
Il y a un siècle,
les Ritals … Mohammed s’appelait alors Giovanni. Les transalpins sont
d’abord venus pour échapper à la pauvreté et trouver du travail, avant
d’être rejoints par une génération qui fuyait le fascisme. Il faut
cependant admettre que l’émigration n’aurait pas pu prendre une telle
ampleur si le pays d’accueil n’avait pas été demandeur …
La spécialité professionnelle
des travailleurs italiens du début du siècle était justement de n’en
avoir aucune, ce qui leur permettait d’intervenir dans tout type
d’activité manuelle. Ils devenaient terrassiers, dockers, manœuvres,
saisonniers agricoles ou métallurgistes dans les chantiers navals.
L’accueil des Français
fut inégal : d’abord indifférent, il devint hostile dans un contexte de
crise et de nationalisme exacerbé par le boulangisme après la défaite
de 1871. La violence xénophobe finit par s’exprimer par des émeutes
anti-italiennes en 1881 à Marseille et en 1894 à Lyon (après
l’assassinat du président Carnot par un anarchiste italien, Caserio) ;
elle culmina à Aigues-Mortes en 1893.
À la fin du dix-neuvième siècle,
la récolte des sels dans les salines de Peccais était l’occasion pour
plusieurs centaines de personnes, travailleurs itinérants, de venir au
mois d’août grossir la population d’Aigues-Mortes… Les « trimards »
français et italiens acceptaient ainsi un travail harassant en raison
des salaires pratiqués.
La récolte de 1893
tourna au drame en se transformant en véritable « ritalade »,
conséquence de la Grande Dépression des années 1875, et des fantasmes
relatifs à la préférence nationale ou à la protection du travail
national (termes déjà employés à l’époque !) Les bilans firent état d’un
nombre de morts italiens compris entre 8 et plus de 50.
Il est difficile
et sans réel intérêt de définir précisément l’origine du massacre ; les
tensions dans ce genre de chantier étaient courantes depuis de
nombreuses années et les renforts de gendarmerie très prisés par la
population locale. Cet évènement permit à la presse locale de s’exprimer
dans un véritable festival de propos nationalistes et de mauvaise foi
xénophobe.
Alors que la population
hexagonale n’assurait plus son propre renouvellement, que les bras
manquaient (les couples français réduisaient la natalité par la
contraception naturelle), l’appel à l’immigration apparut comme une nécessité vitale. Celle-ci assura entre 1918 et 1939 l’essentiel de l’accroissement démographique en France.
Le développement
de ces propos est intéressant par l’analogie évidente qui apparaît
entre deux climats « fin de siècle ». On s’aperçoit que les vagues de
xénophobie sont toujours liées à une crise économique ou politique, et
non au dépassement d’un quelconque « seuil de tolérance ».
En 1897
déjà, il valait mieux être né au bon endroit pour prétendre profiter
sereinement de la Promenade des Anglais. Cette année-là, la municipalité
ouvertement italophobe (elle venait d’être réélue sur le slogan « Nice aux niçois ») décida de ne pas renouveler le permis de travail de cent cochers transalpins …
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