samedi 7 décembre 2013

Nelson Mandela : non à la récupération !

Europalestine   

Si Mandela est devenu une icône mondiale, bon nombre des personnalités qui lui rendent hommage aujourd’hui, prennent soin de cacher ce pour quoi il s’est battu et comment il s’est battu, contre le racisme, l’apartheid et pour l’égalité des droits, faisant exactement le contraire des politiciens qui l’encensent aujourd’hui.

Les Obama & Co qui favorisent l’apartheid israélien sont l’exact opposé de l’éthique de Mandela, qui a passé 27 ans en prison parce qu’il refusait d’exprimer du repentir par rapport à la lutte armée qu’il avait menée pour lutter contre l’apartheid, pour la dignité, un mot qui ne veut rien dire pour la plupart des politiciens qui viennent se recueillir aujourd’hui en grande pompe à l’annonce de sa mort.
Mandela était un disciple de Ghandi, un adepte de la désobéissance civile, mais qui a décidé, rappelons-le de passer à la lutte armée, en expliquant : « La résistance passive non-violente est efficace tant que notre adversaire adhère aux mêmes règles que nous. Mais si la manifestation pacifique ne rencontre que la violence, son efficacité prend fin. Pour moi, la non-violence n’était pas un principe moral mais une stratégie. Il n’y a aucune bonté morale à utiliser une arme inefficace ».
Son parti l’ANC est interdit en 1960, et la lutte pacifique ne donnant pas de résultats tangibles, Mandela fonde et dirige la branche militaire de l’ANC, Umkhonto we Sizwe, en 1961, qui mène une campagne de sabotage contre des installations publiques et militaires.
Le 21 mars 1960 a lieu le massacre de Sharpeville, un township de Vereeniging, dans le sud du Transvaal. Lors d’une manifestation du Congrès panafricain contre l’extension aux femmes du passeport intérieur, que les hommes noirs sont obligés de porter constamment sur eux sous peine d’être arrêtés ou déportés, une soixantaine de policiers, sur un effectif total de trois cents hommes retranchés dans un local de la police et appuyés par des véhicules blindés, tirent sans sommation sur une foule d’environ cinq mille personnes dont seules trois cents sont encore à proximité des policiers, le reste de la foule ayant commencé à se disperser. Il y a soixante-neuf morts, dont huit femmes et dix enfants, ainsi que cent quatre-vingts blessés, dont trente et une femmes et dix-neuf enfants. La majorité des blessures par balles sont faites dans le dos sur une foule en fuite et non armée.
En mai 1961, il lance avec succès une grève générale où les grévistes restent à leur domicile, obligeant le gouvernement à faire intervenir la police et l’armée. Il écrit et signe un plan de passage graduel à la lutte armée. Il coordonne des campagnes de sabotage contre des cibles symboliques, préparant des plans pour une possible guérilla si les sabotages ne suffisaient pas à mettre une fin à l’apartheid.
Nelson Mandela favorise le sabotage, qui « n’entraîne aucune perte en vie humaine et ménage les meilleures chances aux relations interraciales », avant de s’engager dans « la guérilla, le terrorisme et la révolution ouverte ». Un membre de l’ANC, Wolfie Kadesh, explique la campagne de sabotage à la bombe menée par Mandela : « [...] faire exploser des lieux symboliques de l’apartheid, comme des bureaux du passeport interne, la cour de justice pour natifs, et des choses comme ça... Des bureaux de poste et... des bureaux du gouvernement. Mais nous devions le faire d’une telle façon que personne ne serait blessé, personne ne serait tué. ». Entre 1961 et 1963, quelque cent quatre-vingt-dix attaques armées sont répertoriées, principalement à Johannesburg, à Durban et au Cap.
Mandela collecte aussi des fonds à l’étranger pour le MK et organise l’entraînement paramilitaire du groupe. Il suit une formation militaire en Algérie nouvellement indépendante et étudie Carl von Clausewitz, Mao Zedong, Che Guevara et les spécialistes de la Seconde Guerre des Boers. En raison de cet engagement militaire et de la qualification de l’ANC comme « organisation terroriste », Nelson Mandela ainsi que plusieurs autres responsables politiques de l’ANC ne pourront entrer aux États-Unis sans visas spéciaux jusqu’au 1er juillet 2008.
« Il y avait un environnement international qui nous le permettait. Il y avait la guerre froide, il y avait la possibilité de s’appuyer sur les pays africains nouvellement indépendants. Il y avait le soutien du bloc soviétique. Un soutien militaire direct, en formation et en matériel. Il y avait la solidarité internationale des peuples occidentaux qui faisaient pression sur leurs gouvernements qui freinaient l’imposition de sanctions à leur partenaire économique. » explique Denis Goldberg, l’un des quatre survivants du procès de Rivonia qui eut lieu à partir d’octobre 1963.
Aux côtés 
de Nelson Mandela, il a été l’un des premiers engagés dans la lutte armée. 
Il a été libéré en 1985 après vingt-deux ans dans les geôles de l’apartheid.

