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L’énergie atomique
se manifesta publiquement pour la première fois ce jour la par
la destruction à peu près complète et instantanée d’Hiroshima. La
« performance » fut répétée trois jours plus tard sur Nagasaki avec le
même succès. Si la surprise fut grande dans l’opinion publique, parmi
les savants il n’en fut rien car ils envisageaient ce développement
scientifique depuis 1939.
Contrairement à ce
qui a été écrit plusieurs années plus tard, ces destructions de masse
ne traumatisèrent ni le milieu scientifique ni l’opinion publique. Elles
furent perçues comme le début d’une ère nouvelle, « l’âge atomique »
confirmant la fiabilité de cette nouvelle source d’énergie. Le mercredi 8
août 1945, on put lire à la une du journal Le Monde : « Une révolution
scientifique : Les Américains lancent leur première bombe atomique sur
le Japon ».
L’unanimité
fut assez parfaite dans l’ensemble de la presse. L’ampleur du désastre,
ces êtres humains qui, en quelques millionièmes de seconde, furent
« volatilisés » et ne laissèrent qu’une ombre sur les murs, loin de
déclencher horreur et indignation, fut reçue comme la preuve objective
d’un avenir radieux pour une humanité qui allait enfin être débarrassée à
tout jamais des contraintes du travail.
La matière
se révélait source inépuisable d’énergie, qu’il serait possible
d’utiliser partout sans limite, sans effort, sans danger.
D’invraisemblables projets étaient présentés sérieusement comme à notre
portée dans un avenir très proche. On parlait de faire fondre la glace
des pôles par bombardement atomique pour produire un climat tempéré sur
la terre entière, d’araser le Mont Blanc ou de combler la Méditerranée
pour irriguer le Sahara (Joliot), etc.
Le délire scientiste
n’a plus jamais atteint de tels sommets. Les explosions sur le Japon
furent glorifiées et bénies par tout ce que l’establishment scientifique
avait de disponible : à l’époque cela s’appelait « les savants ». La
mobilisation fut spontanée pour nous initier à cet avenir que les prix
Nobel du « Projet Manhattan » nous avaient soigneusement préparé.
Hiroshima devait ouvrir à l’humanité une ère de liberté, on entrait dans
la modernité libératrice.
La seule voix discordante
fut celle d’Albert Camus dans l’éditorial de Combat le 8 août 1945 :
« Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose. C’est ce que
chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les
journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de
la bombe atomique.
On nous apprend,
en effet, au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes, que
n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée
par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. Des journaux
américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes
sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique
et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le
caractère indépendant de la bombe atomique. [...] Il est permis de
penser qu’il y a quelque indécence à célébrer une découverte qui se met
d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont
l’homme ait fait preuve depuis des siècles ». Ces positions lui
valurent, quelques jours plus tard, de violentes critiques.
Pour France-Soir,
l’ère nouvelle fut inaugurée le 16 juillet 1945, date de l’essai de la
première bombe atomique. Il titre le 8 novembre 1945 : « Le 16 juillet
1945 à Alamogordo, par une nuit d’orage, le monde est entré dans une ère
nouvelle ». L’article se poursuit ainsi : « L’espèce humaine a réussi à
passer un âge nouveau : l’âge atomique ». Ce même journal titrait un article le 9 août 1945 : « L’emploi de la bombe atomique ouvre des horizons illimités ».
Le 10 août 1945,
après la destruction de Nagasaki, France-Soir confiait ses colonnes à
« un prince, académicien français et prix Nobel de physique » qui
titrait son article : « L’homme pourra demain tirer plus d’énergie de
quelques grammes de matière désintégrée que de la houille, de l’eau et
du pétrole, par le prince Louis de Broglie, de l’Académie française ».
Le 8 août 1945,
le journal Libération titrait en première page : « La nouvelle
découverte peut bouleverser le monde. [...] Charbon, essence,
électricité ne seraient bientôt plus que des souvenirs ». Toujours en
premiere page, ce meme jour, L’Humanité
titre : « La bombe atomique a son histoire depuis 1938, dans tous les
pays des savants s’employaient à cette tâche immense : libérer l’énergie
nucléaire. Les travaux du professeur Frédéric Joliot-Curie ont été un
appoint énorme dans la réalisation de cette prodigieuse conquête de la
science ». Les journaux mentionnent à de nombreuses reprises la part
jouée par la France dans cette prodigieuse découverte.
Ainsi on trouve
dans le Figaro du 9 août 1945 un communiqué de l’AFP : « Paimpol 8 août
– M. Joliot-Curie fait de Paimpol la communication suivante : L’emploi
de l’énergie atomique et de la bombe atomique a son origine dans les
découvertes et les travaux effectués au Collège de France par MM.
Joliot-Curie, Alban et Kowarski en 1939 et 1940. Des communications ont
été faites et des brevets pris à cette époque ».
Un de ces brevets
porte sur les « Perfectionnements aux charges explosives », brevet
d’invention n° 971-324, « demandé le 4 mai 1939 à 15 h 35 min à Paris ».
Cependant, personne en 1945
n’osa réclamer au gouvernement américain des royalties, bien que
finalement on affirmât que la destruction de Hiroshima était couverte
par un brevet français ! Seul un bénéfice moral était attendu en
exigeant que l’opinion mondiale reconnût la contribution française aux
massacres d’Hiroshima et de Nagasaki.
Source : BellaciaoConscience Citoyenne Responsable


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