L’invasion de deux maisons palestiniennes dans la Vieille Ville de Hébron (*), la semaine dernière, par des dizaines d‘Israéliens était une étape logique manifeste.
Nous ne savons toujours pas sur quelle base les colons ont décidé que les deux maisons de la rue Al-Sahla avaient été achetées légalement. La famille Zaatari, de Hébron, qui est propriétaire des maisons, a nié les avoir vendues. Dans une plainte adressée à la police israélienne, soumise via le Comité (palestinien) de réhabilitation de Hébron,
la famille a demandé leur expulsion immédiate. Le mystère reste entier,
à l’heure qu’il est : les services d’un homme de paille ont-ils été
loués pour l’achat ? Quelqu’un de la famille au sens large a-t-il cédé à
la pression de vendre ?
Qu’elles aient été vendues ou pas, il y a une simple raison pour laquelle ces deux maisons et des centaines d’autres à Hébron sont actuellement vides et abandonnées. Vider les maisons à Hébron constitue un maillon dans une chaîne de décisions et actions logiques. En 1994, le Premier ministre Yitzhak Rabin avait puni les Palestiniens pour le massacre d’Arabes au Caveau des Patriarches par le Dr Baruch Goldstein
et leur avait imposé un couvre-feu prolongé afin de protéger les colons
d’actes de vengeance. La même logique anime aujourd’hui les commandants
militaires, quand ils punissent les résidents des villages de Kerioth et de Jaloud, par exemple, pour la violence des colons dans les postes avancés d’Esh Kodesh et de Yishuv Hadaat, et qu’ils les expulsent des milliers de dunams de terres qu’ils possèdent.
Toutes les colonies et avant-postes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est avancent sur la même voie : le terrain a été préparé par l’État, qui expulse les Palestiniens
de leur environnement naturel sous divers prétextes et à l’aide
d’ordonnances militaires et administratives. Puis les colons israéliens
viennent, ceux-la qui, précisément, harcèlent les Palestiniens qui n’ont pas été expulsés ou qui n’ont pas « abandonné » les lieux. Pour protéger les colons agressifs, il est nécessaire d’élargir un cercle vide de Palestiniens
et d’interdire à ces derniers le cultiver leurs terres ou de regagner
leurs maisons. Ensuite, il y a donc plus d’espace pour des avant-postes,
des vignobles et des quartiers de colons et, une fois de plus, il faut
élargir la zone sécuritaire interdite aux Palestiniens, autrement les Juifs qui craignent Dieu vont les attaquer. C’est d’une logique simple.
Et tout cela a commencé bien avant la vague des agressions au couteau. Voilà comment le bloc violent de Shiloh a été créé, ou encore le panhandle (corridor) sacré d’Ariel – qui a considérablement comprimé l’espace palestinien au centre de la Cisjordanie. Et voilà comment le cœur ancien et animé de Hébron, la Palestinienne a été arraché, pour devenir aujourd’hui la scène d’un film d’horreur, ou d’un paradis pour colons.
Le blogger politique Tal Schneider a révélé que
parmi les personnes qui étaient restées une nuit dans les deux maisons
et parmi celles qui avaient prétendu que ces mêmes maisons avaient été
achetées, figuraient d’importants membres du Likoud, des résidents d’Israël même, et pas seulement les visages familiers des supporters des diverses incarnations de Habayit Hayehudi (le parti israélien d’extrême droite « Foyer juif »). Au moins un de ces membres du Likoud mentionnés par Schneider était un agent immobilier. Cela aussi, c’est logique : la « sainteté » est bonne, pour les bénéfices.
Vous pouvez faire confiance aux colons et aux membres du Likoud quand il s’agit de surmonter les petits obstacles techniques placés devant eux par le ministre de la Défense Moshe Ya’alon, quand il a expliqué leur expulsion en faisant remarquer qu’« aucun permis ni transaction n’avait été délivré par l’Administration civile ». C’est le même Ya’alon
qui qui approuvé l’achat plus sophistiqué d’une ancienne propriété
ecclésiastique pour en faire une nouvelle colonie enfoncée comme un coin
entre le camp de réfugiés surpeuplé et aigri d’Al Aroub et le grand village rebelle de Beit Ummar.
L’attaque contre Ya’alon le présentant comme le dernier haïsseur de Juifs
est un autre élément sophistiqué dans la technique de prise de contrôle
des cœurs et des terres. Un seul cavalier occupe ostensiblement la
brèche et tire une ligne rouge. Mais c’est alors que la voix de masses
sacrées se fait entendre de façon décisive et qu’une autre barrière est
ainsi franchie.

Traduction : Jean-Marie Flémal
Amira Hass est une journaliste israélienne, travaillant pour le journal Haaretz. Elle a été pendant de longues années l’unique journaliste à vivre à Gaza, et a notamment écrit « Boire la mer à Gaza » (Editions La Fabrique)
Vous trouverez d’autres articles d’Amira Hass (ou parlant d’elle) traduits en français sur ce site.
Vous trouverez d’autres articles d’Amira Hass (ou parlant d’elle) traduits en français sur ce site.
(*) Vidéo de l’invasion d’une des deux maisons palestiniennes par les colons le 21 janvier.
Photo : Colons, police de la frontière et soldats israéliens dans une des
maisons palestiniennes envahie le 21 janvier 2016 (Photo : Haverim
Leshah Tzarah)
pourlapalestine.be
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