Claude-Marie Vadrot
Les derniers
habitants indiens de l'île Jean Charles vont devoir abandonner leurs
terres envahies par la mer. Comme de nombreux habitants des îles
côtières américaines.
Les
premiers réfugiés climatiques américains sont en train de quitter l’île
Jean Charles au sud de la Louisiane. Cette terre dont le nom remonte à
l’époque où cette région était une colonie française, disparaît peu à
peu sous l’effet de la hausse du niveau de la mer et des vagues. Au
début des années 70, une centaine de familles, descendantes pour la
plupart de la tribu indienne des Chitama-Choctaw, vivaient heureuses sur
l’île. Grâce à l’agriculture et à la pêche. Ils ne sont plus qu’une
soixantaine à résister sur un territoire qui est passé en une
quarantaine d’années d’un millier d’hectares à une bande de terre
fragilisée s’étendant sur moins d’une centaine d’hectares sur laquelle
il est de plus en plus difficile de vivre, ou plutôt de survivre.
Le coup de grâce du cyclone Katrina
Sur cette île qui a été longtemps auto-suffisante et fertile avant de
dépendre de quelques épiceries du continent, l’érosion de la côte, la
montée des eaux du golfe du Mexique, la disparition progressive des
arbres, la salinisation des terres et l’utilisation des marais pour
lutter contre la salinisation des terres de la côte de la Louisiane, va
mettre fin à son existence. Le coup de grâce à la résistance des
derniers habitants aura été, il y a dix ans, le passage du cyclone
Katrina qui a submergé quelques jours ce qu'il restait de cette île. Au
point que la route surélevée qui a longtemps relié l’île au continent se
retrouve désormais sous l’eau et impraticable.
La perspective de la fin de la présence humaine sur cette île Jean
Charles est apparue au cours des cinq dernières années, quand la plupart
des habitants ont constaté que leurs jardins de subsistance avaient
presque tous disparu ou étaient devenus impropres à la culture. Le chef
de la tribu, Albert Naquin, d’origine française lointaine, a expliqué il
y a quelques jours dans la presse locale :
Plus nous attendons pour partir, plus nous subirons de cyclones dangereux. Nous haïssons cette idée de quitter notre terre, mais nous n'avons plus d'autre solution. Cette situation, c'est comme perdre un membre de sa famille. Nous sommes en train de perdre le combat que nous avons longtemps mené contre la mer et les tempêtes
Cet homme est d’autant plus désespéré qu’il sait que dans le golfe du
Mexique comme le long des côtes américaines, les milliers d’habitants
de dizaines d’autres îles vont subir le même exil. Y compris au large de
la Floride dont le gouverneur républicain, Rick Scott, interdit à ses
fonctionnaires d’évoquer la question du climat et de la montée de la
mer.
Il y a quelques semaines, reconnaissant leur statut de réfugiés du
climat, les services fédéraux du logement et du développement urbain ont
accordé une subvention de 45 millions d’euros pour que les derniers
habitants et ceux qui ont déjà abandonné la lutte perdue d’avance en
fuyant vers le continent, puissent s’installer ailleurs en sauvant leur
communauté très ancienne. Mais cette population aux traditions très
particulières, qui constitue l’avant-garde des premiers réfugiés
climatiques des États-Unis, ne sait pas encore si cette migration en
cours vers la terre ferme de Louisiane, lui permettra de sauver sa
culture, sa cohésion et ses singularités linguistiques.
politis.fr
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