Avec un resserrement du blocus israélien de la bande de Gaza
restreignant la vie au quotidien pendant que les frappes aériennes
s’intensifient ainsi qu’une répression contre l’humanitaire, ses
habitants s’inquiètent de ce que l’avenir leur réserve.
Plus de deux années se sont écoulées l’opération « Bordure
protectrice », la plus récente et la plus dévastatrice des offensives
d’Israël contre les Palestiniens de la bande de Gaza. En surface, les
choses restent calmes – mais les développements inquiétants de ces
derniers mois laissent penser que le gouvernement israélien pourrait
bien préparer une nouvelle – et encore plus brutale – attaque contre
l’enclave.
Il y a trois tendances clairement identifiables en termes de changement dans la politique israélienne envers Gaza.
La première, en dépit d’une rhétorique à effet contraire, les aspects
du blocus illégal qui se poursuit se sont durcis. Cela inclut une « forte augmentation du nombre des obstacles sécuritaires imposés aux commerçants fin 2015 » tels que documentés par l’ONG israélienne Gisha. Depuis lors, « et avec une plus grande fréquence au cours des derniers mois », les Palestiniens se voient « refuser régulièrement » les autorisations de sortie.
En juillet, le quotidien israélien Ha’aretz décrivit comment « les
restrictions s’étaient renforcées pour les Palestiniens qui voulaient
sortir de la bande de Gaza et pour les importations autorisées vers le
territoire ». Ceci comprend, indique le journal, l’interdiction pour « certains hommes d’affaires d’importer leurs marchandises dans la bande de Gaza », pour des « raisons de sécurité », sans plus de précisions.
Plus tôt ce mois-ci, un dirigeant de premier plan de la Chambre de
commerce et d’industrie déclara que la situation présente allait être « la pire jamais connue ».
Les données venant des Nations-Unies confirment que le blocus s’est
resserré en juillet, alors qu’en août il n’y eut que 110 camions de
marchandises à sortir de Gaza, moins de la moitié du nombre de janvier,
et seulement 14 % des niveaux de 2005.
En avril, les Nations-Unies déclaraient que la mesure la plus urgente requise pour reconstruire Gaza restait « l’abolition
des restrictions (israéliennes) sur l’importation des matériaux de
construction, en allant vers une levée totale du blocus ».
Deuxième tendance, qui est liée, des mesures sévères ont été prises
par les autorités israéliennes contre les ONGs et les travailleurs
humanitaires opérant dans la bande de Gaza. L’exemple le plus visible en
est les arrestations et les poursuites judiciaires à l’encontre du
salarié de World Vision, Mohammad el-Halabi, et de l’ingénieur du PNUB
(Programme des Nations-Unies pour le développement), Waheed al-Bursh,
tous deux étant accusés de soutenir, à différents niveaux, le Hamas. Le
cas de Halabi, en particulier, souleva des inquiétudes ; l’acte
d’accusation allègue une conspiration invraisemblable avec des montants
qui n’ont aucun sens, il fut détenu sans avocat pendant trois semaines
et son procès se déroula entièrement à huis clos.
En septembre, le site Foreign Policy publia comment « de nombreux travailleurs humanitaires » pensent que ces dossiers « s’intègrent
dans une évolution politique plus vaste en Israël visant à étouffer le
travail humanitaire et la vie économique dans la bande de Gaza ». Pourtant, comme le notent les documents, « même
avant l’inculpation de Halabi, les ONGs disaient avoir le sentiment
d’une pression inattendue de la part des autorités israéliennes ». Les trois quarts des « employés expérimentés des ONGs et des agences des Nations-Unies » dirent, par le biais de Foreign Policy, qu’« il était devenu récemment plus difficile de travailler à Gaza ».
L’armée israélienne a frappé plusieurs positions du Hamas dans la
bande de Gaza après le tir d’une roquette depuis l’enclave palestinienne
sur une ville israélienne voisine.
La troisième tendance indiscutable de cette année est
l’intensification des attaques israéliennes contre les civils
palestiniens dans les « zones interdites » (les no-go zones), ou d’accès
limité (access restricted areas – ARA).
En avril-juin, par exemple, il y eut en moyenne plus de 90 incidents
de fusillades par mois à l’initiative des forces israéliennes (FDI) dans
les ARA, selon les informations des Nations-Unies – soit plus du double
des moyennes équivalentes pour les six derniers mois de 2015.
