L'histoire regorge d'exemples où des calculs mal maîtrisés, ont
entraîné non seulement la chute des tacticiens en herbe mais aussi une
situation ubuesque aux conséquences hasardeuses. Il faudra donc retenir
que c'est par calcul politique que Cameron a fait exposer l'union
européenne (UE).
Au début il s’agissait pour lui de gagner les
législatives de 2015 ! Paniqué par la montée en puissance de l’europhobe
(l'UKIP), qui disputait au Parti conservateur une partie de son
électorat traditionnel, il avait décidé de lui donner des gages pour le
neutraliser. Pour cela il s’engagea, sous réserve de réélection, à
organiser avant fin 2017 un référendum sur le maintien du Royaume uni
(RU) dans l’UE. Cette consultation se ferait sur la base des résultats
de la négociation à entreprendre entre Londres et le Conseil européen.
Si le premier ministre estimait avoir été entendu par ses partenaires,
il appellerait au maintien du RU dans l’UE. Dans le cas contraire, il
préconiserait le Brexit. En mai 2015, le Parti conservateur, déjouant
les pronostics, remporta les législatives avec une majorité absolue des
sièges, et Cameron s’est retrouvé dans l'obligation de tenir sa promesse
électorale. Ainsi s'installe un jeu d'équilibriste où Cameron doit
convaincre son électorat qu'il a arraché de ses mains des avantages
notoires mais sans que cela passe aux yeux des citoyens des autres pays
pour une capitulation en rase campagne. La tache de Cameron s’avère ardu
car le contexte européen actuel, dominé par les questions des flux
massifs de réfugiés et du djihadisme alimentent la poussée de la
xénophobie et du nationalisme.
De cette négociation factice, il
est une chose sûre : ce sont bien les travailleurs migrants au RU qui
vont faire les frais de cette surenchère, avec la complicité de tous les
gouvernements européens de surcroît. Ils devront désormais avoir résidé
pendant quatre ans au RU pour pouvoir bénéficier de l’intégralité des
allocations sociales prévues pour les bas revenus. Il s’agit donc d’une
attaque contre une partie de la classe ouvrière, qui fait suite à la
campagne menée depuis des années par Cameron, accusant les migrants
européens de vivre en parasites du système de protection sociale.
Qu’importe si les statistiques officielles montrent qu’au contraire les
travailleurs de l’UE bénéficient de moins des allocations sociales que
les travailleurs britanniques. Qu’importe également si les mêmes
statistiques montrent que ces travailleurs rapportent infiniment plus
aux finances britanniques qu’ils ne coûtent au système de protection
sociale. Il fallait au Parti conservateur un bouc émissaire pour donner
le change devant un électorat de plus en plus écœuré par sa propre
politique d’austérité. Mais mine de rien, cette proposition reviendrait à
s’en prendre au principe de non-discrimination entre ressortissants.
Autrement dit, selon Bernard Cassen, cela consiste à une entorse aux
quatre « libertés fondamentales » de l’Union. Pour ce qui est des trois
autres, que l'on ne s’inquiète pas elles seront toujours respectés. En
effet, les libre-circulations des capitaux, des marchandises et des
services, font parties intégrante de l'ADN du libéralisme. Elles sont
consubstantielles au parachèvement du marché intérieur européen tant
chéri par les multinationales anglaises ou pas.
L'UE, comme on le
sait, a des urticaires géantes dès qu'on parle de référendum car depuis
15 ans, ils leur ont tous été défavorables. Celui-là ne dérogera pas. La
nature des pro-UE inspire un rejet massif. En premier lieu, les élites
nantis qui déploient leur richesse avec morgue mais aussi la City, place
financière dont la porosité avec les paradis fiscaux rebute. Le fait
que les autres pays membres ne souhaite pas leur sortie (le RU
représentant le fer de lance du libéralisme donc permet la justification
d'un compromis libéral) ne fera que galvaniser leur particularisme.
Bien évidemment, le brexit le sera grâce aux xénophobes ou autres
nationalistes avec lesquels on ne partage rien. Mais en tout état de
cause, on va assister à la sortie du RU de l'UE. Alors bien sur, cette
sortie ne gommera pas les contre réformes qui ont attaqué la classe
ouvrière ces 40 dernières années (Thatcher, Blair, Cameron). Mais cette
sortie aura de multiples conséquences. L'écosse, par exemple, qui veut y
rester, redemandera un référendum pour l''indépendance, d'autant que le
parti indépendantiste écossais voit, par cette affaire, croître ses
résultats électoraux au détriment du Labour. Mais l'autre tremblement de
terre sera le début de la fin de l'UE et de l'euro. Et quelles que soient les
raisons du brexit, une attaque à l'encontre de l'UE ne doit être perçu
uniquement que pour ce qu'elle est, c’est-à-dire une bonne nouvelle.
Bonne nouvelle car l’UE représente le visage et l’instrument du
capitalisme transnational.
C'est pour cette raison que doit être
combattue cette alliance des bourgeoisies de toute l’Europe qui n'a pour
but que de supprimer les conquis sociaux. Mais dénoncer l’UE
supranationale ou exiger sa sortie immédiate n'a de sens qu'en
combattant, dans chaque pays membre, le capitalisme qui lui a donné
naissance. Sinon cela relève du calcul politicien et de la faiblesse
lourde de conséquence, qui n'engendrera qu'un éternel recommencement.
Les tribulations de l'écolo économe
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire