Une menace nette plane désormais sur le droit constitutionnel de
manifester. Le gouvernement se saisi du double prétexte des incidents
qui ont émaillé la manifestation du mardi 14 contre la loi El Khomri et
de la légitime émotion suscitée par l’odieux crime de Magnanville ou
deux policiers ont été les victimes d’un djihadiste pour tenter
d’interdire les manifestations.
Ainsi, le Président de la
République, François Hollande a annoncé en conseil des ministres le 15
juin qu’il n’y aurait plus d’autorisation demanifester si la préservation des « biens et des personnes » ne pouvait être « garantie »[1].
Comme l’a déclaré le porte-parole du gouvernement M. Stéphane Le Foll,
par ailleurs Ministre de l’agriculture et bien habitué aux
manifestations violentes : « A un moment où la France accueille l’Euro, où elle fait face au terrorisme, il ne pourra plus y avoir
d’autorisation de manifester si les conditions de la préservation des
biens et des personnes et des biens publics ne sont pas garanties. »
L’amalgame est ainsi ouvertement réalisé entre les terroristes, les
hooligans, et le mouvement social. Rappelons, pour ceux qui auraient pu
l’oublier, que ceci est le fait d’un gouvernement « de gauche » toujours
prompt à accoler le qualificatif « d’extrême-droite » sur tous ses
opposant. Ces propos sont honteux. Ils sont aussi profondément
scandaleux.
Le Premier-ministre, M. Manuel Valls, avait dans la matinée du 15 réaffirmé qu’il ne « changera pas » le projet de loi travail, et il avait dénoncé ce qu’il appelait l’attitude « ambiguë » de la CGT : « Je demande à la CGT de ne plus organiser ce type de manifestations sur Paris et, au cas par cas, car vous savez qu’on ne peut pas prononcerune interdiction générale, nous prendrons, nous, nos responsabilités ».
Ces propos répétés, provenant des plus hautes autorités de l’Etat sont
donc d’une gravité extrême. Ils mettent en cause directement la paix
civile. Ils relèvent de la provocation délibérée.
La présence de
« casseurs », de gens cherchant délibérément à en découdre dans les
manifestations, est un fait qui date de plus de quarante ans. Que cette
présence pose un problème est une évidence ; mais elle ne date pas des
dernières manifestations. Ce qui est grave aujourd’hui c’est que l’on
voit réapparaître du côté de la police et ce depuis plusieurs semaines
des pratiques qui avaient disparu depuis la fin des années 1970, voire
1980, comme le tir tendu de grenade, les brutalités à l’encontre des
journalistes, voire de collégiens, sans oublier l’usage du flash-ball
— deux personnes ont été éborgnées. Il est incontestable que l’on a
franchi un nouveau pallier. Des nouvelles victimes innocentes ont été
relevées lors de la manifestation du 14 juin.
Ce sont ces
pratiques qui ont brisé l’unanimité nationale autour des forces de
police, ce que l’on appelait « l’esprit du 11 janvier ». La
responsabilité en incombe complètement et totalement au gouvernement.
On
connaît l’adage du Droit : « le Prince couvre le sujet ». Il faut alors
poser des questions à ce gouvernement. La multiplication de ces
incidents, combinée à la relative impunité dont ont pu bénéficier
certains « casseurs » et qui a été soulignée dans de multiples
reportages, soulève des interrogations légitimes. A-t-on donné des
ordres spécifiques à la police ou, ce qui semble plus probable – et ce
qui en un sens est pire – l’a-t-on laissée sans ordre? Si tel est le
cas, qu’est ce que cela révèle dans le fonctionnement des
administrations ?
Au-delà des ces questions, le lien entre les
consignes européennes et l’entêtement du gouvernement à propos de la loi
travail, dite loi El Khomri, est aujourd’hui un facteur supplémentaire
de perte de la légitimité du gouvernement et du Président. Le pouvoir
apparaît en France comme le fondé de pouvoir d’une instance étrangère.
Le mouvement contre la loi travail est en réalité, très profondément, un
mouvement de réappropriation de la souveraineté nationale, base de la
souveraineté populaire.
C’est une situation réellement inquiétante
car le comportement d’une minorité de policiers, dont on refuse qu’elle
puisse être étendue à l’ensemble de la Police, mais aussi et surtout du
ministère de l’intérieur, dont les propos du mardi 14 au soir faisant
l’amalgame entre le crime odieux dont deux policiers ont été victimes et
le mouvement social, et indirectement du Premier-ministre, durcit les
oppositions et fait peser sur les forces de l’ordre un discrédit qui est
d’autant plus grave que nous sommes en état d’urgence. Cette situation
devrait logiquement conduire le gouvernement à ne pas chercher à
antagoniser les oppositions, à retirer – ne serait-ce que provisoirement
– la loi El Khomri, et à contrôler le comportement des forces de
l’ordre qui sont sous sa responsabilité. Or, il fait aujourd’hui est
tout le contraire et rajoute à une situation tendue de dangereuses
provocations.
Les propos scandaleux, et pour tout dire
provocatoires, des membres du gouvernement et du Président de la
République dressent aujourd’hui les français les uns contre les autres
au moment même où l’on aurait tant besoin de se rassembler. Ils peuvent
conduire à la guerre civile. Ils ôtent à ce gouvernement toute
légitimité pour pouvoir prétendre continuer à assurer la paix civile et
la protection des personnes face à la menace terroriste.
[1] http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/06/15/valls-appelle-la-cgt-a-stopper-les-grandes-manifestations-a-paris_4950656_3224.html
russeurope
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