jeudi 20 octobre 2016

Mossoul : La bataille de tous les dangers

5784793lpw-5793359-jpg_3846545.jpgGilles Devers

Sur le papier, la partie est belle : l’armée irakienne, appuyée par une force internationale cornaquée par les Etats-Unis – au total plus de 40.000 combattants – part à la conquête de Mossoul, prise au printemps 2014 par Daech, et devenue le centre du « califat », le grand projet d’Abou Bakr Al-Baghdadi, avec sans doute 5000 combattants. Si Mossoul tombe, Daech sera irrémédiablement atteint dans sa volonté de tenir un territoire.

Oki... mais les difficultés sont aussitôt là.

1/ Une coalition minée par les divisions 
La coalition n’est unie qu’en apparence, et encore... Les forces irakiennes sont au premier plan, avec l’appui de milices irakiennes qui sont chiites, kurdes et arabes, toutes rivales entre elles. Bagdad reste un régime faible face à Téhéran, Ankara et Damas, qui veillent scrupuleusement à ce qui va se passer, vu l’impact sur leur propre sécurité. Ajoutez les Etats-Unis, en second plan sur le terrain, mais au premier pour le commandement, ces Etats-Unis haïs par la population irakienne pour avoir détruit leur pays.
2/ La population civile exposée comme jamais 
Mossoul est une ville peuplée, sans doute 1,5 million d’habitants. Daech s’y est maintenu par la terreur, mais le groupe n’aurait pas pu contrôler une telle ville sans compter sur de solides appuis locaux. Daech se prépare depuis 2014 à cette offensive, et dans cette bataille vitale pour lui, il conduira la guerre sans aucune loi. Les populations civiles sont exposées aux plus grands des dangers. Moscou n’a pu s’empêcher de mettre en garde la coalition : attention à ne pas commettre de crimes de guerre…
3/ Un repli vers la Syrie ? 
Ecraser Daech ou le laisser fuir ? La Syrie n’est qu’à 100 km, et devant un siège qui se prolongerait, avec cette population civile en otage, qui peut éliminer une solution par une fuite des forces vives de Daech vers la Syrie, et tant pis pour le peuple syrien ?
4/ Des djihadistes de retour 
Des milliers de djihadistes dans la nature… C’est l’une des conséquences, et elle n’est pas la moindre. Les djihadistes – ceux de Mossoul et ceux qui seraient largués par la chute de Mossoul – se répandant à travers les contrées, et revenant dans leurs pays d’origine, expérimentés et prêts à tout pour la vengeance… Un prix à payer pour la chute de Mossoul.
5/ Le scénario noir
Que deviendra Mossoul ? Une ville irakienne, reprenant sa place d’une grande région irakienne, certes... On peut rêver : ce n’est qu’une vue de l’esprit. Cette ville très diverse est majoritairement arabe sunnite, et Mossoul ne serait pas tombée dans les mains de Daech sans un rejet massif par les populations du régime de Bagdad. Le scénario noir, c’est une population civile sacrifiée, Daech qui finit par fuir en Syrie, et la reprise de la guerre des clans à Mossoul. La guerre illégale par laquelle les Etats-Unis ont fracassé l’Irak joue comme une bombe à fragmentation, et je vois qu’on ne demande toujours pas de comptes au premier responsable.

Hier, nos glorieuses télés passaient en boucle les images des engins militaires avançant dans la beauté des terres irakiennes, berceau de notre humanité depuis les bords du Tigre, le drapeau irakien au vent, avec des commentaires débiles, du genre « Ça va pas être facile, les p'tits gars, mais faut le faire... »
L'impunité des criminels, la gloriole sanguinaire, des morts à venir par milliers… De quoi pleurer…


Aucun commentaire: