mercredi 3 décembre 2014

Ça va saigner ! Pierre Moscovici menace la France

Jean-Luc Mélenchon                      

Au nom de la Commission européenne. Cet homme est dorénavant le proconsul de la Commission européenne pour la France. En effet, la Commission a rendu son avis sur le budget français.

C’est simple : nos députés peuvent voter ce qu’ils veulent, dans trois mois Bruxelles se donnera la possibilité de rectifier leur vote. En attendant, la Commission poursuit le chantage entamé depuis maintenant des mois : plus d’austérité et plus de « réformes structurelles » pour éviter une sanction. L’exécuteur des basses œuvres de la Commission contre la France est Pierre Moscovici en personne. L’avoir traité de traitre avait été considéré comme excessif, on s’en souvient. Et pourtant telle est la situation. L’avis de la Commission est signé de la main de l’ancien directeur de campagne et ancien ministre des Finances de François Hollande. Le caractère ubuesque d’une décision négociée entre bureaucrates non élus pour l’imposer à un gouvernement issu du suffrage universel par celui-là même qui est responsable de ce qu’il dénonce résume à lui seul le caractère farcesque de notre « chère Europe qui nous protège » !
Pierre Moscovici estime donc que « le projet de budget présente un risque de non-conformité » avec les règles européennes. Il demande au gouvernement français de « prendre, dans le cadre de la procédure budgétaire nationale, les mesures nécessaires pour garantir la conformité du budget 2015 avec le pacte de stabilité et de croissance ». Concrètement, cela veut dire que la Commission exige plus d’austérité que les 21 milliards d’euros de coupes budgétaires déjà prévues par Valls et votées à l’Assemblée nationale pour l’an prochain.
Ce n’est pas tout. La Commission appelle à « accélérer la mise en œuvre » des réformes structurelles qu’elle a demandées au printemps 2014 : baisse du coût du travail, précarisation des salariés, nouvelle étape d’ouverture à la concurrence des services publics de l’énergie et des transports etc.
Mais la Commission renvoie sa décision finale sur d’éventuelles sanctions à dans trois mois. Elle écrit qu’elle « réexaminera au début du mois de mars 2015, à la lumière de la version définitive de la loi de finances [pour 2015] et du programme détaillé des réformes structurelles annoncé par les autorités, sa position sur les obligations qui incombent à la France ». Il s’agit donc en fait d’une liberté sous surveillance assortie d’un sursis de trois mois.
Car il ne faut pas croire que ce délai de trois mois soit un cadeau ou un répit. Au contraire. C’est un cran de plus dans la laisse autour du cou de notre pays. La preuve : les commissaires européens ont le privilège de connaître le contenu d’une lettre de Manuel Valls à propos des mesures qu’il compte prendre pour obéir aux ordres de la Commission. Mais cette lettre est secrète. Nous voilà revenus à la diplomatie des cabinets noirs de l’ancien régime ! Les Français ont-ils le droit de savoir ? Non, bien sûr. Mais un traité comme TAFTA est bien négocié en secret ! Alors ! D’ici mars, la Commission européenne va donc se livrer à un odieux chantage permanent. Comme Valls et Hollande ne veulent pas résister, ils céderont. Soit en augmentant la cure d’austérité déjà insupportable. Soit en dégainant de nouvelles attaques contre les droits sociaux et les services publics en guise de « réformes structurelles ». Et sans doute même sur les deux tableaux. Ça va saigner.

Arnaque sublime : le plan de relance de Junker

Monsieur Junker, l’homme de la « dernière chance de l’Europe », a « mis sur la table » plus de trois cent milliards d’euros. En fait il s’agit d’une grosse arnaque à têtes multiples. Arnaque : sur 315 milliards annoncés, il n’y en a que 5 avancés réellement qui soient nouveaux. Et encore. Ils viennent de la Banque Européenne d’Investissement qui, de toutes façons, les aurait sortis de ses caisses si son travail était fait, c’est-à-dire si elle trouvait de l’appétit d’investissement dans l’économie réelle. Et le reste ? D’où vient le reste de la somme annoncée ? D’abord d’un regroupement de 21 milliards de fonds européens déjà programmés. Et c’est tout. Le reste, ce sera une garantie donnée pour des investissements publics ou privés acquis par l’emprunt auprès des banques privées. Elaguez les bavardages : l’Europe se porte caution pour 315 milliards d’investissements privés ! Autrement dit : elle assume le risque de ces investissements. C’est le nouveau capitalisme à la sauce européenne ! Junker a en effet débarrassé le capitalisme de son principal inconvénient pour les actionnaires des banques : le risque ! La prise en charge du risque social que couvrent les régimes d’indemnisation du chômage, ou celle du risque santé que couvrent les régimes sociaux sont toujours trop « généreux ». Mais la prise en charge du risque capitaliste est toujours insuffisante. Ici enfin, à hauteur de 315 milliards, ce risque est tout simplement annulé. Il est totalement pris en charge par la collectivité.
Ce n’est pas la seule très bonne manière faites aux banques dans cette opération. Les prêts qu’elles feront, sur garantie de l’Union européenne, elles pourront aussi en faire un usage magique : les titriser. C’est-à-dire les répartir en petits morceaux dans des bons et titres qu’elles proposeront à leurs clients comme placement. Donc si un de ces magnifiques agrégats venait à s’effondrer, la partie titrisée serait à charge de la collectivité ! Youpi. Quelle fête pour les banques que ce Junker ! J’hésite à déprimer mon lecteur en lui annonçant encore une nouvelle de ce genre. Mais il le faut. Junker a encore trouvé une utilisation supplémentaire pour son « plan de relance ». C’est d’exiger « en échange » (de quoi ?) une réduction de la « bureaucratie ». C’est-à-dire de faire sauter les réglementations qui encadrent l’investissement dans les secteurs de l’énergie et des transports ! Génial ce Junker. Mais, mes amis ce n’est pas encore fini. Voici encore un délice de plus. Si les États mettent au pot de ce fonds d’investissement, la somme qui y viendra ne sera pas comptée dans les déficits publics. Pour savourer cette idée, souvenons-nous que les investissements nationaux, eux, sont comptés dans les déficits !

Je vous mets au défi de trouver l’analyse que je viens de vous présenter dans la presse officielle. Les hérauts habituels des vertus du capitalisme se sont cachés où ? 

Tiré de l'article dans sa totalité " La semaine qui chauffe "

Jean-Luc Mélenchon

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