Jean-Luc Mélenchon
Le dernier épisode des sommets de
l’Eurogroupe et le contenu de « l’accord » proposé à la Grèce est
stupéfiant de clarté politique. C’est caricatural.
C’est à tout point de
vue extraordinaire de violence et d’irresponsabilité. Tout le système «
d’aide proposé à la Grèce » consiste à lui prêter 15 milliards au
compte-goutte mensuel pour qu’elle rembourse… les mêmes qui lui ont
prêté les sommes précédentes ! Pas un euro n’irait dans l’économie
réelle du pays ! Le FMI, la BCE prêtent lundi l’argent pour être
remboursé mardi de la somme qu’ils ont prêté dimanche !
En échange de ce jeu d’écriture, le peuple
grec serait soumis à une série de mesures cruelles dans un pays déjà
dévasté et en état de catastrophe humanitaire : augmentation de la TVA,
baisse des retraites, « déréglementation du marché du travail ».
Tsipras convoque le peuple grec pour qu’il décide s’il doit ou non accepter ce plan.
Ça c’est la démocratie. Aussitôt, l’Eurogroupe a décidé d’exclure le
ministre grec Varoufakis de sa réunion ! De quel droit ? Aucun règlement
ne prévoit une telle possibilité ! D’ailleurs, la Grèce est toujours
membre de la zone euro ! Là-dessus, la Banque centrale européenne
accentue l'étranglement : elle refuse de relever le plafond des
liquidités d'urgence et peut couper le robinet à tout moment ! Elle sait
parfaitement ce qu’elle fait ! Elle sait qu’elle provoque
immanquablement l’effondrement du système bancaire de la Grèce. C’est
ici le retour du précédent impuni du sort réservé à Chypre ! D’aucuns
pensent que les peuples cèdent sous les coups. La France ayant approuvé
ces mauvais traitements du temps où Moscovici était ministre de
l’économie, elle a de nouveau applaudi avec Michel Sapin ce nouveau coup
de force.
De fait, le référendum va avoir lieu dans un pays en état de choc
à cause de l’effondrement du système bancaire, délibérément provoqué.
Mais ce ne sera pas le seul. Si la Grèce est mise en banqueroute le
mécanisme européen de stabilité financière se retournera vers ses
bailleurs de fonds : la France devra payer 40 milliards et l’Allemagne
60 ! Comme c’est intelligent ! Ce n’est pas tout. Tous ceux qui ont des
avoirs en Grèce perdent tout. C’est le cas d’un certain nombre de
banques en Europe…
On ne peut exclure donc un effet domino sur tout le système bancaire européen.
Quelle habileté ! Quant au reste du monde, tous ceux qui détiennent des
avoirs en euros vont sans doute vouloir se réfugier sur une monnaie
moins exposée. On peut donc là aussi envisager un effet de contagion des
paniques car si on est certain qu’il y aura beaucoup de vendeurs
d’euros jusqu’à dimanche, il est moins sûr qu’il y ait des acheteurs. Et
parmi les vendeurs, on peut penser qu’il doit déjà y avoir un certain
nombre d’entités qui n’allaient pas si bien avant cette aventure qui
dégrade leur bilan.
Bref, le « modèle allemand » de décision égoïste est en train de démontrer sa stupidité
et son irresponsabilité. Et le modèle du suivisme des Français derrière
les gouvernements allemands inauguré par Sarkozy et prolongé par
Hollande montre sa dangerosité totale : quand la France et ses intérêts
sont absents, l’Europe va très mal.
La planète financière pourrait bien recevoir un très gros coup de grisou.
Les finances de la France aussi. Les dirigeants allemands espèrent-ils
que les gros détenteurs d’euros se précipiteront pour acheter de la
monnaie européenne dans le but d’empêcher son effondrement ? Les Chinois
et la planche à billet des USA viendraient à la rescousse ? Encore
faudrait-il que le monde marche sans panique ni autre chose que des
calculs rationnels. Encore faudrait-il que les USA soient réellement
embarrassés des difficultés de l’Europe.
Naïfs, alors, ces gouvernants allemands ?
Ou juste des cyniques qui ont trouvé le moyen de recomposer l’ordre des
choses à leur main avec la Grèce ? Tous ceux qui ont brocardé la
prétendue germanophobie de mon livre sur le « poison allemand » se
regardent-ils tranquillement dans leur glace désormais ?
En toute hypothèse, une chose meurt cette semaine : l’idéal européen.
Cette chose qui dévaste la Grèce, met le monde en péril après avoir
provoqué autant de catastrophes humanitaires par ses politiques
commerciales qui remplissent la Méditerranée de cadavres, cette chose
est à l’évidence une chose nuisible. De toute façon, ce n’est plus la
même que celle du début. Depuis le traité budgétaire l’ordo-libéralisme
allemand est la nouvelle constitution européenne, aggravant le pourtant
déjà très libéral traité de Lisbonne.
Mais une nouvelle Union
européenne, sous la direction de la CDU-CSU allemande, est
officiellement née de la guerre financière actuelle contre le peuple
grec. Elle n’est pas davantage viable qu’aucune autre formule d’Europe
de la violence tentée dans le passé.
Tiré de l'article " La Grèce résiste pour nous "
Jean-Luc Mélenchon
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire