lundi 29 juin 2015

Saint-Quentin-Fallavier : Hystérie islamophobe, refoulement du crime, et immaturité politique

41R8D1K39XL._SY344_BO1,204,203,200_.jpgGilles Devers

Nous venons de vivre une scène d’hystérie collective, assez glaçante quand on y réfléchit deux minutes. 

Pas tous mais presque – il faudra faire le pointage – ont bondi sur l’attentat terroriste, le plan Vigipirate écarlate renforcé, les mesures à prendre car la guerre djihadiste est à nos portes, l'indispensable loi sur le renseignement, les intellectuels qu’il faut faire taire... Tous les experts en détection de poil salafiste nous expliquant les ramifications de Daesh entre le Koweit, Sousse et Saint-Quentin Fallavier…
Hollande, depuis l’étranger, et sans la moindre info valable, annonce un « attentat terroriste », et se rapatrie d’urgence pour un conseil de défense. Le FN en transe… les « Républicains » qui n’en peuvent plus et demandent des actes…
Même nos braves amis musulmans du coin, sans réfléchir deux minutes, sont allés se recueillir dans le calme (mais avec les télés) portant la mine grave des combattants contre la barbarie islamiste…
Pourtant, il y avait d’emblée de quoi être prudent…
Une mort atroce, mais des cibles anonymes, une tentative d’explosion piteusement ratée, une action en solo, pas de revendication, et le type maîtrisé par un sapeur-pompier parce qu'il n'est pas armé...
À trois jours du crime, il ne reste plus grand-chose de l'attentat terroriste… mais ça ne les empêche pas de parler, comme El-Blancos qui dimanche soir nous fait le coup de la guerre des civilisations. Civilisation de la manip’ contre celle de la vraie vie ?  

Alors, les faits…

Voici ce qui ressortait de la presse hier soir, donc des infos distillées par les services de police.
Trois axes dans l’enquête : les déclarations du suspect, celles de son entourage, et la perquisition l’appartement.  
Yassin Salhi aurait reconnu avoir assassiné son employeur, dans le contexte d’un conflit interpersonnel, crispé il y a deux jours après une fausse manœuvre qui avait détruit du matériel coûteux. Les salariés ont été témoins de cette altercation. De ce qu’écrit Le Monde, avec des guillemets, il a décapité son employeur avant de « jeter sa tête » contre le grillage pour « frapper les esprits », puis il a foncé à bord de son véhicule contre un hangar de l’usine Air Products, rempli de bouteilles de gaz afin de tout faire exploser,… et donc lui aussi. Un geste aussi violent que désespéré.
Il conteste toute motivation terroriste, et dénie la moindre portée religieuse à son geste. On apprend aussi que le couple allait mal, qu’il avait eu une scène de ménage la veille de l’acte, et que l’épouse parlait de divorce.
La perquisition a été nulle : pas d’arme, pas de matériel de propagande. Le processus opératoire est lui aussi très amateur : un couteau, une arme à feu factice et des cibles de la vie de tous les jours, avec son patron et l’usine qui est un client régulier. Il y a eu une préméditation avec une mise en scène horrible et sommaire, mais rien ne conduit à une piste « terroriste ». Toujours pas de revendication… Attendons l’exploitation des ordinateurs et téléphones, et l’enquête de personnalité.
Alors que dire, au titre d’une analyse objective ? C’est un crime, atroce, avec la mutilation de la victime, et ensuite une tentative de suicide en voulant provoquer une gigantesque explosion. Une violence extrême et soudaine, comme réponse à des faits qui relèvent du quotidien : un clash avec le patron, et un couple qui bat de l’aile. Une saillie terrible de violence, qui déferle sur tout. Les cours d’assises jugent de telles affaires chaque semaine…
Face à un esprit aussi vulnérable, la mise en scène permanente, jusqu’à l’intoxication, des crimes de guerre ne peut-elle pas concourir à enflammer la violence des plus fragiles ? Nous verrons ce qui sortira de l’enquête... 

Les faits en cause ne sont pas une découverte pour la loi : le Code pénal les a prévus et sanctionnés de longue date. Rien de neuf. Rien de neuf non plus avec l’immaturité de notre classe dirigeante, experte pour parler de ce qu’elle ne sait pas, et affoler la foule en mettant en lumière ses propres peurs.
Un peu de calme... 

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