La réforme discutée ce
mercredi en Conseil des ministres doit être appliquée à partir de
janvier 2018. Dès lors, l’impôt sur le revenu sera prélevé sur la fiche
de paie, et s’adaptera ainsi en temps réel aux revenus dans la plupart
des cas.
Le chantier du prélèvement à la source franchit une nouvelle étape. Le gouvernement présente, ce mercredi en Conseil des ministres, le projet de loi qui doit lancer la réforme. Fini le paiement de l’impôt avec un an de décalage par rapport aux revenus. À compter de janvier 2018, l’impôt sera retenu chaque mois sur la fiche de paie. Explications.
Quel est le principe ?
Aujourd’hui, les contribuables paient eux-mêmes, l’année N, leur
impôt sur les revenus de l’année N-1, en fonction de ce qu’ils ont
déclaré à l’administration fiscale. Avec le prélèvement à la source, qui
entre en vigueur au 1er janvier 2018, leur employeur (ou
caisse de retraite, Pôle Emploi…) retranchera directement de leur
salaire (ou de leur retraite ou allocations) l’impôt dû. Et se chargera
de le reverser à l’administration fiscale. Si ce revenu baisse ou
augmente au cours de l’année, le montant dû évoluera en conséquence. Une
façon d’adapter de façon immédiate l’impôt aux revenus. Par ailleurs,
le prélèvement s’effectuera sur les douze mois de l’année, contre
dix mois aujourd’hui pour les personnes mensualisées.
Pour les indépendants ou les revenus fonciers, la situation ne
changera pas : les personnes concernées devront toujours régler
elles-mêmes l’ardoise au fisc, sous forme d’acomptes mensuels ou
trimestriels. Mais ils correspondront, comme pour l’impôt des salariés,
aux revenus de l’année en cours et non plus à ceux de l’année passée. Et
«en cas de forte variation des revenus, précise Bercy, ces acomptes
pourront être actualisés à l’initiative du contribuable en cours
d’année, dans les mêmes conditions que le prélèvement à la source
applicable aux revenus versés par un tiers».
Comment va s’opérer la transition ?
Au printemps 2017, chaque contribuable déclarera, comme chaque année,
ses revenus de l’année précédente, en l’occurrence ceux de 2016. Bercy
calculera alors votre taux de prélèvement, qu’il vous communiquera (avec
votre avis d’imposition) durant l’été. Mais surtout - grosse nouveauté
-, il le transmettra également à votre employeur à l’automne. C’est ce
taux que ce dernier appliquera à votre salaire (ou pension, revenu de
remplacement…) de janvier 2018. Autrement dit, votre salaire sera amputé
du montant de l’impôt correspondant.
L’impôt pourra-t-il changer en cours d’année ?
Oui, et de trois façons. Tout d’abord, et comme on l’expliquait plus
haut, votre impôt augmentera (ou baissera) en temps réel, en fonction de
l’évolution de votre revenu chaque mois. Mais toujours avec le même
taux d’imposition. Or l’impôt sur le revenu est un impôt progressif :
son taux est d’autant plus fort que le revenu est élevé. Si votre
augmentation (ou votre baisse) de revenu est importante au point que
vous ayez l’impression que vous allez changer de taux, ou si votre
situation familiale évolue (naissance, divorce), vous pourrez alors, en
cours d’année, demander au fisc de le recalculer et de le transmettre à
l’employeur. Votre impôt augmentera ou baissera alors d’autant plus.
A défaut, ce taux sera réévalué chaque automne en fonction de la
déclaration de revenus de l’année N-1. Car malgré cette réforme, chaque
contribuable continuera, en effet, de déclarer au printemps ses revenus
de l’année précédente. Ce sera aussi l’occasion de régulariser, à la fin
de l’été, le trop (ou pas assez) versé de l’année passée, ou de prendre
en compte l’évolution de votre situation (mariage, enfant, crédit
d’impôt…), si vous ne l’avez pas fait en cours d’année.
Peut-on refuser la communication du taux d’imposition à l’employeur ?
Certains contribuables qui bénéficient, en plus de leur salaire, de
revenus du patrimoine importants ne souhaiteront pas forcément que leur
employeur connaisse leur taux d’imposition total : en effet, celui-ci
reflétera forcément des revenus plus élevés que leur seul salaire. Ces
personnes pourront alors opter pour un taux dit «neutre», ou standard,
proche du taux d’imposition d’un célibataire sans enfant, et sur le seul
salaire versé par l’employeur (0 % jusqu’à 1 361 euros de revenus par
mois, 7 % jusqu’à 2 000 euros…). À ces contribuables, ensuite, de régler
la différence directement à l’administration fiscale.
