mardi 17 mai 2016

Je suis une fille

PhotoYara Jouda

Je suis une fille qui n'a pas de rêves et peut-être pas de futur. Le temps d'un clignement d’œil, je peux être sans mains, sans cœur et sans âme.

Je suis une fille qui vit sous un toit qui est sous un ciel occupé par des milliers d'avions pleins de bombes, qui est entouré de terre sans personne pour la travailler, parce que tout le monde a peur d'être tué par des soldats dans les tours de guets, cachés mais prêts à tirer à tout moment, sans se préoccuper de qui ils visent et comment leurs familles survivront sans eux.
Au-delà, il y a la mer qui, autant que nous l'aimons, nous terrifie parce qu'elle porte d'énormes et terrifiants navires qui peuvent nous tuer eux aussi.
Dois-je vous parler aussi du magnifique parc transformé en terre stérile et meurtrie ? Dois-je vous dire que je serais ravie de prendre l'avion mais que j'ai tellement peur que l'un d'entre eux me tue ? Dois-je vous dire que j'ai peur de regarder le ciel et de compter les étoiles, parce que peut-être elles vont se transformer en lumières qui tuent ? Je ne peux même pas écrire sur tout ce qui menace ma vie sans craindre d'en mourir.
Ils nous ont pris notre enfance et notre bonheur, et puis ils nous ont dit que nous sommes les terroristes. Désolée, mais je ne me souviens pas avoir brandi une arme pour vous tuer, à moins que vous ne considériez nos jeux comme du terrorisme. Savez-vous combien nous voulions et nous nous battions, dans ces jeux, pour être l'officier de police qui défend les pauvres gamins et les protège contre les soldats israéliens ? Qu'attendez-vous que fassent les enfants, quand vous êtes si jeune mais que vous ne pouvez pas effacer les bruits de bombes, ou la douleur de perdre les gens que nous aimons quand une roquette tombe sur leur maison et qu'ils n'ont rien fait pour mériter une telle mort ? Et n'oublions pas la fermeture des passages, qui rendent tout voyage impossible. Et même quand nous pouvons, c'est comme si nos noms sur nos papiers d'identité étaient soulignés en rouge, juste parce que nous sommes Palestiniens - les gens nous traitent différemment, ils sont "prudents", comme si nous étions tous des terroristes.

Je suis une fille qui, dans certaines parties du monde où les personnes "ont de l'importance", serait considérée comme trop jeune pour poser ces questions, et beaucoup trop jeune pour pouvoir parler de ces sujets. Je suis une fille qui est obligée d'être une vieille femme à l'âge de 15 ans.

Yara, 15 ans, est une réfugiée palestinienne qui vit à Gaza, sa ville d'origine est Ashdod, maintenant en Israël après le nettoyage ethnique de 1948. Elle dit, "écrire est un de mes loisirs, et celui que je préfère. Lorsque j'écris, j'ai le sentiment d'être dans mon propre monde. Je peux écrire sur ce que je veux, et je me sens libre. C'est aussi une façon de raconter notre véritable histoire au monde."
Traduction : MR pour  ISM


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