
«Le
péril terroriste est grave, imprévisible. Mais nous avons appris à le
traquer et nous nous en sommes donné les moyens. Nous savons comment le
combattre et nous avons montré que nous sommes bien déterminés à
l'abattre. Mais je crois que nous ne devons lui concéder aucune victoire, ni
militaire, ni diplomatique, ni politique, ni symbolique».
Personnellement, cela me va très bien… à ceci près que ce propos de la
démissionnaire Taubira accrédite l’état d’urgence et la loi sur le
renseignement, que je déplore depuis le premier jour parce
qu’effectivement il ne faut concéder aux terroristes « aucune victoire, ni militaire, ni diplomatique, ni politique, ni symbolique ». C’est l’adhésion aux droits et libertés qui fonde d’une société, et pas la répression.
Alors, bilan de Taubira ? Tu la regrettes Taubira ? Allez, tu peux le dire : tu l’aimais bien quand même...
On m’a fait comprendre que j’avais été trop sévère avec Taubira, il y a quelques jours sur le blog. Non, car nous étions alors dans une pleine dérive. D’abord, la question de la nationalité est vitale pour la Gauche. Ensuite, Taubira venait de co-signer dans Le Monde avec
Cazeneuve une tribune soutenant la loi d’adaptation de la procédure
pénale, qui veut inscrire dans le Code de procédure pénale les procédés
de l’état d’urgence pour les rendre permanents. Cette violence assumée
aux principes du droit venait comme nouvelle marque d’obéissance à la
logique sarkozyste de Hollande, qui s’apprécie à travers des lois répressives ignobles, par une déclaration de la France indiquant qu’elle renonçait en tant que de besoin à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme,
par les humiliantes destructions de camps de Roms, par les poursuites
exercées contre les militants répondant à l’appel de la société civile
palestinienne via le mouvement BDS, et tant d'autres choses...
Alors
le bilan Taubira... Le mariage pour tous était un engagement marqueur
du PS et une chèvre l'aurait fait voter. Ce d’autant plus que si a été
voté le premier volet de la loi sur le mariage, on a renoncé au second
sur la filiation, laissant le soin aux juges de faire le nécessaire.
La
seule chose indéniable, c’est qu’elle a tenu un discours sain, qui
n’avait rien de révolutionnaire, mais qui rappelait contre les vents
contraires les réalités d’une prison qui criminalise et de mineurs
délinquants qui sont des personnes à protéger. Ce discours est bon et il
doit être défendu… à condition qu’il se positionne sur une base
politique claire. Quand ce discours sert à cautionner la dérive vers
l’État sécuritaire qui remplace État de droit, il faut dire non. Quand
ce discours est l’occasion de rompre avec le gouvernement pour dire que
trop c’est trop, il faut le saluer.
Juste deux minutes pour la chansonnette sur Taubira la laxiste des névrotiques réactionnaires.
Tous les chiffres montrent que le nombre de détenus est resté stable
depuis Sarkozy avec environ 66 000, de même que le nombre de condamnés
bénéficiant d’un aménagement de peine, soit environ 13 000, alors que le
nombre de permissions de sortie est en baisse à 54.000 contre 58 000 sous les années Sarkozy. Oki, les rois de la peur ?
Au final, pas grand-chose… mais c'était mission impossible
S’il
est exact que Taubira est arrivée au gouvernement comme rescapée du
refus de Martine Aubry d’y participer, toute autre personne se serait
heurtée aux mêmes obstacles politiques, car le choix de Hollande – qui
ne s’est jamais intéressée aux questions de justice – est clair : faire basculer le PS sur la Droite
pour gagner la présidentielle de 2017. Ce type a un mépris fondamental
pour ce qu’on appelle l’électorat de Gauche. Il est persuadé (1) que les
idées de solidarité qui fondent la Gauche sont dépassées, et que (2) ce
brave électorat votera les yeux fermés à partir du moment où on agite
de jolis mots socialistes.
Un
ministère de la Justice défendant les principes du droit est pour
Hollande une incongruité, et il fallait parvenir à vider de tout contenu
ce ministère au profit du ministère de l’Intérieur, ce comme le
ministère du Travail qui a été vidé de tout contenu au profit du
ministère de l’Economie. Nous y sommes.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
Sur le plan technique, Jean-Jacques Urvoas est un proche d’El Blanco, et toutes les lois de « l’Etat sécuritaire » vont passer comme une lettre à la poste. Hier, le Conseil d’État
a estimé justifié le maintien de l’état d’urgence, offrant un boulevard
au Parlement qui va le renouveler pour trois mois, et ainsi de suite…
Hollande
va-t-il trouver une majorité des 2/3 pour faire voter la réforme de la
Constitution ? C’est bien possible parce qu’ayant accepté la demande du Front National
du départ de Taubira, Hollande va rencontrer de solides soutiens chez
Les Républicains. Mais dans le même temps, le départ de Taubira va
encourager des députés à voter non, alors qu’ils se sont jusque-là tous
planqués par peur de perdre leur investiture,… sauf une poignée. Quel petit monde politique…
Sur le plan politique, là, nous retrouvons le sourire car la réélection de Hollande, qui paraissait déjà bien fragile au vu des résultats des régionales
– le PS derrière le FN et Les Républicains – semble cette fois-ci
chancelante. À force de se barrer à Droite, Hollande laisse un champ à
Gauche.
Si
Taubira se présente, elle recevra un fort soutien de tous ceux qui
déplorent le basculement à Droite du gouvernement. Attendons la
prochaine rencontre entre Taubira et Aubry, il y aura de l’ambiance…
Si
Taubira ne se présente pas, son départ ouvrira la voie à une
candidature minoritaire mais lisible de la Gauche anti-Hollande, qui
suffira pour que Hollande se retrouve troisième du premier tour des
présidentielles, et donc aussitôt éliminé. C’est superbe !
Chères
amies, chers amis, soyons réalistes. Pour plusieurs décennies, il n’y a
aucune perspective de gouvernement de Gauche en France. Hollande s’est
inscrit dans le modèle de Blair et DSK pour détruire la Gauche de
gouvernement. Les pays européens retrouveront un avenir s’ils sont
convaincus que la solidarité, avec toute sa complexité, est davantage un
gage d’avenir que l’immédiateté de la réussite économique… et ils en
ont les moyens.
Pour redéfinir un avenir de Gauche, il faut abandonner
la pataugeoire du « vivre ensemble » et des « valeurs de la
République » pour redéfinir un modèle centré sur l’analyse des rapports de production économique. C’est en réinvestissant les relations de la production économique et des tensions sociales que l’on reviendra à la Gauche.
Dans l’immédiat, il faut faire perdre les usurpateurs de la Gauche, ces foutus marchands du temple.
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