Même chose pour l’imposition des conjoints. Si, par exemple, ceux-ci
ont des revenus très différents, ils seront imposés au même taux (qui
sera la moyenne des deux situations). Une façon pour l’employeur de
deviner que tel salarié est marié à une conjointe qui touche de gros
revenus. Par souci de discrétion ou d’indépendance financière, et s’ils
en font la demande, ils pourront alors demander à être imposé à leur
propre taux, correspondant à leur salaire.
2017 sera-t-elle une année blanche ?
À Bercy, on refuse de parler d’année blanche pour 2017, terme qui
laisserait penser que les contribuables se verraient offrir une année
sans impôt. Et effectivement, il n’y aura pas d’année sans versement au
fisc : les ménages payeront en 2017 leur impôt sur les revenus de 2016
et en 2018 les impôts sur leurs revenus de 2018. Pour les petits malins
qui disposent de ce que l’on appelle des revenus « pilotables », comme un
patron salarié qui déciderait de s’augmenter fortement pour la seule
année 2017, non soumise à l’impôt, Bercy prévient : « Afin d’éviter
les abus, la loi prévoira des dispositions particulières pour que les
contribuables qui sont en capacité de le faire ne puissent pas majorer
artificiellement leurs revenus de l’année 2017.» Même chose pour les revenus exceptionnels (plus-values immobilières et mobilières) qui resteront imposées en 2018 « selon les modalités habituelles ». Quant aux réductions et crédits d’impôts acquis au titre de 2017, ils seront maintenus en 2018, et « seront versés au moment du solde de l’impôt à la fin de l’été 2018 ».
Cas de figure 1
Antoine et Mathilde, 35 et 40 ans, sont mariés. Tous les deux
salariés, ils déclarent respectivement 2 000 euros et 4 000 euros net de
salaire par mois.
Taux non-individualisés. Le couple décide d’être
imposé à un taux identique. Mathilde touche un salaire deux fois
supérieur à celui de son époux mais tous deux seront prélevés au même
taux de 11,3 %. Mathilde sera ponctionnée de 452 euros sur son salaire
et Antoine de 226 euros.
Taux individualiés. Antoine et Mathilde peuvent
aussi décider d’opter pour des taux différents correspondant à leurs
salaires individuels. Mathilde sera alors prélevée à un taux de 13,5 %
(soit 540 euros par mois) et Antoine à un taux de 6,9 % (138 euros par
mois).
Cas de figure 2
Arnaud, 24 ans, salarié, est graphiste dans une agence de com. Il
gagne 1 800 euros net par mois. En avril 2018, il est augmenté de
360 euros net, soit 20 % de son salaire.
Avant la réforme. Arnaud paie chaque mois 122 euros
d’impôt sur ses revenus. A la suite de son augmentation, ses mensualités
n’augmentent qu’en octobre 2019, avec 225 euros d’impôts à payer par
mois pendant trois mois.
Après la réforme. Arnaud est prélevé à la source au
taux de 5,7 %, soit 103 euros par mois (sur douze mois). Une fois
augmenté, son prélèvement progresse proportionnellement à 123 euros.
Pour limiter une régularisation fin 2019 liée cette fois-ci à la hausse
du taux, Arnaud peut aussi demander au fisc d’augmenter celui-ci à 7,1 %
dès 2018.
Cas de figure 3
Stéphanie, 25 ans, est une jeune active. Elle débute sa carrière en
tant que juriste dans une PME en janvier 2018, elle gagne 1900 euros net
par mois.
Avant la réforme. N’ayant pas travaillé en 2017,
Stéphanie ne paie donc pas d’impôt en 2018. Mais fin 2019, elle doit
payer ses impôts sur le revenu de l’année 2018, soit 1 486 euros sur
trois mois, d’octobre à décembre. L’équivalent de trois quarts de son
salaire.
Après la réforme. Stéphanie est directement prélevée
à la source dès son premier salaire 2018, à un taux par défaut de 7 %.
Ce taux étant légèrement supérieur à son « vrai » taux, elle sera
remboursée de 110 euros à la fin de l’été 2019. Au même moment, le taux
correspondant à sa situation sera transmis à son employeur.
liberation.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire