jeudi 20 octobre 2016

Les gens sont méchants avec moi

Olivier Cabanel        

Sarközi n’est pas content, il trouve les français injustes avec lui, et finalement il se demande ce qu’on peut bien lui reprocher, d’autant qu’il nous assure qu’il a encore changé ?

Bien sûr, il a échoué à faire baisser le chômage, et ce n’est pas faute d’avoir essayé... et puis son successeur n’a à peine fait mieux...
Du début à la fin de son mandat en 2012, le nombre de chômeurs a augmenté de 747 000, soit 35% d’augmentation. lien
Il avait pourtant affirmé : « depuis 25 ans, on vous dit que le plein emploi est impossible et que le chômage est une fatalité. Rien n’est plus faux ». lien
Bien sûr, il a fait exploser la dette, peut-être un peu plus que les autres, mais il fallait bien tenter quelque chose...et puis la dette n’est-elle pas mondiale ? Elle est aujourd’hui de 152 000 milliards de dollars. lien
Il avait pourtant promis : « je m’engage à ramener la dette en dessous des 60% du PIB d’ici 2012 ».
Bien sûr, il a nommé des ministres souvent dénués de compétences, si l’on songe à Roselyne Bachelot qui a gaspillé des millions pour des vaccins inutiles...à François Fillon qui s’est contenté de faire le gros dos afin de conserver sa place, de Christine Boutin, l’anti PACS catho intégriste, de David Douillet, roi de la gaffe et pourfendeur de la langue française et de quelques autres. lien
Bien sûr il est coupable d’avoir stigmatisé les Roms, les Arabes, les immigrés, d’avoir libéré une parole raciste, mais il n’est pas le seul dans ce cas...
C’est bien pourtant celui qui défend aujourd’hui une « France de Gaulois » qui avait déclaré auparavant : « j’aime cette France de toutes les couleurs et de toutes les religions ou s’entremêlent tant d’histoires, de souvenirs, et de cultures. J’aime cette France de la diversité, des différences et des mélanges »... suivra le ministère de l’identité nationale. lien
Bien sûr, il est coupable d’avoir trahi ses amis et proches plusieurs fois, mais la trahison n’est-elle pas la raison d’être de la politique ?
Bien sûr, il est coupable d’avoir changé d’idée comme une pirouette folle, mais que celui qui n’a jamais changé d’avis lui jette la 1ère pierre.
Bien sûr il est coupable d’avoir embauché un conseiller fleuron de l’extrême droite, ce qu’il regrette cruellement aujourd’hui depuis que ce dernier a publié un livre à charge. lien
Bien sûr, il est coupable d’avoir entrainé ses amis vers une droitisation dangereuse de son parti, mais il fallait bien tenter de capter les voix des électeurs Front National...
Sur le chapitre « droits de l’homme » il voulait « être le président d’une France qui se sente solidaire de tous les proscrits, de tous les enfants qui souffrent, de toutes les femmes martyrisées, de tous ceux qui sont menacés de mort par les dictatures et par les fanatismes », ce qui ne l’a pas empêché de recevoir un dictateur sanguinaire avec les honneurs, et d’aller conforter la quasi-totalité des dictatures du monde. lien
Bien sûr, il est coupable d’avoir entrainé la Libye dans le chaos, sans rien anticiper, sans créer les conditions de l’installation d’une authentique démocratie, sans imaginer que cela entraînerait le chaos Syrien par la suite.
Un rapport britannique récent expliquait les véritables motivations françaises qui ont conduit à l’action militaire en Libye sous la présidence Sarközi. lien
D’autres vont plus loin, comme Médiapart, affirmant preuves à l’appui, que le dictateur libyen aurait financé la campagne présidentielle de Sarközi, et que la mort de Kadhafi permettait d’effacer cette vilaine dette. lien
Il s’agit tout de même de 50 millions d’euros...
Quant à son slogan « travailler plus pour gagner plus », il a fait long feu, les français cherchant seulement à travailler tout court. Et la loi sur le travail le dimanche, votée à l’été 2009, n’a servi à rien, sinon à fragiliser un peu plus le commerce de proximité.
Les séniors, à qui il avait fait la promesse : « on doit garder les quinquagénaires dans les entreprises  », ont du rapidement déchanter, 60% d’entre eux ont été précarisés en quelques jours, menacés d’être radiés du chômage après 2 refus d’emploi.
Lui qui déclarait : « je ne pense pas qu’il y ait matière à beaucoup d’économies dans la santé  », à créées des le 1er janvier 2008 de nouvelles franchises médicales sur le dos des patients, augmentant par la même occasion le forfait hospitalier, et de nombreux déremboursements. lien
Bien sûr, on peut lui reprocher d’avoir le culte de l’argent, mais comme disait Jacques Séguéla, « si tu n’as pas une Rolex à 50 ans, c’est que tu as raté ta vie ». lien
