Sur
le papier, la partie est belle : l’armée irakienne, appuyée par une
force internationale cornaquée par les Etats-Unis – au total plus de
40.000 combattants – part à la conquête de Mossoul, prise au printemps
2014 par Daech, et devenue le centre du « califat », le grand projet
d’Abou Bakr Al-Baghdadi, avec sans doute 5000 combattants. Si Mossoul
tombe, Daech sera irrémédiablement atteint dans sa volonté de tenir un
territoire.
Oki... mais les difficultés sont aussitôt là.
1/ Une coalition minée par les divisions
La
coalition n’est unie qu’en apparence, et encore... Les forces
irakiennes sont au premier plan, avec l’appui de milices irakiennes qui
sont chiites, kurdes et arabes, toutes rivales entre elles. Bagdad reste
un régime faible face à Téhéran, Ankara et Damas, qui veillent
scrupuleusement à ce qui va se passer, vu l’impact sur leur propre
sécurité. Ajoutez les Etats-Unis, en second plan sur le terrain, mais au
premier pour le commandement, ces Etats-Unis haïs par la population
irakienne pour avoir détruit leur pays.
2/ La population civile exposée comme jamais
Mossoul
est une ville peuplée, sans doute 1,5 million d’habitants. Daech s’y
est maintenu par la terreur, mais le groupe n’aurait pas pu contrôler
une telle ville sans compter sur de solides appuis locaux. Daech se
prépare depuis 2014 à cette offensive, et dans cette bataille vitale
pour lui, il conduira la guerre sans aucune loi. Les populations civiles
sont exposées aux plus grands des dangers. Moscou n’a pu s’empêcher de
mettre en garde la coalition : attention à ne pas commettre de crimes de
guerre…
3/ Un repli vers la Syrie ?
Ecraser
Daech ou le laisser fuir ? La Syrie n’est qu’à 100 km, et devant un
siège qui se prolongerait, avec cette population civile en otage, qui
peut éliminer une solution par une fuite des forces vives de Daech vers
la Syrie, et tant pis pour le peuple syrien ?
4/ Des djihadistes de retour
Des
milliers de djihadistes dans la nature… C’est l’une des conséquences,
et elle n’est pas la moindre. Les djihadistes – ceux de Mossoul et ceux
qui seraient largués par la chute de Mossoul – se répandant à travers
les contrées, et revenant dans leurs pays d’origine, expérimentés et
prêts à tout pour la vengeance… Un prix à payer pour la chute de
Mossoul.
5/ Le scénario noir
Que
deviendra Mossoul ? Une ville irakienne, reprenant sa place d’une
grande région irakienne, certes... On peut rêver : ce n’est qu’une vue
de l’esprit. Cette ville très diverse est majoritairement arabe sunnite,
et Mossoul ne serait pas tombée dans les mains de Daech sans un rejet
massif par les populations du régime de Bagdad. Le
scénario noir, c’est une population civile sacrifiée, Daech qui finit
par fuir en Syrie, et la reprise de la guerre des clans à Mossoul. La
guerre illégale par laquelle les Etats-Unis ont fracassé l’Irak joue
comme une bombe à fragmentation, et je vois qu’on ne demande toujours
pas de comptes au premier responsable.
Hier,
nos glorieuses télés passaient en boucle les images des engins
militaires avançant dans la beauté des terres irakiennes, berceau de
notre humanité depuis les bords du Tigre, le drapeau irakien au vent,
avec des commentaires débiles, du genre « Ça va pas être facile, les
p'tits gars, mais faut le faire... »
L'impunité des criminels, la gloriole sanguinaire, des morts à venir par milliers… De quoi pleurer…
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