Quand le printemps arriva , le petit brin d’herbe s’est mis à boire l’eau de la terre.
Ça l’a fait grandir, il est devenu tout vert et solide.
Quand le printemps est arrivé le petit brin d’herbe a levé ses petits
yeux vers le ciel. Il a tété la lumière, heureux. Mais il voyait les
fleurs, belles en leurs couleurs. Mais point il ne les enviait. Il
grandit jusqu’à les voir de haut, se disant qu’il touchait le soleil. Et
des petites créatures bien vivaces bourdonnaient et s’accrochaient à lui
comme on s’accroche à un arbre.
Quand il fut adulte, on le faucha, on le laissa sécher et les vaches s’en nourrirent.
Quand les vaches eurent donner leur lait, tout leur lait, leurs bébés,
on les abattirent. Une fois mangées, ce qui en resta se répandit dans
la terre, sécha près d’un brin d’herbe.
Pour que les arbres donnèrent des fruits, les abeilles ne cessaient
de travailler. Et l’eau, qui regardait chaque jour le soleil, avec de
petits reflets d’argent, se transforma en une vapeur chaude et monta
vers le ciel. Le vent les sculpta et le soleil les transforma en
d’étranges formes luminescentes qui firent la joie des hommes. De temps
en temps, mêlés aux vents et aux courant froids, la pluie, en colère,
secoua les brins d’herbes, arracha des toits de maisons…
Mais cela passa…
Puis un peintre amusé voulut faire de cela une « toile ».
Puis un poète amusé voulut faire de ce langage le langage des langages.
Puis un musicien amusé voulut en faire une musique.
Puis ils se dirent: « Tout cela m’appartient ». C’est mon oeuvre.
L’un ne voyait pas comme l’autre, l’autre ne voyait pas comme l’un.
L’un n’entendait pas comme l’autre. L’un ne parlait pas comme l’un. Et
il se dirent: « Cela c’est moi ! » Moi SEUL !
Chacun voulait être tout et réclamer la richesse du TOUT.
Comme le brin d’herbe, personne ne songea à tout ce qui les avait
nourrit, de manière invisible, de la terre, de l’eau, des espaces, de
l’air et des autres. Ils avaient grandi par les autres. Grandis par
la liberté de ne pas n’être qu’une nourriture. Grandis par les touts
petits brins d’herbe, des hommes-abeilles, des humains souffrant de la
faim, mourant de soif, de tout ce qui vit.
Comme si un ensemble avait
une valeur une fois séchée, emprisonnée. Ils réclamèrent de l’argent
pour avoir créé...sans savoir qu’ils avaient été créés.
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