On peut aussi lui reprocher des bafouillages dont il avait le secret et qui resteront longtemps dans les mémoires. vidéo
Bien sûr, on peut lui reprocher d’avoir fraudé son budget aux élections présidentielles, déclarant en avoir dépensé  21 millions, alors que, s’il faut en croire Jérôme Lavrilleux, son ancien directeur adjoint de campagne, il aurait plutôt voisiné les 50 millions, le seuil autorisé étant de 22.509 millions. lien
Bien sûr, il est coupable d’avoir faussé l’arbitrage en faveur de Tapie, d’avoir trempé dans beaucoup d’autres affaires louches, certaines ayant bénéficié d’un non lieu, d’autres toujours en cours. lien
Coupable aussi d’avoir tout fait pour retarder l’action de la justice, d’avoir menti à plusieurs reprises, d’avoir gâché les 5 ans de son mandat sans rien faire finalement de concret, d’avoir masqué ses échecs les mettant sur le compte d’autres, d’avoir beaucoup promis, et de n’avoir pas tenu grand chose...
Les promesses non tenues de l’ex-président pourraient justifier à elles seules une épaisse publication.
Il voulait favoriser le développement des pays pauvres, affirmant respecter l’Afrique...déclarant plus tard « qu’elle n’était pas assez entré dans l’histoire »...il avait promis de soutenir l’agriculture...les paysans attendent encore...il avait juré « aider les familles à chacune des étapes de leur existence »...il avait annoncé sa volonté que les allocations chômage ne soit pas inférieure au SMIC...promis aussi qu’il mettrait en œuvre un grand plan Marshall pour les banlieues « pour qu’aucun ne soit laissé de côté, pour que chacun ait un emploi  »...il avait aussi déclaré : « je n’accepte pas (...) que le travail salarié et l’esprit d’entreprise soient bafoués par les rémunérations et les privilèges excessifs que s’octroie une toute petite minorité de patrons (...) je n’accepte pas qu’on joue avec les salariés et les usines comme on déplace des pions sur un jeu de société »...lien
Lui qui s’était proposé de « créer des classes de 15 élèves maximum dans les collèges et les lycées  » réduira pendant son mandat le nombre de salariés dans l’enseignement de 80 000. lien
Lui qui avait affirmé que « le développement durable (...) était une urgence, une nécessité », dira plus tard : « l’environnement, ça commence à bien faire  », et la catastrophe de Fukushima ne lui empêchera pas de continuer de défendre « l’exception nucléaire française  », refusant tout débat sur ses risques.
Tout comme Hollande, Sarközi multipliera des déclarations indignées contre les « patrons voyous, les banquiers irresponsables, les traders sans morale », affirmant qu’il allait supprimer les paradis fiscaux.
On sait ce qu’il en a été...
Le même évoquait, s’il était élu « un gouvernement limité à 15 ministres  », or le gouvernement ira jusqu’à compter 40 membres, augmentant de 400 le nombre de collaborateurs dans les cabinets ministériels. lien
Sur la question des prisons, rien de nouveau sous le soleil, et alors qu’il avait promis 6 milliards d’euros d’investissement pour 70 000 places supplémentaires au printemps 2011, les records de surpopulation seront dépassés mois après mois. lien
En fin de compte, lui qui avait affirmé, après son échec de 2012 : « j’arrête définitivement la politique » (lien) est de nouveau candidat pour 2017, prouvant définitivement qu’il n’est pas capable de tenir parole...mais n’est-ce pas le lot de nombre de nos élus ?
Le premier débat entre les candidats LR vient tout juste d’avoir lieu, et il ne comprend pas pourquoi sa cote reste si modeste...d’autant que lors de son dernier mandat, il avait déjà mis la barre encore plus à droite.
Or, pour les 7 candidats de la primaire LR c’est à qui se positionnera le plus à droite possible. Comme Hollande, une fois élu, s’est découvert des vertus socio-démocrates, il ne reste plus grand monde à gauche pour occuper l’espace politique.
Quant aux frontistes, ils se font discrets, réussissant par une savante manœuvre a se faire passer pour les défenseurs du pauvre, du paysan et de l’ouvrier, et prennent furtivement leurs distances avec les élus d’extrême droite, comme Robert Ménard, par exemple, lorsqu’ils franchissent allègrement la ligne rouge, en placardant dans la bonne ville de Béziers des affiches racistes.
Comment s’étonner dès lors du désamour profond des français pour la politique ?

Comme dit mon vieil ami africain : « à quoi sert la lumière du soleil si on garde les yeux fermés ?  ».

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