C’est une sorte d’hydre à plusieurs têtes ; avant on l’appelait
« GAFA » pour « Google, Apple, Facebook, Amazon » mais d’autres têtes
lui ont poussé depuis… Twitter, Netflix, Uber… Et puis il y a toujours
Monsanto, Total, Goldman Sachs, et quelques autres encore… mais elles ne
sont pas tant que ça en définitive.
Sauf que ce monstre insatiable est en train de mener une lutte
acharnée pour le pouvoir, et ce sur deux fronts en même temps : contre
les citoyens bien sûr (les lanceurs d’alerte vous le confirmeront !),
mais aussi contre les Etats qui refusent de se soumettre à leurs
exigences -ou ne le font pas assez vite.
On soupçonnait bien qu’un jour les financiers finiraient par se confronter aux politiques,
inévitablement : leurs intérêts divergent à partir du moment où la
compromission du pouvoir politique par le pouvoir financier commence à
être rendue publique (Luxleaks, Panama papers pour ne citer que les
affaires les plus récentes). Internet -et sa force de frappe planétaire-
est un danger pour tous les tricheurs qui veulent rester discrets :
c’est pour cela qu’ils poussent les politiques à adopter, pour leur
propre sécurité mutuelle, des mesures restrictives sur tout ce qui
concerne les libertés sur internet ; le terrorisme étant le biais idéal
pour faire passer la fin des libertés sur internet comme un sacrifice
difficile -mais nécessaire- à accepter.
Sacrifice qui s’ajoute à ceux exigés par les politiques quand les
financiers commandent des lois aux politiques qui les servent (et se
servent eux-mêmes au passage)… Contraints de faire passer la pilule
auprès des peuples qui ne sont pas toujours d’accord (ce qui ajoute une
raison de contrôler internet !), nos hommes politiques sont parfois
quelque peu réticents à risquer leur place pour quelques accommodements
avec leurs convictions. Regardez le TAFTA : des dispositions légales
impliquant une égalité de pouvoir entre une entreprise et un Etat pose
des problèmes à tous : les politiques rechignent à signer par peur du
peuple qui doit continuer de les élire, tandis que les entreprises
payent des sommes considérables pour obtenir ces signatures. Même si au
bout du compte ces accords seront adoptés bon gré mal gré, le temps et
l’argent perdu par les multinationales pour obtenir la légalisation de
leurs comportements immoraux les empêche d’avancer comme ils veulent…
d’autant que ces traités sont sujets à changements au gré des
alternances gouvernementales.
Quand on pense que certaines entreprises possèdent des ressources
financières parfois bien plus importantes que celles d’Etats entiers
-dettes comprises !- on est en droit de se demander si des pays entiers
ne pourront pas être définitivement achetés par une entreprise -un peu
comme dans « les condamnés à mort », un livre que j’ai découvert il y a
peu, écrit en 1920 par « Claude Farrère ». Ainsi ils supprimeraient les
intermédiaires gênants qui ralentissent le bon déroulement des affaires.
Du coup se pose également la question de la démocratie : ne
nuirait-elle donc pas aux affaires ? Alors que la Chine rachète tout ce
qu’elle peut de par le monde, la démocratie devrait-elle empêcher
« l’Occident » continuer de vivre dans l’opulence ? Cette façade
idéologique marque bien toute l’hypocrisie de ce genre de discours,
alors que ce sont ces mêmes Apple, Facebook ou Amazon qui exploitent le
travail de ces Chinois, dont les plus corrompus gagnent des fortunes.
C’est qu’en réalité il n’y a pas de combat entre le nord et le sud, pas
plus qu’entre l’est et l’ouest. Le combat est celui des riches contre
les pauvres. À l’heure où il est de bon ton de s’alarmer du climat, de
la surpopulation, des terroristes, de la pollution, on peut se demander
si l’on essaye pas de nous faire peu à peu comprendre qu’il n’y a pas de
place pour tout le monde, et que par conséquent on ne gardera que « les
meilleurs »…
Ce qui se passe actuellement est une offensive directe de la part de quelques entreprises géantes qui ne veulent plus se laisser emmerder par la démocratie, même fictive. Ils veulent lever le rideau et prendre les commandes en direct. Quittes à imposer la dictature.
Ce qui se passe actuellement est une offensive directe de la part de quelques entreprises géantes qui ne veulent plus se laisser emmerder par la démocratie, même fictive. Ils veulent lever le rideau et prendre les commandes en direct. Quittes à imposer la dictature.
Le mouvement de concentration des médias et leur rachat, malgré leur
faible rentabilité, montre également à quel point la bataille de
l’opinion doit quand même leur être acquise avant de donner l’assaut
final. Prêts à dépenser des milliards pour obtenir nos données, pour
nous faire voir le monde à leur manière, ils désirent contrôler ce que
nous avons le droit de savoir ou de ne pas savoir, ce que nous devons
vouloir ou ne pas vouloir, afin de continuer à nous vendre leurs
produits, ainsi que leur idéologie : soyez les meilleurs, sinon vous
n’aurez pas votre place parmi les « élus ».
Cette concentration constitue la dernière étape du système
capitaliste, qui pourrait conduire au rachat de pays entiers par des
multinationales qui gèreront les peuples à la manière de leurs
entreprises, avec les moyens techniques de surveillance et de contrôle
dont ils disposent. Les riches ont pris l’ascendant et sont bel et bien
en train de gagner la lutte des classes. Leur puissance a atteint de
tels sommets qu’il est désormais impossible de leur faire entendre
raison : too big too fail, un point c’est tout !
De leur point de vue, c’est d’une logique imparable : de la même
manière que Monsanto achète petit à petit toutes les entreprises qui
produisent des semences « non-OGM » afin de les empêcher de « nuire aux
affaires », chaque multinationale dominante désire racheter ses
concurrents pour les rendre inoffensifs. Toutes les barrières
réglementaires qui contraignent leur puissance est un ennemi à abattre.
Et la démocratie nuit aux affaires. Comme l’écologie et les
journalistes, ou les droits sociaux.
Tant que l’on ne remettra pas en cause l’idéologie qui érige la
rentabilité en valeur supérieure à toutes les autres, il ne peut y avoir
ni démocratie ni écologie ; mais il y aura des guerres, et de la misère
aussi.
Car dans un monde où la rentabilité est la valeur supérieure, il n’y a pas de limite à l’exploitation de l’homme.
Caleb Irri
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire