L’entreprise nucléaire Areva devrait voir sous peu ses difficultés prendre de l’ampleur : on savait sa situation financière précaire, et le cours de ses actions baisser drastiquement, mais au-delà du prix multiplié par 3 des chantiers d’Olkiluoto et de Flamanville, on vient de découvrir, qu’une fois de plus, une jolie dissimulation est à porter sur le bilan, déjà lourd, de l’entreprise quasi nationale.
L’entreprise nucléaire Areva devrait voir sous peu ses difficultés prendre de l’ampleur : on savait sa situation financière précaire, et le cours de ses actions baisser drastiquement, mais au-delà du prix multiplié par 3 des chantiers d’Olkiluoto et de Flamanville, on vient de découvrir, qu’une fois de plus, une jolie dissimulation est à porter sur le bilan, déjà lourd, de l’entreprise quasi nationale.
C’est l’Observatoire du Nucléaire qui a levé le lièvre en publiant un document estampillé « ne pas diffuser en dehors d’EDF », lequel prouve que, dès 2011, EDF avait de sérieux doutes sur la fiabilité de ses cuves EPR.
Comment expliquer que la cuve de l’EPR ait pu être installée à Flamanville en 2014, alors que des défauts de fabrication étaient connus par EDF, Areva et l’ASN (autorité de sûreté nucléaire) ?
Le document qui avait vocation à rester secret prouve que des erreurs avaient été commises lors de la fabrication du couvercle de la cuve : « lors de la fabrication du couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville, Areva NP à mis en évidence qu’une utilisation inappropriée de gabarits avait conduit à l’élimination d’une couche trop importante de beurrage au niveau des soudures des adaptateurs de couvercle de cuve. La réalisation de soudures sur une épaisseur de beurrage trop faible (…) est susceptible d’engendrer des défauts dans le métal de base ». lien
Il faut savoir que la règlementation pour des équipements nucléaires sous-pression est soumise à l'arrêté du 12 décembre 2005, préconisant le respect de valeurs de résistances mécanique.
Or, lors des tests, Areva a relevé des valeurs de résilience moyenne de 52 joules, alors que la limite règlementaire est de 60.
De plus, la teneur en carbone de l’acier mesure dans une carotte centrale d’un couvercle avait atteint 0,30% contre 0,22% de valeur visée.
« Une anomalie sérieuse, voire très sérieuse qui touche un composant crucial » à déclaré Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN. lien
Ce couvercle, et le fond de la cuve défaillants ont été fondus il y a déjà 9 ans par « Creusot Forges », filiale d’Areva.
La cuve, un joli bébé de 13 mètres de haut, pour un diamètre de 5 mètres, et pesant 425 tonnes doit contenir le cœur du réacteur, et doit résister aux chocs thermiques et aux très hautes pressions…d’où les inquiétudes actuelles.
Des essais avaient été effectués à l’époque, et s’étaient révélés positifs, et on peut s’interroger légitimement que les anomalies découvertes n’aient pas été constatées à l’époque. lien
Ajoutons que si, dans sa communication du 7 avril 2015, l’ASN confirme avoir été informée par Areva, elle ne dit pas de quand date cette information…est-ce récemment, ou plus ancien ?
Mais d’autres questions se posent : les cuves des 2 EPR de Taishan, en Chine, ont-elles été livrées en cachant la gravité des probables défauts de ces cuves ?
En tout cas la Chine a pris l’affaire très au sérieux, et le ministère chinois de l’environnement à déclaré : « la Chine ne chargera pas de combustible dans ses 2 réacteurs nucléaires de type EPR conçus par le français Areva tant que tous les doutes quant à la sûreté des équipements ne seront pas intégralement levés ».
Inquiétude justifiée puisque les 2 cuves chinoises ont été conçues dans la forge du Creusot d’Areva, avec le même procédé de fabrication.
Comme l’écrit Charly Triballeau, de l’AFP : « une catastrophe industrielle ne peut plus être totalement exclue ». lien
Ce qui ne semble pas émouvoir pour autant Ségolène Royal, droite dans ses bottes, affichant un optimisme à toute épreuve, et qui affirme : « l’avenir de l’EPR de Flamanville n’est pas condamné ».
