jeudi 4 août 2016

Prélèvement à la source : les réponses qui s’imposent

Le calendrier de l'imposition à la sourceLuc Peillon
  
La réforme discutée ce mercredi en Conseil des ministres doit être appliquée à partir de janvier 2018. Dès lors, l’impôt sur le revenu sera prélevé sur la fiche de paie, et s’adaptera ainsi en temps réel aux revenus dans la plupart des cas.


Le chantier du prélèvement à la source franchit une nouvelle étape. Le gouvernement présente, ce mercredi en Conseil des ministres, le projet de loi qui doit lancer la réforme. Fini le paiement de l’impôt avec un an de décalage par rapport aux revenus. À compter de janvier 2018, l’impôt sera retenu chaque mois sur la fiche de paie. Explications.

Quel est le principe ?

Aujourd’hui, les contribuables paient eux-mêmes, l’année N, leur impôt sur les revenus de l’année N-1, en fonction de ce qu’ils ont déclaré à l’administration fiscale. Avec le prélèvement à la source, qui entre en vigueur au 1er janvier 2018, leur employeur (ou caisse de retraite, Pôle Emploi…) retranchera directement de leur salaire (ou de leur retraite ou allocations) l’impôt dû. Et se chargera de le reverser à l’administration fiscale. Si ce revenu baisse ou augmente au cours de l’année, le montant dû évoluera en conséquence. Une façon d’adapter de façon immédiate l’impôt aux revenus. Par ailleurs, le prélèvement s’effectuera sur les douze mois de l’année, contre dix mois aujourd’hui pour les personnes mensualisées.
Pour les indépendants ou les revenus fonciers, la situation ne changera pas : les personnes concernées devront toujours régler elles-mêmes l’ardoise au fisc, sous forme d’acomptes mensuels ou trimestriels. Mais ils correspondront, comme pour l’impôt des salariés, aux revenus de l’année en cours et non plus à ceux de l’année passée. Et «en cas de forte variation des revenus, précise Bercy, ces acomptes pourront être actualisés à l’initiative du contribuable en cours d’année, dans les mêmes conditions que le prélèvement à la source applicable aux revenus versés par un tiers».

Comment va s’opérer la transition ?

Au printemps 2017, chaque contribuable déclarera, comme chaque année, ses revenus de l’année précédente, en l’occurrence ceux de 2016. Bercy calculera alors votre taux de prélèvement, qu’il vous communiquera (avec votre avis d’imposition) durant l’été. Mais surtout - grosse nouveauté -, il le transmettra également à votre employeur à l’automne. C’est ce taux que ce dernier appliquera à votre salaire (ou pension, revenu de remplacement…) de janvier 2018. Autrement dit, votre salaire sera amputé du montant de l’impôt correspondant.

L’impôt pourra-t-il changer en cours d’année ?

Oui, et de trois façons. Tout d’abord, et comme on l’expliquait plus haut, votre impôt augmentera (ou baissera) en temps réel, en fonction de l’évolution de votre revenu chaque mois. Mais toujours avec le même taux d’imposition. Or l’impôt sur le revenu est un impôt progressif : son taux est d’autant plus fort que le revenu est élevé. Si votre augmentation (ou votre baisse) de revenu est importante au point que vous ayez l’impression que vous allez changer de taux, ou si votre situation familiale évolue (naissance, divorce), vous pourrez alors, en cours d’année, demander au fisc de le recalculer et de le transmettre à l’employeur. Votre impôt augmentera ou baissera alors d’autant plus.
A défaut, ce taux sera réévalué chaque automne en fonction de la déclaration de revenus de l’année N-1. Car malgré cette réforme, chaque contribuable continuera, en effet, de déclarer au printemps ses revenus de l’année précédente. Ce sera aussi l’occasion de régulariser, à la fin de l’été, le trop (ou pas assez) versé de l’année passée, ou de prendre en compte l’évolution de votre situation (mariage, enfant, crédit d’impôt…), si vous ne l’avez pas fait en cours d’année.

Peut-on refuser la communication du taux d’imposition à l’employeur ?

