« Complotisme, antisémitisme, propos abjects ». Pour condamner les
récentes déclarations de Jean-Frédéric Poisson, on n’y va pas avec le
dos de la cuillère.
Quelles horreurs le député français a-t-il bien pu
proférer pour susciter une telle avalanche d’insultes ? Incitation à la
haine raciale ? Accusation de meurtre rituel ? Apologie des SS ?
Heureusement, rien de tout cela. En fait, il a déclaré que « la
soumission de Mme Clinton aux super-financiers de Wall Street et aux
lobbies sionistes représentent un danger pour la France et l’Europe ».
Bigre. On frémit.
Les super-financiers de Wall Street ? Mme
Clinton les aime et ils le lui rendent bien. Lors d’une conférence à 650
000 dollars rémunérée par Goldman Sachs, elle avouait qu’elle se
sentait plus proche de son auditoire de banquiers que de la classe
moyenne américaine. Il est vrai, confessait-elle ingénument, qu’elle et
son mari ont amassé une fortune de plusieurs millions de dollars. Les
péquenots qui se lèvent tôt le matin et bossent dur pour rembourser
leurs prêts et payer les études de leurs enfants apprécieront.
Mais
peu importe. L’important, c’est de dire aux financiers ce qu’ils
veulent entendre et de faire ce qu’ils veulent qu’on fasse. Comme le
montre l’exemple de Goldman Sachs, la haute finance sait choisir son
camp. La banque aux 700 milliards d’encours s’est enrichie durant la
crise de 2008 en recyclant des créances pourries et en spéculant contre
certains de ses clients. Magnanime, l’administration Obama l’a blanchie
comme neige de ses turpitudes passées. Evidemment, un renvoi d’ascenseur
s’imposait.
Lors de la campagne pour sa réélection, en 2012, le
président-candidat n’a pas lésiné sur les moyens. Les dollars ont coulé à
flots. Pour remporter la Maison Blanche, une condition est requise : il
faut dépenser davantage que son adversaire. Barack Obama a donc
pulvérisé le record historique des dépenses de campagne avec 1,1
milliard de dollars. Résultat : il a été élu. Merci Wall Street ! Cette
lune de miel avec des démocrates aussi coopératifs, l’oligarchie
financière rêve désormais de la prolonger avec Mme Clinton.
À entendre ses discours martiaux, les affaires du complexe
militaro-industriel sont prometteuses si elle est élue. La finance
new-yorkaise entend bien en profiter. Elle soutient donc la candidate
démocrate, mieux placée que son adversaire un peu obtus pour lui offrir
de nouvelles opportunités de profit. Blanchi par Obama, le patron de
Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, devient alors un supporter enthousiaste
d’Hillary Clinton. Il a même interdit à ses 30 000 employés de soutenir
Donald Trump. Au club huppé des richissimes supporters d’Hillary,
Blankfein rejoint le magnat israélo-américain de la presse Haïm Saban,
l’un des principaux bailleurs de fonds de la caisse noire de la
candidate, la Fondation Clinton.
Les
lobbies sionistes, Hillary Clinton les connaît bien, eux aussi. Elle
sait ce qu’ils veulent entendre. Elle prononce les litanies habituelles
sur la « sécurité d’Israël » et « Jérusalem capitale éternelle », et les
donateurs de l’AIPAC sortent le carnet de chèques. Aux USA, personne ne
s’offusque de ce genre de transactions. C’est le pays du marché libre
et de la concurrence non faussée. Les votes s’achètent, les dons
affluent dans les caisses. Et une fois élus, les dirigeants du pays
renvoient l’ascenseur à leurs généreux bienfaiteurs. Contre le soutien
des lobbies sionistes, Mme Clinton a souvent fait la guerre. Et elle
continuera à la faire, une fois installée à la Maison Blanche, tout
simplement parce que ces lobbies l’exigent.
On se souvient
qu’Hillary Clinton avouait dans un fameux email les véritables motifs de
la guerre contre la Syrie : « La meilleure manière d’aider Israël à
gérer la capacité nucléaire grandissante de l’Iran est d’aider le peuple
syrien à renverser le régime de Bachar el-Assad ». La guerre contre la
Syrie, c’est une guerre pour Israël. À destination des incrédules qui
voient partout du « complotisme », c’est écrit noir sur blanc.
Comme le
souligne M. Poisson, cette « soumission aux lobbies sionistes est un
danger pour la France et l’Europe ». En semant le chaos au Moyen-Orient,
la politique américaine, en effet, a exposé le Vieux Continent au
terrorisme djihadiste. Elle a fait de cette région un trou noir de la
géopolitique mondiale, et l’Europe comme la France sont aux premières
loges. Allons, M. Poisson, taisez-vous !
Bruno Guigue | 23 octobre 2016
Bruno
Guigue, ex-haut fonctionnaire, analyste politique et chargé de cours à
l’Université de La Réunion. Il est l’auteur de cinq ouvrages, dont Aux origines du conflit israélo-arabe, L’invisible remords de l’Occident, L’Harmattan, 2002, et de centaines d’articles.
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