L’enfer est pavé de bonnes intentions. Le gouvernement Hollande sort une
nouvelle fois l’artillerie pénale dans ce qui semble être devenu sa
priorité expresse : la lutte contre le racisme, plus particulièrement
l’antisémitisme.
Si l’intention est évidemment louable, la méthode
utilisée met sérieusement à mal les libertés publiques. Cet activisme
sur le front des valeurs républicaines, qui tranche singulièrement avec
une passivité manifeste sur la question de la défense des travailleurs,
est lourd de conséquences. Le plan de l’exécutif qui prévoit notamment
de sortir les injures racistes et antisémites du droit de la presse,
relativement protecteur, pour en faire un délit à part entière a suscité l’inquiétude des associations de défense des droits de l’Homme.
Il sera désormais possible d’envoyer quelqu’un en prison,
éventuellement en procédure accélérée, pour des propos jugés racistes.
Le procédé est identique à celui employé dans la lutte contre le
terrorisme : criminaliser les paroles ou les idées jugées incompatibles
avec les valeurs de la République. Avec un risque similaire : créer
purement et simplement un délit d’opinion.
En panne de légitimité « socialiste » au moment du passage en force de la loi Macron, sans doute la réforme la plus libérale votée sous la 5ème République, la Garde des Sceaux annonçait un énième projet de loi contre le racisme et l’antisémitisme. La
mécanique est bien rodée : surfer sur l’émotion collective provoquée
par un événement dramatique pour faire passer une nouvelle loi
liberticide. La dernière en date ne fait pas exception. La profanation d’un cimetière juif de Sarre-Union par cinq mineurs qui ont saccagé 250 tombes ainsi que les agissements de certains supporters de Chelsea qui ont empêché un homme noir de monter dans le métro ont servi de prétexte à un énième durcissement pénal. Annoncé à Créteil, lieu hautement symbolique,
le nouveau projet de loi de l’exécutif fait des actes racistes et
antisémites des circonstances aggravantes dans de multiples infractions.
Il crée en outre une plateforme dédiée aux personnes victimes de ces
actes et donne la possibilité à celles-ci de se regrouper et d’agir
ensemble.
La lutte contre le racisme et l’antisémitisme, décrétée par François
Hollande « grande cause nationale » après les attentats du mois de
janvier, faisait déjà l’objet d’une priorité expresse : par sa circulaire
du 12 janvier 2015, Christiane Taubira avait demandé aux procureurs de
la République de « faire preuve d’une extrême réactivité dans la
conduite de l’action publique envers les auteurs d’infractions racistes
ou antisémites » en insistant pour qu’une réponse pénale « systématique,
adaptée et individualisée » soit apportée à chacun de ces actes. En
clair : tolérance zéro pour ce type d’infraction, attitude qui contraste
singulièrement avec le traitement réservé à la délinquance classique, un champ largement délaissé par le gouvernement.
Le nouveau plan de l’exécutif consacré à la lutte contre le racisme est
doté d’une enveloppe de 100 millions d’euros sur 3 ans, ce qui peut
surprendre en ces temps de disette budgétaire. Mais le volet préventif
est ambitieux : « communication offensive » pour inculquer dès le plus
jeune âge les valeurs de tolérance avec une batterie de mesures
pédagogiques dans les écoles et des campagnes d’affichage, mise en place
d’une instance opérationnelle de lutte contre le racisme et
l’antisémitisme dans chaque département, création d’une « unité
nationale de lutte contre la haine » sur Internet, aide accrue aux
victimes et renforcement de la sécurité des lieux de culte, des écoles
et des points de rassemblements juifs.
Si l’intention de lutter contre le racisme est louable, on peut
s’interroger sur sa finalité. Et sur cette question, les dérives de la
lutte antidjihadiste sont riches d’enseignement : pour simplement avoir
refusé la minute de silence après les attentats de Charlie Hebdo ou
avoir posté un message provocateur sur les réseaux sociaux, de
nombreuses personnes – parfois des collégiens – ont été inculpées d' »apologie du terrorisme »,
innovation juridique de la loi Cazeneuve votée en novembre dernier,
passible de 7 années d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende. Ces
excès ont suscité l’inquiétude
des associations de défense des droits de l’Homme. Et pour cause : nul
futur terroriste derrière les barreaux mais de simples citoyens déclarés
coupables d’avoir déserté la mobilisation générale pour la « guerre
contre le terrorisme ». De façon similaire, on peut craindre que
l’accusation d’antisémitisme serve à criminaliser l’opposition à la
politique israélienne ou à la soumission de la France au lobby
pro-israélien, surtout quand on entend Manuel Valls décréter que la « haine du juif » se nourrit de l’antisionisme. Dominique Reynié,
politologue assermenté au micro de France-Inter identifiait même le
Front de Gauche à un « foyer d’expression de l’antisémitisme ». Les
électeurs de Marine Le Pen et les Français musulmans, victimes de la
politique mondialiste du gouvernement socialiste, étaient pour
l’occasion mis dans le même sac. Et sans surprise, la réponse consistant
une fois de plus à museler Internet, en particulier les réseaux sociaux
et les plateformes de partage de vidéos où « se retrouvent ces
publics-là ».
Touche pas à mon pote ou l’éternel retour de la question sociétale en
lieu et place de la question sociale. L’antiracisme est devenu le seul
marqueur de gauche d’une politique totalement acquise au libéralisme
économique et aux effets collatéraux redoutables : durcissement des
clivages intercommunautaires, stigmatisation des Français dits « de
souche ». et réduction de la liberté d’expression publique. La lutte
légitime contre l’antisémitisme est parfois le masque d’une défense du
sionisme. Dénoncer la main-mise de la finance internationale sur
l’économie française, contester le pouvoir des banques, ou encore
défendre la cause des peuples opprimés par l’impérialisme sioniste ou
étasunien vaut excommunication.
Le vrai antisémitisme est très
minoritaire en France comme le montrent les études d’opinion
mais il pourrait bien se développer à la faveur de ces campagnes à
répétition qui visent à criminaliser indirectement l’expression
d’opinions ou d’analyse contestataires de l’ordre dominant. Elles
finiront à force de durcissements par ne laisser au citoyen que deux
options : se soumettre ou devenir un délinquant d’opinion.
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