L'incendie se poursuit car les pompiers avaient reçu l'ordre de sauver
d'abord les champs de pétrole. Il est désormais trop tard pour limiter
les feux qui progressent toujours dans une forêt boréale de plus en plus
menacée. Et pas seulement au Canada.
Les producteurs de pétrole étant rassurés sur le sort de leurs
installations d’extraction de l’or noir des sables bitumineux, les
habitants de la région étant sains et saufs et réfugiés ailleurs, les
autorités de l’Alberta, du Canada et le reste du monde peuvent oublier
que le feu ravage toujours la forêt aux alentours et de plus en plus
loin de Fort McMurray. En dépit des faibles pluies éparses et malgré les
efforts de pompiers dont une grande partie ont été libérés de leurs
tâches principales : la normale protection des habitants et la
préservation de tous les sites de prélèvements du pétrole. Ce dernier
impératif clairement assigné aux sauveteurs, et surtout à leurs
impressionnants moyens aériens, a notamment entrainé le sacrifice d’une
partie de la ville de Fort McMurray où 2.900 immeubles et maisons ont
été détruits. Bilan tellement improbable que les autorités politiques et
la police interdisent aux journalistes de se rendre dans le centre
ville et surtout aux abords des implantations pétrolières. De peur
d’avoir à expliquer les conséquences des choix au profit des pétroliers.
Un écosystème ravagé
Au prix d’efforts énormes et de l’engagement de 650 pompiers au sol,
de 18 avions et de 39 hélicoptères, le feu a littéralement été détourné
vers la partie de la ville non économiquement essentielle et évidemment
vers la forêt. Ce détournement ne fut pas facile à mener ; certains
officiers du corps des pompiers ont protesté, mais l’opération a
finalement réussi. Et le feu se poursuit dans le plus assourdissant des
silences médiatiques. À terme, c'est-à-dire au mieux dans quelques
semaines, ce sont largement plus de 300.000 hectares de forêt dite
boréale qui auront disparu de l’Alberta. Mais l’essentiel était
évidemment que les pétroliers puissent rapidement reprendre leurs
activités dans un univers naturel sinistré. Malgré les efforts de
quelques associations, les animaux sauvages, encore nombreux au nord de
Fort McMurray, ont tous été avalés par la progression du feu. Qu’il
s’agisse des mammifères et, plus exceptionnellement, de la plupart des
oiseaux. Quant à la micro-faune terrestre, essentielle aussi à
l’écologie de ce type de forêt, elle ne réapparaitra pas avant plusieurs
dizaines d’années.
Les scientifiques et les spécialistes du couvert forestier de
l’hémisphère nord constatent qu’au Canada, en Alaska et en Russie, les
destructions par le feu de ces forêts boréales dont la croissance est
très lente, sont de plus en plus fréquentes et importantes depuis la fin
des années 80. Une conséquence des sécheresses de plus en plus longues
qui transforment ces espaces en amadou prêt à bruler ; au point que
souvent, les terres marécageuses, étant desséchées, le feu chemine
souterrainement d’un espace à l’autre par des feux de tourbe qui
surgissent, surprennent les pompiers, les habitants et les villages, à
plusieurs kilomètres du front des flammes.
Cette forêt boréale qui part en fumée
Les grands incendies des espaces boréals liés aux changements
climatiques ont, notamment, commencé à la frontière sino-soviétique en
1987 en brulant un million d’hectares en quelques semaines. Avec, un
mois plus tard, d’autres feux, une cinquantaine, qui ont détruit une
dizaine de millions d’hectares de forêt sibérienne. Même ampleur de
catastrophe en Russie et en Sibérie au cours de l’année 2003. Au Canada,
alors que les autorités répertoriaient 6.000 incendies par an dans les
années 60, le chiffre a dépassé la barre des 10.000 l’année dernière et
la plupart d’entre eux sont d’une ampleur et d’une durée largement
supérieures à ce qu'ils étaient. Au point que les scientifiques
craignent désormais pour l’avenir de la forêt boréale dans la mesure où
chaque année il en brûle désormais en moyenne 2,8 millions d’hectares
dans le seul Canada. Certaines années, désormais, notamment en 2015, le
cubage du bois brulé dépasse celui du bois récolté dans le pays.
En cette période de printemps précoce dans l’Alberta, tous les
éléments sont réunis pour que la catastrophe incendiaire se poursuive
longtemps et établisse de nouveaux records de destruction. Alors que
toutes les forêts boréales représentent un tiers du couvert forestier du
monde et que leurs écosystèmes adaptés au froid sont très fragiles.
politis.fr
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