Gilles Devers
Tilly-Sabco est entreprise bretonne, installée à Guerlesquin, dans le Finistère, patron Daniel Sauvaget, qui œuvre dans la vente de volailles, essentiellement à l’export. C’est
une grosse PME : 136 millions de chiffre d’affaires et 340 salariés.
L’exportation de poulets en Bretagne, c’était Doux et Tilly-Sabco.
Oui,
mais voilà, la semaine dernière, Daniel Sauvaget a annoncé que
l’entreprise allait début janvier cesser son activité d’export : 90% des
salariés sur le carreau, et de nombreux emplois indirects, notamment
chez les aviculteurs, sont en péril. Motif ? La suppression des aides à
l’exportation pour les poulets congelés. Un contrecoup des accords
commerciaux internationaux, et en juillet, Bruxelles avait annoncé la
fin des aides pour début 2014. Nous y sommes.
Ces subventions représentaient
un budget de 55 millions d’€, qui ne profitait en pratique qu’à la
France, destinataire de 93,7% de la somme. Bruxelles estime que
l’évolution du marché ne justifie plus cette coûteuse béquille, et les
entreprises disent pile le contraire. En réalité, tout le secteur flippe,
car si les marchés à l’exportation sont perdus, les entreprises vont se
retourner vers le marché intérieur, qui est excédentaire. Soyez
patriotes, mangez du poulet trois fois par jour…
Alors revenons au cirque d’hier.
Le matin, c’était un comté d’entreprise exceptionnel. Et l’après-midi, manif… avec le patron pour mener les troupes !
On
a démarré par une opération escargot sur la RN 12, pourquoi pas, puis
en route vers Morlaix, et direction la sous-préfecture. Le haut portail
est fermé, mais pas de problème : les manifestants ont sous la main un
engin de levage, qui défonce le portail, et 150 à 200 salariés
envahissent la cour. Dans la foule, on voyait même quelques écharpes
tricolores, des élus ? Des élus forçant la porte d’une préfecture ?
L’Elysée
a aussitôt condamné l’opération : «On ne peut pas laisser passer ça,
c'est trop fort symboliquement, c'est inacceptable. On peut comprendre
le malaise et la peur vu le contexte local et régional, mais là c'est
intolérable.»
Daniel
Sauvaget est filmé, haranguant les salariés, expliquant qu’il n’y a
qu’un seul responsable : Le Foll, ministre de l’agriculture. Comme ça ne
vient pas assez vite, les salariés vident dans la cour de la
sous-préfecture un chargement de bazar, et allument un grand feu de
joie.
En soirée, Daniel Sauvaget réapparait : «Le
ministre Le Foll s’est engagé par écrit à demander un rendez-vous cette
semaine avec le commissaire européen à l’Agriculture, Dacian Ciolos,
auquel il participera avec les représentants de la filière, pour
défendre les restitutions européennes».
Voilà un sacré message : on défonce le portail d'une préfecture, et on reçoit un soutien du ministre. Bonne mère...
Par écrit ! Une parole de ministre ne
vaut pas grand-chose, visiblement, alors Daniel Sauvaget a exigé un
écrit ! Pour aujourd’hui, c’est donc carton plein, alors le patron
meneur de troupes lève le camp et tout le monde rentre à la maison.
Bien
sûr, on n’imagine pas que des telles dégradations de biens publics
restent sans suites pénales, et comme tout le monde du poulet était à
visage découvert dans la maison poulaga, l’enquête ne devrait pas être
trop compliquée… J’attends de voir ce que vaut le discours inflexible sur la
sécurité…
Et ensuite, je suis bien curieux de savoir ce que Le Foll va obtenir de Dacian Ciolos, qui gère lui des politiques globales, sous grande tension. Une exemption pour Tilly-Sabco, en récompense de ce haut fait d’armes à la sous-préfecture ?
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