Khan a courtisé Israël au détriment des Palestiniens, dont ses électeurs à Londres soutiennent de plus en plus la cause.
Le nouveau maire de Londres Sadiq Khan est aujourd’hui solidement installé dans son bureau à l’hôtel de ville.
Quelques semaines après le début de son mandat, l’homme politique
continue de bénéficier d’une couverture positive de la part d’une presse
en temps normal hostile.
Pourtant, malgré tous les éloges personnels qu’il s’est attirés suite
à sa victoire, qui a été décrite comme étant historique, ses premiers
actes depuis sa prise de fonction révèlent une autre facette de l’homme.
Lorsque sa candidature a été annoncée en septembre, le député de
Tooting a insisté sur le fait que sa campagne et le mandat qui aurait
suivi seraient axés sur les questions qui comptent pour Londres. Il a
affirmé que les questions internationales, telles que le conflit
israélo-palestinien, ne figureraient pas dans son programme.
Pourtant, une semaine après avoir été choisi en tant que candidat du
Parti travailliste, Sadiq Khan a donné une interview au Daily Mail dans
laquelle il a présenté son projet de soutien à un festival mettant en
vitrine Tel-Aviv. Il a promis de s’opposer à l’initiative lancée en
opposition à l’occupation illégale du territoire palestinien par Israël,
le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS).
Khan a également déclaré que les tentatives de coopération du chef de
son parti Jeremy Corbyn avec des organisations palestiniennes et
libanaises telles que le Hamas et le Hezbollah transformeraient Londres
en une cible potentielle pour des attaques terroristes. Il est
rapidement apparu qu’en faisant part de son refus de se laisser
entraîner dans les affaires étrangères, il voulait dire qu’il refusait
de reconnaître le discours palestinien au Moyen-Orient.
Prendre le parti du discours israélien et de ce qu’il réalise et
représente allait de toute évidence rendre la vie plus sûre pour un
potentiel maire de Londres.
Alors que son chef n’est pas parvenu à le contenir, les musulmans de
Londres ont été de plus en plus divisés par son discours partial et de
plus en plus conflictuel.
Cherchant désespérément à courtiser une tranche de l’électorat, il a ouvertement négligé une autre section de celui-ci.
À une époque où les attaques islamophobes se multiplient et où les
femmes vêtues du hijab sont des cibles de premier plan, Khan les a
dépeintes comme des personnes « suspectes » et étrangères à la ville de
Londres qu’il connaissait, exacerbant le climat d’hostilité dont
souffrent ces membres visibles de la communauté musulmane.
Si des propos similaires avaient été formulés par un quelconque autre
candidat, les accusations d’islamophobie et de sectarisme auraient
fusé. Au lieu de cela, les médias se sont focalisés sur la campagne
raciste de son adversaire Zac Goldsmith, qui a transformé Khan en
victime.
De nombreux facteurs ont contribué à la victoire confortable de Khan.
Tout d’abord, beaucoup ont vu dans le vote pour Khan un moyen de
soutenir Jeremy Corbyn, qui était embourbé dans un scandale sur fond
d’antisémitisme au sein du Parti travailliste au moment des élections
municipales.
Il convient également de noter que le Parti conservateur est bien
engagé dans son deuxième mandat. Les élections de mi-mandat sont souvent
un moyen pour les électeurs de punir le parti au pouvoir. Les élections
municipales de Londres n’ont pas fait exception.
Enfin, même si le score de Sadiq Khan demeure impressionnant,
celui-ci a été permis par la forte popularité de Corbyn et le manque de
popularité de plus en plus criant de Cameron.
Mais les unes internationales n’ont jamais réellement observé le
tableau d’ensemble de la politique britannique et ont préféré se
concentrer sur le buzz attractif que constituait l’élection du premier
maire musulman de Londres.
Ce qui est à peine un exploit, puisque Londres n’en a eu que deux
autres au cours de son histoire : le fait que le troisième provienne de
la plus large minorité de la capitale n’est pas une grande surprise.
Après tout, quelqu’un serait-il surpris de voir un juif être élu maire de New York ?
Le climat d’islamophobie qui règne actuellement a certes rendu son
élection par moments improbable, mais la réalité est que les Londoniens
ont tout simplement élu non pas un candidat « musulman » mais le
candidat « travailliste ». Qu’il se fût appelé Khan, Kahn ou Caan, cela
n’aurait pas changé grand-chose pour un électorat désireux de punir le
Parti conservateur au pouvoir.
Sadiq, un ami d’Israël
Dans la période qui a précédé les élections, Khan a indiqué au
journal The Jewish Chronicle que son engagement à l’égard d’Israël ne
pouvait être contesté.
