Eric Hazan
Depuis les accords d’Oslo, de poignées de mains en protocoles
divers, de tournées d’émissaires américains en « reprises du processus de
paix », ce qui domine la relation Israël-Palestine, c’est l’hypocrisie
généralisée.
On fait semblant de croire que la « solution du conflit » passe
par la création d’un État palestinien. L’idée est largement acceptée par tous
ceux qui ne sont informés que par des médias aux ordres. Mais ceux qui sont au
courant, quel que soit leur bord, savent qu’un véritable État palestinien
ne peut pas exister. Ils savent que ce qui est possible – et qui peut un jour
advenir – c’est un État fantoche, un protectorat qui n’aura pas le contrôle de
ses frontières et donc de son économie, ni d’accès à la mer, ni de communication
directe avec les États arabes voisins, ni de continuité territoriale, ni la
capacité de défendre sa population et son territoire.
On fait semblant de croire que l’Autorité palestinienne
représente le peuple palestinien et peut donc conduire des négociations en son
nom. Chacun sait pourtant que cette « Autorité » n’a plus la moindre légalité
car les dernières vraies élections, qui avaient vu le triomphe du Hamas, datent
de 2006. Et que dans « la Palestine » où sévit cette Autorité on ne compte que
le tiers du peuple palestinien, le reste séjournant dans la bande de Gaza, les
camps de réfugiés, la diaspora, et en Israël même, où plus d’un million de
Palestiniens sont totalement oubliés par le pseudo gouvernement de Ramallah. Le
rôle réel de l’Autorité est double : répartir entre ses fonctionnaires l’argent
des pays donateurs (en n’ayant garde de s’oublier au passage) et servir de
supplétif à Israël pour maintenir l’ordre en Cisjordanie.
On fait (à peine) semblant de croire que le pouvoir israélien
acceptera un jour de négocier honnêtement, alors qu’il montre chaque jour, par
la poursuite de la colonisation et des brutalités de tous ordres, qu’il n’en a
nullement l’intention. La reprise actuelle du « processus de paix » n’est
évidemment qu’un leurre, une vague concession à l’administration américaine,
laquelle a fort besoin de redorer son image dans la région.
Si les faux-semblants et les mensonges étouffent toute
possibilité d’entente et de réconciliation véritables entre juifs israéliens et
arabes palestiniens, c’est sous l’effet d’intérêts convergents. Une véritable
alliance objective réunit tous les pouvoirs conservateurs sur un but commun, le
maintien du statu quo – expression qui recouvre le maintien de l’occupation
civile et militaire et la poursuite de la colonisation.
Ce faux discours sert aussi les intérêts des Etats-Unis et de
l’Europe qui, en affirmant leur soutien à l’idée d’un Etat palestinien dont ils
savent qu’il ne verra jamais le jour, maintiennent de bonnes relations avec les
Etats arabes tyranniques et corrompus – lesquels utilisent leur « défense des
Palestiniens » comme instrument de propagande interne pour faire tenir
tranquilles leurs populations, tâche d’ailleurs de plus en plus malaisée.
Il est évidemment dans l’intérêt des vieux apparatchiks de
l’Autorité palestinienne, qui pensent que l’ordre existant durera bien autant
qu’eux, avec toutes les prébendes et les passe-droit qu’il leur garantit, et le
semblant de considération des organismes internationaux.
Tout cela, le premier gamin poussant ses cageots de tomates sur
le marché de Naplouse le sait parfaitement mais « l’opinion internationale »
fait semblant de l’ignorer.
Depuis plus d’un demi siècle, les véritables amis
des arabes palestiniens et des juifs israéliens montrent pourtant que la paix et
la réconciliation passent par la reconstruction de la Palestine historique, par
un Etat commun à tous les êtres humains vivant entre le Jourdain et la mer.
Combien faudra-t-il attendre pour que cessent les mensonges et que leur voix
soit enfin entendue ?
Eric Hazan, éditeur aux éditions "La Fabrique"et écrivain
Médiapart

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