...les machines étaient de plus en plus productives, les hommes
aussi, et bientôt le seul travail des français consisterait à presser
leurs petites télécommande afin que des esclaves professionnels ou
ménagers réalisent les moindres tâches qui leur causaient autrefois tant
de peines, de difficultés ou de tracas. Ci-gît la défunte société des loisirs, Le Monde
HIER
Je
devais avoir 16 ans et suffisamment de boutons ( d’acné) pour coudre
une toile de tente quand le prof commença à nous décrire le monde
merveilleux de demain : la société des loisirs. Les robots allaient
prendre la relève du condamné "à gagner son pain à la sueur de son
front" et nous allions tous aller voyagedenocer sur la lune. Vers l’an
2000... Il posa alors la question qui tue à un jeune assis à l’avant de
la classe mais dont l’esprit flottait derrière :
- Que fais-tu comme activité ? As-tu des passions, des rêves pour ton avenir ?
Le
pauvre garçon qui déjà était en loisirs "prolongé", envasé dans sa
paresse d’ado gélatineux, fit non de la moue. Avec pas un seul mot.
Le prof écarquilla les yeux.
- Mais que vas-tu faire quand arrivera la société des loisirs ?
Il bougea de l’acné, sans plus.
Devant
ce silence étrange, le prof paniquait à l’idée de voir quelqu’un de
chanceux ne rien faire, sauf travailler une quinzaine d’heures par
semaine. Pour le reste, il pouvait s’adonner à la farniente la plus
saugrenue. C’est ce qu’il avait dit le prof : 15 heures semaine. Alors,
je me suis dit, c’est le temps d’en profiter : les femmes ne travaillent
pas. ( c’était il y a longtemps... Oui,oui ! Bien sûr... Les tâches
ménagères, les enfants, les plancher à laver, et tout le reste). Les
femmes qui se mariaient étaient des FAF : femmes au foyer. Je me suis
donc dit que si elles ne travaillaient pas, elles pourraient faire
l’effort d’aller faire une carrière de 7h30 par semaine. Sans être
Christine Lagarde au FMI, une FAF devrait au moins s’émanciper. Se
libérer...
Silence total : on aurait pu entendre une abeille du village voisin faire l’amour à une marguerite.
AUJOURD’HUI
Nous
arrivâmes à l’heure actuelle en piètre États. La pharmacologie dut
créer des pansements pour l’âme, afin de guérir les travailleurs d’une
donnée non prévue à l’époque et dont la plupart des travailleurs furent
victimes : le stress. Il ne fut pas prévu, non plus, que les FAF
pourraient aller se battre en Irak. Même le mari de la FAF n’avait pas
prévu que la dernière lettre, ayant pour mot foyer, allait coûter les
yeux de la fête. Car nos deux grands brûlés, arrivèrent le soir,
incapables de faire l’amour, néantisés par la fatigue, ne purent
produire que deux travailleurs tout au long de leu vie active. Ni que le
point G allait devenir le point G7 ou G20. Et que dans certains pays, il
faudrait importer de la main-d’oeuvre pour étancher la faim des
investisseurs.
La moitié de la classe,
voire celui assis et sans réponse est maintenant droguée au travail. Le
travailleur fiévreux coure les usines, les compagnies, à travers le
monde pour devenir un athlète du boulot. Ou simplement survivre à la
paperasse...
Bref, d’assis sur les bancs d’école, le citoyen devint une sorte d’ Éloïs à
demi anesthésié, victime des Morlocks souterrains. Il est injecté
chaque jour d’une bonne dose de goebbelisation, et travaille à bâtir un
monde meilleur et des armes meilleures pour détruire le monde meilleur.
Le banquier qui était votre ami l’est encore... Mais sur Facebook.
DEMAIN
Je
me suis laissé réquisitionner. Mes mains étaient vides et je ne pouvais
lutter ni contre le roi ni contre le gendarme qui avait des fusils et
des pistolets. Ils ont prétendu que je m’appelle Iacob et non Ion comme
m’avait baptisé ma mère. Ils m’ont enfermé avec des juifs dans un camp
entouré de barbelés, — comme pour le bétail — et m’ont obligé à faire
des travaux forcés. Nous avons dû coucher comme le bétail avec tout le
troupeau, nous avons dû manger avec tout le troupeau, boire le thé avec
tout le troupeau et je m’attendais à être conduit à l’abattoir avec tout
le troupeau. (La vingt-cinquième heure, Virgil Gheorghiu )
L’hélium est un gaz noble ou gaz rare, pratiquement inerte.
La
main-d’oeuvre sera de la moins d’oeuvre. Les robots - quelle nouvelle !
- n’ont pas été construits pour alléger la tâche des travailleurs, mais
pour gonfler les avoirs des banques qui servent à gonfler des avoirs
des investisseurs, des banques, des investisseurs, des...
Il n’y aura plus qu’un seul métier : souffleur de ballons. À l’hélihomme...
Proust
écrivait au passé simple, le politicien continuera de parler au futur
antérieur, et les banquiers au présent du subjonctif trafiqué. On
revient toujours à la machine à voyager dans le temps. On l’avait
prédit : le travail n’existera plus. Si vous en doutez, vous êtes un complotiste .08.
Le
conformisme rend l’homme libre. Comme le travail... Arbeit Mach
Frei. Demain nous serons des vendeurs de mains, de cerveaux, de tout ce
qui pourra servir quelques mois par an pour boucher les trous du
"progrès". Nous serons SDF mondialiste, allant de pays en pays, avec la
FAF et la marmaille, pour trouver bonheur dans un coin du monde
paisible. On nous avait dit qu’il n’y aurait plus de guerre.
Personne
ne loisira : il faudra chercher de l’emploi 7 jours sur 7. C’est une
manière que l’on aura trouvé de rendre responsable le travailleur voleur
de bisbilles de farniente.
Mais, au
moins, demain, c’est pas loin. Demain c’est jeudi. N’oubliez pas le
cadran pour remplir les formulaires et rencontrer vos agents...
Les
Morlocks n’ont plus peur de la lumière : il vivent dans des bureaux, au
20e étage. N’oubliez pas votre matricule.
La Vidure - Juin 2015 -
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