Un gouvernement brutal
C’est François Hollande, lui-même, qui portait ce jugement en 2006,
lorsque le gouvernement Fillon essayait d’imposer le Contrat Première
Embauche (CPE), malgré la mobilisation de la jeunesse et des salariés.
Il déclarait devant l’Assemblée nationale : « Le 49-3 est une
brutalité, le 49.3 est un déni de démocratie, le 49.3 est une manière de
freiner ou d’empêcher le débat parlementaire. » On ne saurait mieux dire.
Le gouvernement est minoritaire dans le pays
Selon le dernier sondage IFOP (réalisé entre le 22 et le 25 mai,
c’est-à-dire après le début des blocages) 62 % des Français trouvent
justifiés les manifestations, les grèves, les blocages contre le projet
de loi El Khomri. Cela, malgré l’unanimité des médias dominants à ne
jamais parler des raisons de ces manifestations, grèves, blocages mais à
tout centrer sur les « violences ».
Si le gouvernement est aussi sûr qu’il le prétend d’être majoritaire
dans l’opinion, pourquoi n’organise-t-il pas un référendum sur la loi
Travail comme le préconise Jean-Claude Mailly, le secrétaire générale de
FO ?
Il vient de perdre le soutien de la CFE-CGC ce qui confirme que 5
syndicats sur 8 et environ 80 à 85 % de mouvement syndical est opposé a
cette loi. Et voila même que le Medef qui prétendait qu’il n’y avait
« plus rien » dans cette loi, exige que le gouvernement ne recule pas,
ce qui est bien paradoxal. Le Medef perd son sang froid, Pierre Gattaz
traitant les syndicalistes de « terroristes » et de « voyous »…
Le gouvernement est minoritaire au Parlement
Il est incapable de trouver une majorité à l’Assemblée nationale pour
faire voter le projet de loi travail et utilise le 49.3. Comme le
souligne le constitutionnaliste Dominique Rousseau « Le 49.3 n’a pas
été inventé pour contrer l’opposition, mais bien pour contraindre la
majorité à se mettre au service du gouvernement. C’est une forme
d’écharnement thérapeutique de vouloir maintenir une majorité qui
n’existe plus ».
C’était d’ailleurs la position de Manuel Valls, lors de la réforme
constitutionnelle de 2008 puisqu’il avait signé un amendement
affirmant : « Seuls des textes très particuliers, tels le projet de
loi de finances ou le projet de loi de financement de la Sécurité
sociale, doivent pouvoir être adopté par la voie de l’article 49, alinéa
3. » Si l’amendement soutenu par le député Manuel Valls avait été
adopté en 2008, le Premier ministre Manuel Valls n’aurait pas pu
utiliser le 49.3 en 2016.
Un gouvernement responsable des blocages
C’est ce qu’affirmait, en 2010, à iTélé, le député Manuel Valls, lors
de la mobilisation contre la retraite à 62 ans, alors que les
mouvements sociaux dans les raffineries de pétrole et les blocages de
dépôts de carburant se multipliaient : « Aujourd’hui, la situation
de blocage est la démonstration que tout passage en force, l’absence de
dialogue social dans une démocratie moderne, conduit à des situation
comme celle que nous connaissons ». Il soulignait les mérites des centrales syndicales qu’il jugeait « extrêmement responsables
». Il ajoutait avec un sens de la prospective qui semble, aujourd’hui,
lui faire complètement défaut, que cette absence de concertation se
paierait dans les urnes en 2012. Là encore, on ne saurait dire mieux.
Le mouvement social perdure, se renforce
C’est la première fois qu’un mouvement social dure aussi longtemps et
recueille un tel soutien, sans se traduire, pour l’instant du moins,
par une grève générale ou qui se généralisait rapidement comme en 1936,
1968, 1995 ou 2006. Ceux qui font grève ou manifestent dans la durée, le
font, comme le souligne la sociologue Danièle Linhart, parce qu’ils ne
supportent plus « l’intensification du travail », « la fixation d’objectifs individuels de plus en plus élevés » …
79 % des ouvriers et des employés soutiennent la mobilisation
sociale. Ils ont compris quel serait le recul inouï de leurs droits
sociaux si le projet de loi El Khomri était adopté.
76 % des salariés du public soutiennent cette mobilisation. Ils ont
des enfants, des parents, des proches qui travaillent dans les
entreprises privées ou qui recherche un emploi. Ils savent très bien,
aussi, qu’après le secteur privé, c’est le statut de la Fonction
publique qui sera remis en cause. Ils ont très bien compris la fonction
du rapport commandé par Valls qui affirme que les salariés du public
travailleraient 15 jours de moins par an que ceux du privé.
Si tous ces salariés ne sont pas en grève et ne manifestent pas (même
si, au total, 2 millions de personnes ont déjà participé aux
différentes mobilisations), ce n’est pas parce qu’ils sont persuadés par
les arguments du gouvernement et le matraquage des médias dominants.
Lorsque la CFDT, la CFTC et le CE-CGC ont voulu manifester pour soutenir
le cœur du projet de loi, l’inversion de la hiérarchie des normes, ils
ont réuni quelques centaines de manifestants dans toute la France (1 000
fois moins que la CGT, FO, la FSU, Sud, l’UNEF, la FIDL et l’UNL, trois
jours plus tard) et ils n’ont plus jamais récidivé, tant le désaveu de
leurs propres adhérents avaient été retentissant.
Les salariés du privé et du public qui ne font pas grève agissent
ainsi parce que faire grève coûte cher et que leur pouvoir d’achat, dans
le meilleur des cas, stagne depuis l’arrivée de François Hollande au
pouvoir. Ils ne font pas grève parce qu’ils ne sont pas sûrs que la
grève peut l’emporter mais, si un jour ils finissent par s’en persuader,
c’est à un véritable raz-de-marée que le gouvernement aura à faire
face.
En sortir par le haut
Il ne faut pas s’y tromper, c’est le peuple de gauche qui manifestent
ou qui soutient les mobilisations et les blocages. Le sondage IFOP
indique que 88 % des sympathisants du Front de gauche soutiennent les
mobilisations, 77 % des sympathisants d’EELV et 54 % de ceux du Parti
socialiste, malgré la réduction accélérée du nombre des adhérents comme
des sympathisants socialistes. 63 % de ceux qui avaient voté François
Hollande au 1er tour de la présidentielle de 2012 soutiennent la mobilisation sociale.
À moins de vouloir à tout prix scier la branche sur laquelle ils sont
assis, François Hollande et Manuel Valls doivent accepter de tout
remettre à plat, en commençant par l’article 10 qui cherche à contourner
les syndicats majoritaire au moyen de référendums d’entreprise,
l’article 30 qui rend qui transforme les licenciements économiques en
une simple formalité et l’article 2 qui inverse la « hiérarchie des
normes » pour faire des accords d’entreprise (le lieu où les salariés
sont les plus fragiles, les plus vulnérables au chantage à l’emploi), le
centre du droit du travail.
filoche.net
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