Elle ajoute : « la clarification est faite, les choses sont dites, il y a un complément d’examens, de tests qui vont avoir lieu, dont les résultats seront rendus publics à l’automne prochain, et ensuite les travaux reprendront »…concédant tout de même que l’ouverture sera repoussée d’une année. lien
Est-elle trop optimiste ? C’est probable.
La centrale devait démarrer initialement en 2012, puis repoussée d’année en année jusqu’à 2016, puis récemment à 2017, mais le PDG de la société Assystem qui s’occupe des essais du chantier de l’EPR, Dominique Louis, est convaincu que « cela risque de durer jusqu’en 2018, quels que soient les problèmes liés à la cuve »…quand à l’EPR finlandais, pour lequel Assystem devait lancer les essais, il ajoute : « en Finlande, nous devions faire les essais, mais l’opérateur local ne parait pas pressé de poursuivre le chantier (…) il y a une chance sur 2 pour que le projet s’enlise, et il pourrait donc bien être purement et simplement abandonné ».
Pour un proche d’Areva, « les finlandais n’en ont plus besoin car les prix de l’électricité ont baissé et que leur industrie papetière, énergivore, s’est effondrée, ils font traîner les choses ».
Ajoutons que Tapani Virolainen, directeur adjoint du département nucléaire finlandais, rappelle que des anomalies ont été trouvées à la fois dans la tête de la cuve du réacteur, et au fond de celle-ci. lien
Il faut dire que pour les Finlandais, ça a été la douche froide : Areva avait promis la mise en route de la centrale nucléaire en 2009… et s’était engagé à ce que le budget ne dépasse pas 3 milliards…il va atteindre les 9 milliards, et ils avaient pris la sage décision de faire signer à Areva le fait que tout dépassement du budget initial serait à la charge de l’entreprise française.
Matthieu Pechberty, moins optimiste que la ministre française de l’environnement, concluait dans les colonnes du Journal du Dimanche : « l’EPR, vitrine de l’excellence française du nucléaire est-il mort ?...sa version initiale, celle de Flamanville, d’Olkiluoto, ou de Taishan, OUI. ». lien
Voilà qui a le mérite de la clarté.
En tout cas l’un des grands perdants de cette péripétie, c’est le projet de transition énergétique promis depuis des lustres par le gouvernement.
En effet, on se souvient que récemment la ministre de l’environnement avait annoncé que la fermeture d’une des vieilles centrales du pays serait liée au démarrage de l’EPR de Flamanville.
Or, on l’a vu, ce n’est plus en 2017…c’est en 2018, voire plus tard…que Flamanville démarrera…ou pas.
Encore une promesse présidentielle qui s’envole, d’autant que, comme le fait remarquer Béatrice Mathieu dans les colonnes de l’Express/l’Expansion : la fermeture de la vieille centrale de Fessenheim ne figure même plus dans la loi sur la transition énergétique. lien
Personne n’a oublié le mensonge récent d’EDF concernant la rupture d’une canalisation qualifiée avec subtilité par l’exploitant de « défaut d’étanchéité », manipulation de la vérité qui vient de provoquer le dépôt d’une plainte, portée par les associations anti-nucléaires accusant EDF « d’avoir informé le public de manière tronquée et mensongère en fournissant de fausses informations à l’ASN ». lien
Entre les déboires des EPR et ceux de Fessenheim, le nucléaire français vit donc des moments difficiles.
Voilà qui suscite la réflexion de quelques uns en Alsace, notamment celle de Claude Brender, maire de Fessenheim, qui calculette à la main, assure que la centrale lui assurait depuis sa création 80% de ses recettes fiscales : « en 2018 la ville sera virtuellement en faillite » ajoutant « mais après tout, 2018 c’est loin, et d’autres promesses électorales auront coulé dans le grand canal d’Alsace qui borde Fessenheim ». lien
Comme dit mon vieil ami africain : « les promesses ont des jambes, mais le don à des mains ».
Le dessin illustrant l’article est de Karak.
agoravox
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