Il a souligné le rôle déterminant des Etats africains.

« Nelson Mandela est sorti d’Afrique du Sud en janvier 1962 pour sillonner le continent. Ces pays africains ont d’ailleurs payé un prix très terrible. Les camps d’entraînement basés en Angola et au Mozambique ont été détruits par l’armée de l’apartheid. Des gens ont été tués, assassinés. Malgré cela, ces pays sont restés à nos côtés. Parce qu’il était impossible de se sentir libre si, dans cette partie de l’Afrique australe, régnait l’apartheid, qui les déstabilisait. Le rôle de Cuba a également été crucial, notamment en dans le sud de l’Angola, lors de la bataille de Cuito-Cuanavale, en janvier 1988. Celle-ci a opposé l’armée angolaise, soutenue par les troupes cubaines, à la rébellion de l’Unita, soutenue par l’Afrique du Sud de l’apartheid et les États-Unis. L’armée de l’apartheid a été battue. Cela a été un grand choc pour les Blancs d’Afrique du Sud de savoir que, pas seulement des soldats noirs, mais les peuples d’Afrique pouvaient vaincre l’armée la plus puissante d’Afrique. Cette bataille a amené la libération de la Namibie, alors sous l’emprise de l’apartheid, puis le départ des troupes cubaines d’Angola. »
« Il y a eu des événements spectaculaires  : les attaques contre les raffineries de pétrole, l’attaque contre le quartier général des forces armées au cœur de Pretoria… Un véritable choc psychologique. Un choc pour les jeunes Blancs. Ils devaient tous faire leur service militaire, aller dans des zones de combat, perdre une jambe parce qu’ils sautaient sur une mine antipersonnel. Ils revenaient alors à la maison et s’apercevaient que les emplois qui étaient réservés aux Blancs sous l’apartheid étaient maintenant occupés par des Africains. Pourquoi se battaient-ils  ? Ils étaient désillusionnés. C’est pourquoi, au milieu des années quatre-vingt, de plus en plus de jeunes Blancs refusaient de faire leur service militaire. Le gouvernement ne pouvait rien faire. Les jeunes Blancs disaient qu’ils étaient prêts à défendre l’Afrique du Sud contre une invasion étrangère mais pas à occuper les townships. Ils refusaient pour des raisons religieuses, morales ou politiques. Ce qui amenait les familles à changer d’attitude parce qu’elles devaient leur trouver des endroits où se cacher. Il y avait également un mouvement initié par des Blanches, opposé à l’absurdité de l’apartheid, à sa brutalité et à son inhumanité. Beaucoup de religieux ont aussi, à ce moment-là, arrêté leur soutien au système d’apartheid. Il ne restait plus que la négociation. C’était devenu un besoin pour y mettre fin. »
« Pour ceux de ma génération, la lutte armée a été un moyen pour rendre victorieuse la lutte politique. La lutte armée n’a pas pris la place du combat politique. À la fin nous avions la lutte armée, la politique clandestine à l’intérieur de l’Afrique du Sud, la lutte légale à travers l’UDF et la solidarité internationale. Voilà les quatre piliers de notre lutte. Aucun pouvoir ne peut tolérer cela, d’autant plus lorsqu’il est de plus en plus isolé. Il s’est alors militarisé de plus en plus. Et l’idée de démocratie a disparu, même pour les Blancs. Leurs conditions de vie se sont même dégradées tant le coût de la survie de l’apartheid était élevé. Pourquoi alors maintenir l’apartheid si ça ne vous profite même pas  ? »
Le 12 juillet 1963, Nelson Mandela est arrêté par la police sud-africaine sur indication de la CIA, puis est condamné à la prison et aux travaux forcés à perpétuité lors du procès de Rivonia.
Dès lors, il devient un symbole de la lutte pour l’égalité raciale et bénéficie d’un soutien international croissant. Après vingt-sept années d’emprisonnement dans des conditions souvent très dures, Mandela est relâché le 11 février 1990, sans avoir jamais accepté de se repentir.
Comme Georges Ibrahim Abdallah enfermé depuis 30 ans dans des prisons françaises par les mêmes politiciens qui viennent se recueillir aujourd’hui sur la dépouille de Mandela !

