Au nom de la Commission européenne. Cet
homme est dorénavant le proconsul de la Commission européenne pour la
France. En effet, la Commission a rendu son avis sur le budget français.
C’est simple : nos députés peuvent voter ce qu’ils veulent, dans trois
mois Bruxelles se donnera la possibilité de rectifier leur vote. En
attendant, la Commission poursuit le chantage entamé depuis maintenant
des mois : plus d’austérité et plus de « réformes structurelles » pour éviter une sanction. L’exécuteur des basses œuvres de la Commission contre la France est Pierre Moscovici en personne. L’avoir traité de traitre
avait été considéré comme excessif, on s’en souvient. Et pourtant telle
est la situation. L’avis de la Commission est signé de la main de
l’ancien directeur de campagne et ancien ministre des Finances de
François Hollande. Le caractère ubuesque d’une décision négociée entre
bureaucrates non élus pour l’imposer à un gouvernement issu du suffrage
universel par celui-là même qui est responsable de ce qu’il dénonce
résume à lui seul le caractère farcesque de notre « chère Europe qui
nous protège » !
Pierre Moscovici estime donc que « le projet de budget présente un risque de non-conformité » avec les règles européennes. Il demande au gouvernement français de «
prendre, dans le cadre de la procédure budgétaire nationale, les
mesures nécessaires pour garantir la conformité du budget 2015 avec le
pacte de stabilité et de croissance ». Concrètement, cela veut dire
que la Commission exige plus d’austérité que les 21 milliards d’euros
de coupes budgétaires déjà prévues par Valls et votées à l’Assemblée
nationale pour l’an prochain.
Ce n’est pas tout. La Commission appelle à « accélérer la mise en œuvre »
des réformes structurelles qu’elle a demandées au printemps 2014 :
baisse du coût du travail, précarisation des salariés, nouvelle étape
d’ouverture à la concurrence des services publics de l’énergie et des
transports etc.
Mais la Commission renvoie sa décision finale sur d’éventuelles sanctions à dans trois mois. Elle écrit qu’elle « réexaminera
au début du mois de mars 2015, à la lumière de la version définitive de
la loi de finances [pour 2015] et du programme détaillé des réformes
structurelles annoncé par les autorités, sa position sur les obligations
qui incombent à la France ». Il s’agit donc en fait d’une liberté sous surveillance assortie d’un sursis de trois mois.
Car il ne faut pas croire que ce délai de trois mois soit un cadeau ou un répit.
Au contraire. C’est un cran de plus dans la laisse autour du cou de
notre pays. La preuve : les commissaires européens ont le privilège de
connaître le contenu d’une lettre de Manuel Valls à propos des mesures
qu’il compte prendre pour obéir aux ordres de la Commission. Mais cette
lettre est secrète. Nous voilà revenus à la diplomatie des cabinets
noirs de l’ancien régime ! Les Français ont-ils le droit de savoir ?
Non, bien sûr. Mais un traité comme TAFTA est bien négocié en secret !
Alors ! D’ici mars, la Commission européenne va donc se livrer à un
odieux chantage permanent. Comme Valls et Hollande ne veulent pas
résister, ils céderont. Soit en augmentant la cure d’austérité déjà
insupportable. Soit en dégainant de nouvelles attaques contre les droits
sociaux et les services publics en guise de « réformes structurelles ». Et sans doute même sur les deux tableaux. Ça va saigner.
Monsieur Junker, l’homme de la « dernière chance de l’Europe », a « mis sur la table »
plus de trois cent milliards d’euros. En fait il s’agit d’une grosse
arnaque à têtes multiples. Arnaque : sur 315 milliards annoncés, il n’y
en a que 5 avancés réellement qui soient nouveaux. Et encore. Ils
viennent de la Banque Européenne d’Investissement qui, de toutes façons,
les aurait sortis de ses caisses si son travail était fait,
c’est-à-dire si elle trouvait de l’appétit d’investissement dans
l’économie réelle. Et le reste ? D’où vient le reste de la somme
annoncée ? D’abord d’un regroupement de 21 milliards de fonds européens
déjà programmés. Et c’est tout. Le reste, ce sera une garantie donnée
pour des investissements publics ou privés acquis par l’emprunt auprès
des banques privées. Elaguez les bavardages : l’Europe se porte caution
pour 315 milliards d’investissements privés ! Autrement dit : elle
assume le risque de ces investissements. C’est le nouveau capitalisme à
la sauce européenne ! Junker a en effet débarrassé le capitalisme de son
principal inconvénient pour les actionnaires des banques : le risque !
La prise en charge du risque social que couvrent les régimes
d’indemnisation du chômage, ou celle du risque santé que couvrent les
régimes sociaux sont toujours trop « généreux ». Mais la prise en charge
du risque capitaliste est toujours insuffisante. Ici enfin, à hauteur
de 315 milliards, ce risque est tout simplement annulé. Il est
totalement pris en charge par la collectivité.
Ce n’est pas la seule très bonne manière faites aux banques dans cette opération.
Les prêts qu’elles feront, sur garantie de l’Union européenne, elles
pourront aussi en faire un usage magique : les titriser. C’est-à-dire
les répartir en petits morceaux dans des bons et titres qu’elles
proposeront à leurs clients comme placement. Donc si un de ces
magnifiques agrégats venait à s’effondrer, la partie titrisée serait à
charge de la collectivité ! Youpi. Quelle fête pour les banques que ce
Junker ! J’hésite à déprimer mon lecteur en lui annonçant encore une
nouvelle de ce genre. Mais il le faut. Junker a encore trouvé une
utilisation supplémentaire pour son « plan de relance ». C’est d’exiger « en échange » (de quoi ?) une réduction de la « bureaucratie ».
C’est-à-dire de faire sauter les réglementations qui encadrent
l’investissement dans les secteurs de l’énergie et des transports !
Génial ce Junker. Mais, mes amis ce n’est pas encore fini. Voici encore
un délice de plus. Si les États mettent au pot de ce fonds
d’investissement, la somme qui y viendra ne sera pas comptée dans les
déficits publics. Pour savourer cette idée, souvenons-nous que les
investissements nationaux, eux, sont comptés dans les déficits !
Je vous
mets au défi de trouver l’analyse que je viens de vous présenter dans
la presse officielle. Les hérauts habituels des vertus du capitalisme se
sont cachés où ?
Jean-Luc Mélenchon
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