jeudi 16 juin 2016

Demain : les "solutions" passent par l'effondrement de la civilisation industrielle productiviste

ILLUSTRATIONPierrick Tillet

Passionnante tribune de Pablo Servigne sur le site Reporterre : « Les “solutions” sont nécessaires, mais elles n’empêcheront pas l’effondrement ». Essayons de prolonger ici cette réflexion.

Pour Pablo Servigne, co-auteur avec Raphaël Stevens de Comment tout peut s’effondrer (Seuil 2015), plus rien ne peut empêcher la chute de la civilisation industrielle, pas même les “solutions” proposées dans le documentaire de Cyril Dion et Mélanie Laurent, Demain [un chef d’oeuvre d’intelligence qui devrait être diffusé dans toutes les écoles, ndlr]. Bande annonce ICI.
Tout juste certains spectateurs pourront-ils s’efforcer de croire que ces “solutions” ralentiront cet effondrement, le temps de se mettre en place. D’autres espérerons au contraire que ces “solutions” précipiteront la fin d’un système honni, si possible en douceur. Tout vient d’un malentendu sémantique, explique Pablo Servigne. Nous autres, Français cartésiens, pensons que tout problème a sa solution. Et que la solution fait disparaître le problème.
« Les anglophones, quant à eux, ont aussi des problèmes et des solutions, mais ils ont un autre mot, qui peut s’avérer bien plus utile pour décrire notre situation. Ils utilisent le mot (intraduisible) de predicament. Il s’agit d’une situation inextricable, comme la mort ou une maladie génétique incurable, qui n’a pas de solutions (la mort ne peut pas être résolue), mais pour lesquelles il faut plutôt chercher des moyens de bien vivre avec. »

Les “solutions” de Demain naîtront sur les ruines du monde d’hier

Ce qui rend encourageant les solutions proposées dans le film Demain, c’est qu’elles n’ont rien d’anecdotique ou de marginal. Elles interviennent à grande échelle, celle d’une grande ville comme Copenhague et San Francisco, ou même d’un pays comme l’Islande. Elles naissent d’un chaos (les “fermes urbaines” dans la ville dévastée de Detroit aux États-Unis) ou tout simplement de l’intelligence humaine (l’extraordinaire “ferme du Bec-Hellouin” en Normandie).
Mais leur point commun à toutes, c’est qu’elles vont totalement à l’encontre des fondements de la civilisation industrielle obnubilée par le profit financier et la croissance productiviste. Elles relocalisent quand les autres veulent globaliser. Elles humanisent quand les autres ne songent plus qu’à engraisser un carré d’actionnaires. Il faut être bien naïf pour penser que le système encore dominant, pour moribond qu’il soit, va se laisser mettre en pièces par les solutions de quelques humanistes sans réagir avec la vigueur dévastatrice dont il a l’habitude.
La question qui se pose désormais est de savoir qui l’emportera dans la course à la montre opposant les tenants des “solutions” à une oligarchie finissante défendant bec et ongle une “civilisation” dont les ravages menacent la survie même de l’espèce humaine (cf. Le dernier qui s’en va éteint la lumière, Paul Jorion, Fayard 2016).
Une prise de conscience collective me paraît s’imposer : non seulement les “solutions” de Demain n’empêcheront pas l’effondrement de la civilisation industrielle, mais elles devront passer par cet effondrement pour avoir une chance de se généraliser.

Comme toujours dans l’Histoire de l’humanité, les “solutions” du monde de demain naîtront sur les ruines du monde d’hier. Et ils nous faut d’ores et déjà accepter que cet accouchement ne se fasse pas sans douleur.

Photo :  “Urban farming” à Detroit, Michigan USA



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