Voici ce que Mandela disait de la situation des Palestiniens

" L’Apartheid est un crime contre l’humanité. Israël a privé des millions de Palestiniens de leur liberté et de leur propriété. Il perpétue un système de discrimination raciale et d’inégalité. Il a systématiquement incarcéré et torturé des milliers de Palestiniens, en violation du droit international. Il a déclenché une guerre contre une population civile et en particulier contre des enfants. »
Ces paroles sont de Nelson Mandela, ainsi que les autres remarques faites par lui, en mars 2001, et qui restent malheureusement totalement d’actualité. Merci à Mireille Rumeau pour la traduction de cette lettre de l’ancien Président d’Afrique du Sud, à Thomas L. Friedman, éditorialiste au New York Times.

"Cher Thomas,
Je sais que vous et moi sommes impatients de voir la paix au Moyen Orient, mais avant que vous continuiez à parler des conditions nécessaires d’un point de vue israélien, vous devez savoir ce que j’en pense. Par où commencer ? Disons 1964.
Permettez-moi de citer mes propres paroles lors de mon procès. Elles sont aussi justes aujourd’hui qu’elles l’étaient à l’époque : « J’ai combattu la domination blanche et j’ai combattu la domination noire. J’ai chéri l’idéal d’une société démocratique et libre au sein de laquelle tous vivraient ensemble, en harmonie, et avec des chances égales. C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et que j’espère atteindre. Mais s’il le faut, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. »
Aujourd’hui, le monde, noir et blanc, reconnaît que l’Apartheid n’a pas d’avenir. En Afrique du Sud, il s’est terminé grâce à notre propre action de masse décisive, pour bâtir la paix et la sécurité. Cette campagne massive de défi et autres actions ne pouvait qu’aboutir à l’établissement de la Démocratie.
Il est peut-être étrange pour vous d’observer la situation en Palestine ou, plus spécifiquement, la structure des relations politiques et culturelles entre les Palestiniens et les Israéliens, comme un système d’Apartheid. Votre article récent « Bush’s First Memo », dans le New York Times du 27 mars 2001, le démontre.
Vous semblez surpris d’entendre qu’il y a toujours des problèmes de 1948 à résoudre, dont le plus important est le droit au retour des réfugiés palestiniens. Le conflit palestino-israélien n’est pas qu’un problème d’occupation militaire et Israël n’est pas un pays qui a été créé « normalement » et qui s’est mis à occuper un autre pays en 1967. Les Palestiniens ne luttent pas pour un « Etat » mais pour la liberté, la libération et l’égalité, exactement comme nous avons lutté pour la liberté en Afrique du Sud.
Au cours de ces dernières années, et en particulier lorsque le Parti Travailliste était au gouvernement, Israël a montré qu’il n’avait même pas l’intention de rendre ce qu’il avait occupé en 1967, que les colonies resteraient, que Jérusalem serait sous souveraineté exclusivement israélienne et que les Palestiniens n’auraient pas d’Etat indépendant mais qu’ils seraient placés sous domination économique israélienne, avec un contrôle israélien des frontières, de la terre, de l’air, de l’eau et de la mer.
Israël ne pensait pas à un « Etat » mais à une « séparation ». La valeur de la séparation se mesure en terme de la capacité d’Israël à garder juif l’Etat juif, et pas d’avoir une minorité palestinienne qui pourrait devenir une majorité, dans l’avenir. Si cela arrivait, cela forcerait Israël à devenir soit un Etat laïque ou bi-national, soit à devenir un Etat d’Apartheid, non seulement de fait, mais aussi de droit.
Thomas, si vous suivez les sondages israéliens au cours des 30-40 dernières années, vous verrez clairement un racisme grossier, avec un tiers de la population qui se déclare ouvertement raciste. Ce racisme est de la nature de « Je hais les Arabes », et « Je souhaite que les Arabes meurent ». Si vous suivez également le système judiciaire en Israël, vous verrez qu’il y a discrimination contre les Palestiniens, et si vous considérez plus particulièrement les territoires occupés en 1967, vous verrez qu’il y a déjà deux systèmes judiciaires à l’œuvre, qui représentent deux approches différentes de la vie humaine : une pour la vie palestinienne et l’autre pour la vie juive.
De plus, il y a deux approches différentes pour la propriété et pour la terre. La propriété palestinienne n’est pas reconnue comme propriété privée puisqu’elle peut être confisquée.
Pour l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza, il y a un facteur supplémentaire à prendre en compte. Les soi-disant « Zones autonomes palestiniennes » sont des Bantoustans. Ce sont des entités restreintes au sein de la structure de pouvoir du système israélien d’Apartheid.
L’Etat palestinien ne peut pas être un sous-produit de l’Etat juif, juste pour garder la pureté juive d’Israël. La discrimination raciale d’Israël est la vie quotidienne de la plupart des Palestiniens. Parce qu’Israël est un Etat juif, les Juifs israéliens ont des droits particuliers dont les non Juifs ne bénéficient pas. Les Arabes palestiniens n’ont aucune place dans un Etat « juif ».
L’Apartheid est un crime contre l’humanité. Israël a privé des millions de Palestiniens de leur liberté et de leur propriété. Il perpétue un système de discrimination raciale et d’inégalité. Il a systématiquement incarcéré et torturé des milliers de Palestiniens, en violation du droit international. Il a déclenché une guerre contre une population civile et en particulier contre des enfants. Les réponses de l’Afrique du Sud en matière de violation des droits humains provenant des politiques de déportation et des politiques d’apartheid ont mis en lumière ce que la société israélienne doit nécessairement accomplir avant que l’on puisse parler d’une paix juste et durable au Moyen Orient et de la fin de la politique d’apartheid. Thomas, je n’abandonne pas la diplomatie du Moyen Orient, mais je ne serai pas complaisant avec vous comme le sont vos supporters. Si vous voulez la paix et la démocratie, je vous soutiendrai. Si vous voulez formaliser l’apartheid, nous ne vous soutiendrons pas. Si vous voulez soutenir la discrimination raciale et le nettoyage ethnique, nous nous opposerons à vous. Quand vous aurez pris votre décision, passez moi un coup de fil.


Nelson Mandela - 28 mars 2001 -

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