Avec inconscience ou avec d’inavouables arrière-pensées, on ne sait
pas. Toujours est-il que nombreux sont les médias qui, depuis le
massacre de Nice, donnent en exemple de résilience au terrorisme le «
modèle » israélien. Tous ne le font pas de la même façon. Rendons
justice au correspondant du Monde qui prend soin de rappeler le contexte
colonial du conflit israélo-palestinien. Mais, la plupart s’en tiennent
à une approche apparemment « technique ».
Les Echos, le JDD, France 2, France Inter (avec l’ex-porte parole de
l’armée israélienne), entre autres, suggèrent que la France devrait
s’inspirer d’Israël. On voit bien là toute l’ambiguïté du concept de
terrorisme. Que ce soit Daech, un psychotique alcoolique et délinquant,
ou un Palestinien dont on vient de détruire la maison et les terres
cultivables pour cause d’extension coloniale, c’est du pareil au même.
On retrouve là le discours colonial que l’on a bien connu pendant la
guerre d’Algérie quand les militants du FLN étaient tous des « terroristes ».
Inconsciemment ou non, les promoteurs du modèle israélien amalgament
une révolte violente contre une injustice, et des actes de terreur sans
cause immédiate. La révolte contre un État en infraction constante avec
le droit international peut bien sûr être condamnée quand elle est
aveugle et vise des innocents, mais la condamnation ne peut pas se faire
sans en rappeler le contexte politique et historique : la colonisation
massive à laquelle se livre le gouvernement israélien.
En Israël, l’antiterrorisme le plus efficace consisterait à cesser la
colonisation et à entamer une négociation pour la reconnaissance d’un
État palestinien souverain. Ce à quoi se refuse totalement Benyamin
Netanyahou. On ne peut pas s’émouvoir des conséquences quand on est
soi-même la cause.
Le discours pseudo-technique est également effrayant. On peut vanter
l’efficacité des barrières métalliques devant les abris bus dans les
rues de Jérusalem, mais il est plus difficile de faire l’éloge du « mur
», comme certains le font. Si cet édifice géant, qui atteint parfois
huit mètres de haut, est un obstacle à l’entrée de Palestiniens en
Israël, il est aussi et d’abord un instrument de colonisation qui
empiète massivement sur le territoire palestinien, isole les villages
des terres cultivables, et sert de prétexte à la destruction
d’habitations. Autrement dit, ce mur, présenté dans quelques uns de nos
médias comme un instrument de la lutte anti-terroriste, est surtout une
cause de révolte. Le « mur » symbolise à lui seul toute l’ambiguïté du modèle israélien d’anti-terrorisme.
Mais il y a pire. Les laudateurs du système israélien vantent, involontairement ou non, deux « techniques
» : les arrestations préventives et…les assassinats ciblés. Plus de
sept cents Palestiniens sont aujourd’hui détenus administratifs sans
jugement. Quant aux assassinats ciblés de simples suspects, ils sont
toujours une pratique courante de l’armée israélienne. En 2006, la Cour
suprême d’Israël en a autorisé la pratique « sous certaines conditions ».
Le plus grave se cache sous une formulation innocente : la « sensibilisation du grand public
». On touche là à quelque chose de beaucoup plus complexe qui a un
rapport étroit avec la propagande et le conditionnement de la
population. Et, pourquoi ne pas le dire, avec un racisme massif, qui
fait de tout Arabe un suspect sur lequel, au moindre geste inquiétant,
on aura droit de vie ou de mort.
Ce n’est pas par hasard si Israël a aujourd’hui le gouvernement le
plus à droite de son histoire. Et si son ministre des Affaires
étrangères, Avigdor Lieberman, est connu pour des propos tels que « ceux qui sont contre nous méritent d’être décapités à la hache ». « Contre nous », faut-il le préciser, cela veut dire contre la colonisation.
En France, les responsables politiques ou les médias qui prétendent
vouloir faire barrage au Front national font ainsi discrètement
l’apologie d’un gouvernement qui n’a vraiment rien à envier au Front
national. Un gouvernement qui veut évincer du Parlement les députés
arabes et qui organise la traque des organisations des droits de
l’homme. Il n’y a pas de mesures anti-terroristes qui ne mettent en
cause toute la conception d’une société.
Enfin, la référence à Israël est un véritable chiffon rouge quand on
sait que la question palestinienne reste la cause principale d’amertume
et de frustration du monde arabe. Ceux qui se livrent à ce jeu dangereux
peuvent-ils l’ignorer ?
politis.fr
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