Deux ans et demi après le refus-surprise du Parlement européen,
l’interdiction de la pêche au-delà de 800 mètres de profondeur a enfin
été actée, ce 30 juin, par un accord de la Commission, du Parlement et
du Conseil. Un article de notre partenaire le JDLE.
Quatre années de négociations intenses ont été nécessaires, depuis la
proposition de la Commission européenne en juillet 2012, pour que le
chalutage soit enfin interdit au-delà de 800 mètres de profondeur, dans
l’ensemble des eaux européennes.
Une fois n’est pas coutume, c’est un Etat membre (Le Luxembourg
assurait la présidence de l’UE jusqu’au 31 décembre 2015) qui a
réinscrit l’interdiction de ce type de pêche à l’agenda européen, alors
que le Parlement avait rejeté le principe en décembre 2013.
Le Conseil européen avait ensuite donné son feu vert le 6 novembre dernier,
permettant d’ouvrir les négociations en trilogue. L’accord trouvé
aujourd’hui dessine les contours du règlement européen sur la pêche
profonde, avec l’interdiction pure et simple comme principe.
Le succès des ONG
Cette victoire est surtout celle des ONG spécialisées dans la
protection des océans, comme Bloom ou Pew, qui se battent depuis 8 ans
pour que l’UE protège des chaluts profonds et des filets maillants de
fond ses écosystèmes des abysses.
« Cette réforme aurait pu être beaucoup plus ambitieuse si elle avait
été portée par un autre rapporteur. L’eurodéputée socialiste Isabelle
Thomas a bradé le règlement en acceptant, presque sans ciller, les
reculs proposés par les États membres, Espagne en tête », nuance Claire
Nouvian, directrice de Bloom.
L’ONG tient cette parlementaire pour responsable du refus du
Parlement européen d’interdire la pêche profonde en décembre 2013. Elle
est d’ailleurs marraine du lobby pour la pêche Blue fish.
À l’époque, les négociations avaient été relancées par d’autres
eurodéputés, dont Yannick Jadot pour Europe Ecologie-les Verts, Marielle
de Sarnez pour le Modem, et Younous Omarjee pour le parti communiste,
selon Bloom.
Les Espagnols hors des filets
La flotte de pêche espagnole compte 9.895 navires en 2014. C’est la
première de l’UE en capacité, avec 379.209 tonneaux de jauge brute.
Le texte de l’accord comporte en effet un recul majeur par rapport
aux dernières négociations. La zone frappée par l’interdiction est
réduite aux eaux de l’UE et à l’Atlantique du Centre-est, et ne touche
plus l’Atlantique du Nord-est, comme le souhaitait le Parlement. Cet
échec s’explique par le lobbying intense de l’Espagne, dont la flotte,
qui pêche surtout hors des eaux européennes, se trouve de facto exemptée
de toute contrainte.
Protection des écosystèmes vulnérables
À noter que le règlement sur la pêche profonde crée, outre le
principe d’interdiction au-delà de 800 m, un mécanisme juridiquement
contraignant de fermeture de zones dès qu’elles abritent des écosystèmes
vulnérables. « Cette mesure est très importante puisque les zones
pourront être fermées en se basant sur les cartographies prédictives des
scientifiques. Les observations sur le terrain sont en effet très
coûteuses, au minimum 25.000 euros par jour, ce qui limite les
investigations. Et les prédictions sur la vulnérabilité des écosystèmes,
calculée en fonction des courants et de la topographie des fonds,
s’avère très fiable », précise Claire Nouvian.
« Nous encourageons également l’UE à améliorer la protection des
écosystèmes profonds dans les eaux internationales et à fixer des
limites de capture ciblées et accessoires dans les eaux profondes de
l’Atlantique du Nord-est en tenant compte des données
scientifiques », réclame de son côté Matthew Gianni, représentant de la
Deep sea conservation coalition.
Autre nouveauté : le règlement impose des observateurs embarqués à
bord de 20% des navires, pour collecter des données. Ce qui est
supérieur à la moyenne habituelle (8%). C’est d’ailleurs sur ce point
qu’un précédent accord en trilogue avait échoué le 15 juin dernier.
De rares interdictions dans le monde
Les fonds des eaux de l’UE et d’une partie de l’Atlantique du
Centre-est s’ajoutent à une liste de zones dans le monde où la pêche
profonde est interdite. Une petite liste qui compte la région des Darwin
Mounds, et ses récifs coralliens, dans l’Atlantique du Nord-est, mais
aussi les eaux de Nouvelle-Calédonie, les abords des îles Madère,
Canaries et Açores, la Méditerranée, les eaux antarctiques
internationales. À l’avenir, les organisations régionales de gestion de
la pêche pourraient à leur tour entamer des négociations pour une
interdiction dans l’Atlantique du Nord-ouest (NAFO) ou dans l’Atlantique
du Nord-est (CPANE).
Le règlement final devrait être adopté par le Parlement et le Conseil
en novembre prochain. Dans le meilleur des cas, il pourrait s’appliquer
dès le 1er janvier 2017. Reste à savoir s’il s’appliquera alors aux
pêcheurs… britanniques.
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