William Blum
« Quand on s’engage à servir son pays et qu’on prête serment, on
s’y tient. Ce n’est pas une option. » Steven Bussi de la Fondation
Néoconservatrice Heritage, à propos de Chelsea Manning, (anciennement connu sous
le nom de Bradley). Vraiment ? Peu importe ce que l’on demande à un individu qui
s’est engagé ? Peu importe ce qu’il voit ou ce qu’il sait, il doit ignorer sa
conscience et obéir aux ordres ? Mais Steven, mon ami, vous n’êtes pas sans
savoir qu’après la Seconde Guerre Mondiale de nombreux Allemands utilisèrent,
bien évidemment, l’excuse d’avoir obéi aux ordres. Les alliés victorieux
exécutèrent pourtant beaucoup d’entre eux.
Les condamnations à mort furent prononcées par le
Tribunal Militaire International de Nuremberg, en Allemagne, qui déclara que les
individus ont des devoirs internationaux qui surpassent les obligations
nationales d’obéissance. C’est pour cela que les citoyens, en tant qu’individus,
ont le devoir d’enfreindre les lois nationales pour empêcher que des crimes
contre la paix et contre l’humanité n’aient lieu.
En outre, le Principe IV
de Nuremberg stipule : le fait qu’une personne agisse selon les ordres de son
Gouvernement ou d’un supérieur ne l’exonère pas de sa responsabilité au regard
des lois internationales, pour peu qu’on parvienne à démontrer qu’il avait la
possibilité d’agir autrement.
Manning, mais aussi
Edward Snowden, avaient des alternatives d’ordre moral et ils les ont saisies.
Il convient de dire que
Barack Obama a refusé de présenter à la justice ceux qui, sous l’ère Bush,
étaient impliqués dans les actes de torture car, affirme-t-il, ils ne faisaient
qu’obéir aux ordres. Cet homme instruit, n’a-t-il jamais entendu parler du
Tribunal de Nuremberg ? Pourquoi n’est-il pas gêné de répéter encore et toujours
le même argument ?
Durant les trois
dernières années d’incarcération, de torture et d’humiliation que Manning a
vécues et qui ont augmenté considérablement ses difficultés personnelles déjà
existantes, j’imagine que l’idée du suicide lui a traversé l’esprit à bien des
reprises. Cela aurait été le cas si j’avais été à sa place. Au cours des
milliers de jours et de longues nuits d’incarcération à venir, ces pensées
habiteront peut-être Manning. Si les pensées se transforment en désir et si le
désir devient insupportable, j’espère que cette jeune femme courageuse trouvera
le moyen de le réaliser. Toute personne possède ce droit, même les
héros.
Les Etats-Unis et
leurs petits caniches européens sont peut-être allés trop loin, pour leur propre
bien, dans leurs tentatives de contrôler toute communication dissidente en
exigeant toutes les données de la part des sociétés impliquées dans la
messagerie codée, en mettant la pression pour fermer plusieurs d’entre elles, en
obligeant l’avion du président bolivien à atterrir, en détruisant les
ordinateurs d’un journal important, en arrêtant la conjoint d’un journaliste
pendant plus de neuf heures dans un aéroport, en s’appropriant les conversations
téléphoniques de journalistes de l’Associated Press, en menaçant
d’emprisonnement un journaliste du New York Times s’il ne révélait pas sa source
lors d’une opération d’infiltration, en mentant de manière éhontée au plus haut
niveau, en dissimulant des micros au sein du Parlement Européen et des Nations
Unies, en organisant des surveillances sans limites. Où tout cela
s’arrêtera-t-il ? À quel moment cela sera-t-il contreproductif et permettra aux
Etats-Unis de revenir à un niveau de surveillance normal ? Le 24 Juillet, une
loi limitant le pouvoir de la NSA a été retoquée par seulement 217 votes contre
205 à la Chambre des Représentants.
Et combien de temps
encore Amnistie International continuera-t-elle à salir son image en niant
l’évidence ? A savoir que Manning rentre dans la catégorie des Prisonniers
d’Opinion. Quiconque visite le site d’Amnistie Internationale à la recherche de
Prisonniers d’Opinion en trouvera un grand nombre, dont plusieurs cubains.
Existe-il un lien entre l’oubli de Manning et le fait que la Directrice
Exécutive d’Amnistie International, Suzanne Nossel, ait pris ses fonctions
actuelles tout de suite après son départ du Département d’Etat Américain, où
elle occupait le poste de Vice-Secrétaire Adjointe en charge des Organisations
Internationales ?
Un coup de fil au
siège d’Amnisty International à New York ne m’a pas permis d’obtenir une
quelconque explication sur l’oubli de Manning. Je suggère que les lecteurs
essaient de l’obtenir en contactant le bureau d’Amnisty Internationae de leur
pays.
En
attendant, l’autre grande organisation internationale de défense des droits de
l’homme, HRW, a vu le Directeur du bureau de Washington, Tom Malinowski, être
nommé par Obama, Secrétaire d’Etat Adjoint en charge de la Démocratie, des
Droits de l’Homme et du Droit du Travail. Est-il vraiment exagéré d’attendre
d’un haut fonctionnaire à la tête d’une organisation de défense des Droits de
l’Homme qu’il refuse de travailler pour un gouvernement qui a le plus enfreint
les Droits de l’Homme au cours des cinquante dernières années ? Et si cette
nomination vous semble écœurante, il vous faut considérer la torture comme le
meilleur exemple de la cruauté humaine.
Qui d’autre que les Etats-Unis a été le
plus impliqué dans cette horreur ? Allant même jusqu’à l’enseigner, fournissant
manuels et équipements, créant des centres de torture un peu partout dans le
monde, séquestrant des personnes pour les conduire vers ces lieux,
incarcération, alimentation forcée, Guantanamo, Abu Ghraib, Bagram, Chili,
brésil, Argentine, Chicago…
Que Dieu nous pardonne !
Auteur
de
Killing Hope : U.S. Military and CIA Interventions Since World War II, Rogue
State : a guide to the World s Only Super Power.
Son dernier
ouvrage s’intitule : America s Deadliest Export : Democracy.
Contact : BBlum6@aol.com
<mailto:BBlum6@aol.com>
Source originale : Counterpunch
Traduction :
Collectif Investig'Action

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