Une déclaration inquiétante s’il en est. L’électorat juif,
relativement faible en nombre, est divisé sur la question d’Israël et de
nombreux juifs de Londres seraient réfractaires à l’idée d’être
associés à un État qui entre en violation avec 67 résolutions de l’ONU.
Alors que les organisations sionistes influentes affirment que le
soutien à Israël est une question qui concerne tous les juifs, de
nombreux juifs s’opposent en réalité à cette association et ne
soutiennent pas un pays dont ils contestent farouchement les politiques
coloniales.
L’ambitieux Khan n’avait en fait jamais réellement courtisé le vote
« juif », qui est relativement faible, mais plutôt le lobby
pro-israélien, qui est intégré aux plus hauts échelons de l’appareil
politique britannique. Autrement, comment une publication Facebook
anodine postée tout d’abord par l’universitaire juif Norman Finkelstein
a-t-elle pu quasiment entraîner l’implosion du principal parti
d’opposition de la Grande-Bretagne ?
C’est ce que d’innombrables voix juives ont dénoncé ces dernières
semaines face à l’intention des médias de présenter l’ensemble des 250
000 juifs de Grande-Bretagne comme étant pro-israéliens.
Sadiq Khan a compris de quel côté se trouvait son intérêt et a décidé
de courtiser un lobby au détriment de la grande majorité de ses
électeurs. Son premier engagement officiel en tant que maire de Londres
s’est fait aux côtés de l’ancien visage de l’opération israélienne Plomb
durci, Mark Regev, un visage auquel de nombreux survivants de
l’Holocauste ou leurs descendants déplorent d’être associés.
Khan a fait de la profession de son père un élément majeur de sa
campagne et a soutenu que ses références en tant que membre de la classe
ouvrière (il est le fils d’un chauffeur de bus, au cas où quelqu’un ne
l’aurait pas compris) feraient de lui le maire « inclusif » par
excellence.
Pourtant, lorsque la Palestine Solidarity Campaign (PSC) l’a invité à
un événement commémoratif de la Nakba, la « catastrophe » de
l’expulsion et du nettoyage ethnique des Palestiniens en 1948, Khan a
ignoré l’invitation.
Sa réponse à une question posée par un auditeur lors d’une émission
de radio à laquelle il participait a peut-être été encore plus
révélatrice. Interrogé quant à savoir pourquoi il avait ignoré
l’invitation de la PSC alors qu’il prétendait être un maire inclusif, il
s’est lancé dans une explication interminable au sujet de l’idée de
participer à une cérémonie commémorative de l’Holocauste.
Mais pourquoi faire intervenir l’Holocauste au cours d’une discussion
sur la Nakba palestinienne ? Qu’est-ce que ce maire « inclusif »
essayait de faire ?
Reliait-il les deux événements ? Affirmait-il ouvertement que les
survivants de l’Holocauste sont plus importants ? Pourquoi cette
association ?
En outre, il a ensuite utilisé cette question portant sur la
participation à un événement important dans lequel la Grande-Bretagne a
joué un rôle historique (c’est après tout Lord Balfour, un Britannique,
qui a offert la Palestine, un territoire qui n’appartenait pas à la
Grande-Bretagne, à des colons d’Europe de l’Est) pour dénoncer
l’antisémitisme. Où se trouve le lien encore une fois ? Qu’est-ce que le
déplacement de plusieurs millions de Palestiniens chassés de leurs
terres, la destruction de dizaines de villages et le massacre de
milliers de Palestiniennes et de Palestiniennes ont à voir avec
l’antisémitisme à Londres ?
Le lien subliminal établi par Khan est alarmant et soulève de
sérieuses questions quant à sa capacité à être le maire « inclusif » de
Londres par le simple fait d’être issu d’une minorité ethnique.
À maintes reprises, Khan a ouvertement pris le parti d’Israël au
détriment des Palestiniens, dont les Londoniens soutiennent de plus en
plus la cause.
Alors que la discorde sur l’antisémitisme/l’antisionisme continue de
secouer le Parti travailliste, une chose est au moins apparue depuis les
élections de mai : il n’est pas nécessaire d’être juif pour être
sioniste, puisqu’en réalité, on peut aussi être musulman. Le maire Sadiq
Khan en est la preuve.
Hafsa Kara-Mustapha est une journaliste, analyste politique et
commentatrice spécialiste du Moyen-Orient et de l’Afrique. Elle a
travaillé pour le groupe Financial Times et Reuters ; ses travaux ont
été publiés par The Middle East magazine, Jane’s Foreign Report et une
multitude de publications internationales. Hafsa apparaît régulièrement
en tant qu’experte à la télévision et à la radio, notamment sur RT et
Press TV.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation
AFPS
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