Commentant ce chiffre, un dirigeant des Nations-Unies affirma que « les victimes de ces fusillades quasi quotidiennes sont spécifiquement les agriculteurs, les pêcheurs, les enfants, et les manifestants ».
Ces attaques se produisent à la fois sur terre, près de la
clôture-frontière, et aussi en mer, où les pêcheurs palestiniens qui
travaillent dans les eaux territoriales de la bande de Gaza sont
fréquemment agressés, harcelés, et bloqués par les forces navales
israéliennes qui multiplient des restrictions imposées unilatéralement.
Citant le groupe de défense des droits de l’homme Al-Mezan, Reuters
rapporta récemment que 113 pêcheurs palestiniens avaient été incarcérés
par Israël cette année, nombre qu’il faut comparer avec les 41, pour la
même période, de 2015. Les détenus indiquèrent avoir été soumis à des
pressions par les forces israéliennes pour devenir des collaborateurs.
Dans ce contexte, les bulletins d’informations diffusés par l’armée
israélienne (via leurs fidèles sténographes connus comme correspondants
de presse pour la sécurité) méritent d’être notés. Le mois dernier, un
« officier de haut rang des FDI » déclara au Times d’Israël que Gaza courait à la catastrophe – mais que c’est la « dictature islamique » du Hamas, et non le blocus (qui n’est pas mentionné) qui est à blâmer pour le manque de matériaux pour la reconstruction. « Une éruption (de la violence) », prévint-il, « à notre avis, n’est juste qu’une question de temps ».
En attendant, la réponse d’Israël aux tirs sporadiques de roquettes
provenant de la bande de Gaza s’intensifie. En août, une seule roquette
tomba sur Sderot, lancée par un groupe salafiste, mais qui donna suite à
des dizaines de frappes aériennes israéliennes sur la bande de Gaza,
décrites par l’un des correspondants de la défense israélienne comme une
« escalade évidente ». Deux tirs séparés de roquettes
– une touchant Sderot sans faire de victimes et une autre tombant sur
un terrain vague -, les 5 et 6 octobre, provoquèrent de la même manière
de multiples attaques israéliennes sur des sites du Hamas. En réponse,
le Hamas lança l’avertissement qu’il ne resterait pas les bras croisés
si l’escalade d’Israël se poursuit.
Le 6 octobre, l’analyste israélien Amos Harel, dans un article où il
s’interroge sur la sagesse de la politique des frappes punitives
d’Israël, suggère que, « aussi longtemps que les frappes d’Israël ne tuent aucun civil palestinien, le Hamas peut se permettre de faire preuve de retenue ».
Le même jour, des médias israéliens laissent supposer qu’il pourrait y
avoir bientôt un retour aux exécutions extrajudiciaires – ou
« ciblées », à Gaza.
Retour en juin, un dirigeant israélien anonyme déclare que « la prochaine confrontation (dans la bande de Gaza) devrait être la dernière pour le régime du Hamas ».
On pense que cette personne n’est autre qu’Avigdor Lieberman, le
ministre de la Défense. Avec la pression qui ne fait qu’augmenter contre
Gaza, Israël cherche probablement à provoquer, petit à petit, une
offensive à grande échelle dont le but serait de liquider totalement le
Hamas.
Rappelons-nous comment les décisions prises par les autorités
israéliennes durant le premier semestre de 2014 – pour s’opposer au
gouvernement d’union palestinien et bloquer une solution pour les
salaires des agents de la fonction publique à Gaza – furent un élément
clé pour lancer l’ opération « Bordure protectrice ».
Un patron de presse israélien, Amos Shocken, a affirmé lors d’une interview l’année dernière, que « la
guerre (de 2014) avait éclaté parce qu’Israël avait acculé (le Hamas)
dans un coin, avec le siège et l’intolérable situation de la bande de
Gaza ». L’histoire est-elle en train de se répéter ?
Ben White est journaliste et l’auteur de trois livres sur la
Palestine, dont le plus récent est : « La guerre de Gaza de 2014 : 21
questions et réponses ».
Traduction : JPP pour l’Agence Média Palestine
Source : Trtworld.com
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