Certains contribuables qui bénéficient, en plus de leur salaire, de revenus du patrimoine importants ne souhaiteront pas forcément que leur employeur connaisse leur taux d’imposition total : en effet, celui-ci reflétera forcément des revenus plus élevés que leur seul salaire. Ces personnes pourront alors opter pour un taux dit «neutre», ou standard, proche du taux d’imposition d’un célibataire sans enfant, et sur le seul salaire versé par l’employeur (0 % jusqu’à 1 361 euros de revenus par mois, 7 % jusqu’à 2 000 euros…). À ces contribuables, ensuite, de régler la différence directement à l’administration fiscale.
Même chose pour l’imposition des conjoints. Si, par exemple, ceux-ci ont des revenus très différents, ils seront imposés au même taux (qui sera la moyenne des deux situations). Une façon pour l’employeur de deviner que tel salarié est marié à une conjointe qui touche de gros revenus. Par souci de discrétion ou d’indépendance financière, et s’ils en font la demande, ils pourront alors demander à être imposé à leur propre taux, correspondant à leur salaire.

2017 sera-t-elle une année blanche ?

À Bercy, on refuse de parler d’année blanche pour 2017, terme qui laisserait penser que les contribuables se verraient offrir une année sans impôt. Et effectivement, il n’y aura pas d’année sans versement au fisc : les ménages payeront en 2017 leur impôt sur les revenus de 2016 et en 2018 les impôts sur leurs revenus de 2018. Pour les petits malins qui disposent de ce que l’on appelle des revenus « pilotables », comme un patron salarié qui déciderait de s’augmenter fortement pour la seule année 2017, non soumise à l’impôt, Bercy prévient : « Afin d’éviter les abus, la loi prévoira des dispositions particulières pour que les contribuables qui sont en capacité de le faire ne puissent pas majorer artificiellement leurs revenus de l’année 2017.» Même chose pour les revenus exceptionnels (plus-values immobilières et mobilières) qui resteront imposées en 2018 « selon les modalités habituelles ». Quant aux réductions et crédits d’impôts acquis au titre de 2017, ils seront maintenus en 2018, et « seront versés au moment du solde de l’impôt à la fin de l’été 2018 ».

Cas de figure 1

Antoine et Mathilde, 35 et 40 ans, sont mariés. Tous les deux salariés, ils déclarent respectivement 2 000 euros et 4 000 euros net de salaire par mois.
Taux non-individualisés. Le couple décide d’être imposé à un taux identique. Mathilde touche un salaire deux fois supérieur à celui de son époux mais tous deux seront prélevés au même taux de 11,3 %. Mathilde sera ponctionnée de 452 euros sur son salaire et Antoine de 226 euros.
Taux individualiés. Antoine et Mathilde peuvent aussi décider d’opter pour des taux différents correspondant à leurs salaires individuels. Mathilde sera alors prélevée à un taux de 13,5 % (soit 540 euros par mois) et Antoine à un taux de 6,9 % (138 euros par mois).

Cas de figure 2 

Arnaud, 24 ans, salarié, est graphiste dans une agence de com. Il gagne 1 800 euros net par mois. En avril 2018, il est augmenté de 360 euros net, soit 20 % de son salaire.
Avant la réforme. Arnaud paie chaque mois 122 euros d’impôt sur ses revenus. A la suite de son augmentation, ses mensualités n’augmentent qu’en octobre 2019, avec 225 euros d’impôts à payer par mois pendant trois mois.
Après la réforme. Arnaud est prélevé à la source au taux de 5,7 %, soit 103 euros par mois (sur douze mois). Une fois augmenté, son prélèvement progresse proportionnellement à 123 euros. Pour limiter une régularisation fin 2019 liée cette fois-ci à la hausse du taux, Arnaud peut aussi demander au fisc d’augmenter celui-ci à 7,1 % dès 2018.

 Cas de figure 3 

Stéphanie, 25 ans, est une jeune active. Elle débute sa carrière en tant que juriste dans une PME en janvier 2018, elle gagne 1900 euros net par mois.
Avant la réforme. N’ayant pas travaillé en 2017, Stéphanie ne paie donc pas d’impôt en 2018. Mais fin 2019, elle doit payer ses impôts sur le revenu de l’année 2018, soit 1 486 euros sur trois mois, d’octobre à décembre. L’équivalent de trois quarts de son salaire.
Après la réforme. Stéphanie est directement prélevée à la source dès son premier salaire 2018, à un taux par défaut de 7 %. Ce taux étant légèrement supérieur à son « vrai » taux, elle sera remboursée de 110 euros à la fin de l’été 2019. Au même moment, le taux correspondant à sa situation sera transmis à son employeur.

liberation.fr




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