée à 3 – ou à 6 – miles. Les Nations Unies soulignent que « la majorité des poissons ayant une valeur élevée se trouve au-delà de 12 NM (miles nautiques) des côtes, là où les fonds marins deviennent plus profonds et rocheux, » et sans accorder aucun moyen pour s’assurer que cela devienne effectif, suggèrent « une extension de la zone accessible à 12 NM qui permettrait aux pêcheurs d’accroître leurs prises, d’exploiter des poissons de fond ayant une plus haute valeur, et de jouir de revenus économiques supérieurs. »

Quelle police s’attaquera aux pirates israéliens ?

Les autorités israéliennes ont l’habitude de revendiquer les actions de leur armée d’occupation comme relevant de "l’auto-défense", y compris leurs actes de piraterie et leurs attaques meurtrières contre les pêcheurs palestiniens. Mais ces actes, ainsi que la punition collective d’une limite fixée à 3 miles, sont des aspects de la stratégie israélienne visant à décimer non seulement la tradition de la pêche à Gaza, mais aussi des moyens d’existence et toute une économie. Ils appartiennent au schéma israélien plus global dont l’objectif est de pousser le plus grand nombre possible de Palestiniens à la pauvreté et au désespoir.

D’après un rapport des Nations-Unies, du début de l’année 2009 à la date de publication du rapport, en novembre 2011, « quatre Palestiniens ont été tués et 17 autres blessés par des tirs israéliens. » Le nombre de pêcheurs tués au cours de la dernière décennie n’est pas clairement défini, mais selon des rapports émanant d’organisations luttant pour les Droits de l’homme et d’après les organes locaux d’information, leur nombre total s’élèverait à plus de 10 pêcheurs. Le nombre de blessés et de pêcheurs enlevés se chiffre par centaines.

Israël continue de retenir 36 bateaux de pêche palestiniens piratés dans les eaux palestiniennes, dont certains en 2008. Sans leurs embarcations, 144 pêcheurs sont sans emploi. La vaste majorité des pêcheurs appartient déjà au cercle des plus pauvres de Gaza. Une fois leurs bateaux et matériels volés ou détruits, les pêcheurs tombent encore plus bas et s’enfoncent dans une pauvreté fabriquée pour eux.

Le siège israélien, imposé peu après la victoire du Hamas aux élections démocratiques de 2006, a poursuivi l’œuvre initiée par les bouclages israéliens des années 90 : détruire l’économie de la Bande de Gaza, générer la pauvreté fabriquée qui prévaut désormais, et faire en sorte que 80% de la population devienne dépendante de l’aide alimentaire.

L’état de crise relatif aux eaux usées, généré par le siège, qui se traduit par le rejet quotidien dans la mer de 90 millions de litres d’eaux usées ou partiellement traitées, ajoute un autre niveau de danger pour l’industrie de la pêche gazaouie. Les poissons vivant dans ces eaux toxiques sont les seules prises que les pêcheurs palestiniens peuvent ramener dans la limite des 3 miles. En août 2010, les Nations-Unies ont fait remarquer que « l’eau de mer microbiologiquement contaminée qui se trouve le long des côtes de la Bande de Gaza pose un sérieux risque sanitaire non seulement aux personnes qui se rendent à la plage pour leurs loisirs, mais aussi à la population entière, à cause des produits de la mer potentiellement contaminés. »

En 2007, les Nations-Unies mettaient en garde contre une pêche excessive des stocks juvéniles : « Les pêcheurs ont été contraints de lancer leurs filets dans des eaux qui contiennent de jeunes poissons et des espèces en train de frayer, ce qui fait que les poissons attrapés sont particulièrement petits, sans parler des dégâts à long terme que cela engendre sur les habitats marins. »

En 2011, les Nations-Unies ont souligné que « les stocks de pêche seront menacés dans le futur, » si la surpêche continue, et précisé l’impact sur les prises de l’année. « La surpêche, dans des espaces confinés, a entraîné une baisse de 90% des prises de sardines depuis 2008… Les prises de sardines de cette année ont été les plus basses de ces 12 dernières années… 2011 verra probablement les plus faibles quantités de poissons jamais pêchées. »

Historiquement, c’est un problème qui n’aurait pas dû se poser, si les pêcheurs avaient pu sortir en mer au-delà de 10 miles et attraper des poissons migrateurs, dont les sardines.

