lundi 6 juin 2016

Un gouvernement brutal, minoritaire et responsable des blocages

J.J.Chavigné        

Un gouvernement brutal

C’est François Hollande, lui-même, qui portait ce jugement en 2006, lorsque le gouvernement Fillon essayait d’imposer le Contrat Première Embauche (CPE), malgré la mobilisation de la jeunesse et des salariés. Il déclarait devant l’Assemblée nationale : « Le 49-3 est une brutalité, le 49.3 est un déni de démocratie, le 49.3 est une manière de freiner ou d’empêcher le débat parlementaire. » On ne saurait mieux dire.
  
Le gouvernement est minoritaire dans le pays

Selon le dernier sondage IFOP (réalisé entre le 22 et le 25 mai, c’est-à-dire après le début des blocages) 62 % des Français trouvent justifiés les manifestations, les grèves, les blocages contre le projet de loi El Khomri. Cela, malgré l’unanimité des médias dominants à ne jamais parler des raisons de ces manifestations, grèves, blocages mais à tout centrer sur les « violences ».
Si le gouvernement est aussi sûr qu’il le prétend d’être majoritaire dans l’opinion, pourquoi n’organise-t-il pas un référendum sur la loi Travail comme le préconise Jean-Claude Mailly, le secrétaire générale de FO ?
Il vient de perdre le soutien de la CFE-CGC ce qui confirme que 5 syndicats sur 8 et environ 80 à 85 % de mouvement syndical est opposé a cette loi. Et voila même que le Medef qui prétendait qu’il n’y avait « plus rien » dans cette loi, exige que le gouvernement ne recule pas, ce qui est bien paradoxal. Le Medef perd son sang froid, Pierre Gattaz traitant les syndicalistes de « terroristes » et de « voyous »…

Le gouvernement est minoritaire au Parlement

Il est incapable de trouver une majorité à l’Assemblée nationale pour faire voter le projet de loi travail et utilise le 49.3. Comme le souligne le constitutionnaliste Dominique Rousseau « Le 49.3 n’a pas été inventé pour contrer l’opposition, mais bien pour contraindre la majorité à se mettre au service du gouvernement. C’est une forme d’écharnement thérapeutique de vouloir maintenir une majorité qui n’existe plus ».
C’était d’ailleurs la position de Manuel Valls, lors de la réforme constitutionnelle de 2008 puisqu’il avait signé un amendement affirmant : « Seuls des textes très particuliers, tels le projet de loi de finances ou le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, doivent pouvoir être adopté par la voie de l’article 49, alinéa 3. » Si l’amendement soutenu par le député Manuel Valls avait été adopté en 2008, le Premier ministre Manuel Valls n’aurait pas pu utiliser le 49.3 en 2016.

Un gouvernement responsable des blocages

C’est ce qu’affirmait, en 2010, à iTélé, le député Manuel Valls, lors de la mobilisation contre la retraite à 62 ans, alors que les mouvements sociaux dans les raffineries de pétrole et les blocages de dépôts de carburant se multipliaient : « Aujourd’hui, la situation de blocage est la démonstration que tout passage en force, l’absence de dialogue social dans une démocratie moderne, conduit à des situation comme celle que nous connaissons ». Il soulignait les mérites des centrales syndicales qu’il jugeait « extrêmement responsables ». Il ajoutait avec un sens de la prospective qui semble, aujourd’hui, lui faire complètement défaut, que cette absence de concertation se paierait dans les urnes en 2012. Là encore, on ne saurait dire mieux.

Le mouvement social perdure, se renforce

C’est la première fois qu’un mouvement social dure aussi longtemps et recueille un tel soutien, sans se traduire, pour l’instant du moins, par une grève générale ou qui se généralisait rapidement comme en 1936, 1968, 1995 ou 2006. Ceux qui font grève ou manifestent dans la durée, le font, comme le souligne la sociologue Danièle Linhart, parce qu’ils ne supportent plus « l’intensification du travail », « la fixation d’objectifs individuels de plus en plus élevés » …
79 % des ouvriers et des employés soutiennent la mobilisation sociale. Ils ont compris quel serait le recul inouï de leurs droits sociaux si le projet de loi El Khomri était adopté.
76 % des salariés du public soutiennent cette mobilisation. Ils ont des enfants, des parents, des proches qui travaillent dans les entreprises privées ou qui recherche un emploi. Ils savent très bien, aussi, qu’après le secteur privé, c’est le statut de la Fonction publique qui sera remis en cause. Ils ont très bien compris la fonction du rapport commandé par Valls qui affirme que les salariés du public travailleraient 15 jours de moins par an que ceux du privé.
Si tous ces salariés ne sont pas en grève et ne manifestent pas (même si, au total, 2 millions de personnes ont déjà participé aux différentes mobilisations), ce n’est pas parce qu’ils sont persuadés par les arguments du gouvernement et le matraquage des médias dominants. Lorsque la CFDT, la CFTC et le CE-CGC ont voulu manifester pour soutenir le cœur du projet de loi, l’inversion de la hiérarchie des normes, ils ont réuni quelques centaines de manifestants dans toute la France (1 000 fois moins que la CGT, FO, la FSU, Sud, l’UNEF, la FIDL et l’UNL, trois jours plus tard) et ils n’ont plus jamais récidivé, tant le désaveu de leurs propres adhérents avaient été retentissant.
Les salariés du privé et du public qui ne font pas grève agissent ainsi parce que faire grève coûte cher et que leur pouvoir d’achat, dans le meilleur des cas, stagne depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir. Ils ne font pas grève parce qu’ils ne sont pas sûrs que la grève peut l’emporter mais, si un jour ils finissent par s’en persuader, c’est à un véritable raz-de-marée que le gouvernement aura à faire face.

En sortir par le haut

Il ne faut pas s’y tromper, c’est le peuple de gauche qui manifestent ou qui soutient les mobilisations et les blocages. Le sondage IFOP indique que 88 % des sympathisants du Front de gauche soutiennent les mobilisations, 77 % des sympathisants d’EELV et 54 % de ceux du Parti socialiste, malgré la réduction accélérée du nombre des adhérents comme des sympathisants socialistes. 63 % de ceux qui avaient voté François Hollande au 1er tour de la présidentielle de 2012 soutiennent la mobilisation sociale.

À moins de vouloir à tout prix scier la branche sur laquelle ils sont assis, François Hollande et Manuel Valls doivent accepter de tout remettre à plat, en commençant par l’article 10 qui cherche à contourner les syndicats majoritaire au moyen de référendums d’entreprise, l’article 30 qui rend qui transforme les licenciements économiques en une simple formalité et l’article 2 qui inverse la « hiérarchie des normes » pour faire des accords d’entreprise (le lieu où les salariés sont les plus fragiles, les plus vulnérables au chantage à l’emploi), le centre du droit du travail.

filoche.net

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