Le secteur de la pêche, qui autrefois procurait emploi et nourriture abordable à une partie non négligeable des 1,7 millions de Palestiniens de Gaza, est désormais et en quelque sorte devenu un risque dangereux et l'ombre de ce qu’il était. Le PCHR a déclaré en mars 2013 que l’industrie de la pêche de Gaza est « sur le point de s’effondrer, avec un nombre de pêcheurs en activité qui a été ramené de 10.000 en 1999 à moins de 3.200 à ce jour. »

Toujours en mars, le PCHR et les organismes de défense des Droits de l’homme Al-Mezan et Addameer ont appelé les Nations-Unies à agir contre les attaques d’Israël et les restrictions qui frappent les pêcheurs de Gaza. Dans une lettre commune, les organismes de défense ont exhorté le Conseil de Sécurité de l’ONU à « reconnaître publiquement et condamner les mesures punitives imposées par les autorités israéliennes qui sont une forme de punition collective des civils de la Bande de Gaza. » Mais, comme ils le notent dans leur lettre, l’ONU a déjà appelé par le passé à la fin du blocus, et déclaré, en 2012, qu’il « équivaut à une punition collective de tous ceux qui vivent à Gaza et constitue une négation de droits humains fondamentaux en contravention du droit international. »

Et quel a été le résultat concret de cette condamnation ? Lorsqu’il s’agit d’Israël, aucune organisation internationale ne s’oppose au fait qu’il viole le droit international, commette des crimes de guerre et ait recours à la punition collective.

C’est seulement en mars 2013, presque trois ans après qu’Israël ait assassiné neuf activistes pacifiques lors du massacre du Mavi Marmara, que le Premier ministre israélien Netanyahu a transmis (faisant suite à la visite de Obama) un piètre texte d’excuses au Premier ministre turc Erdoğan, s’excusant pour les « erreurs opérationnelles » commises durant le raid. Et bien qu’Erdoğan ait publiquement exprimé sa satisfaction concernant cette lettre d’excuses qui n’en contient guère, elle apporte peu d’apaisement aux proches des Turcs assassinés et au réseau mondial des sympathisants de la flottille.

Ces excuses, si elles constituent bien une admission de sa culpabilité, sont aussi tout ce qui a été obtenu d’Israël en matière de reconnaissance de sa responsabilité : la seule enquête menée a été une investigation dirigée par Israël qui a conclu que les commandos israéliens n’étaient pas en tort. Aucune organisation internationale n’a imposé d’enquête aux autorités israéliennes, et aucune ne le fera jamais. Et parmi les conditions préalables posées par Erdoğan pour une reprise des relations avec Israël, l’Etat sioniste est parvenu à esquiver la plus importante : la levée du blocus de Gaza.

Ce qui signifie qu’Israël continuera à confiner les pêcheurs palestiniens dans une zone limitée à moins de trois miles, leur tirant dessus et les bombardant à volonté, et que personne ne les stoppera. Les pêcheurs de Gaza sont laissés à leur sort, dans leur zone de pêche très exigüe. Et c’est une bien triste réalité de constater que les actes de piraterie israéliens vont pouvoir continuer sans aucune retenue, avec la complicité des médias et des organisations internationales.

Commentaire ISM-France :

L'article d'Eva Bartlett a été publié le 24 avril 2013. Le lendemain, jeudi 25 avril, les navires de guerre de l'armée sioniste tiraient sur des bateaux de pêche palestiniens au large de la côte de Gaza, alors qu'ils s'approchaient de la limite de 3 miles nautiques imposée unilatéralement par l'occupant (déclaration de Mahfouth Kabariti, président de la fédération des pêcheurs et des sports nautiques à Gaza, rapportée par Ma'an News).

Source : In Gaza
Photo :  Epave d'un bateau de pêche palestinien détruit par un pilonnage de la marine sioniste (Photo: Eva Bartlett/copyright RT)
Traduction : CR pour ISM

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