Deux millions de personnes manifestent aux
USA pour défendre les droits des femmes et protester contre l’élection
du nouveau président.
Comme on est aux États-Unis, les stars du
show-bizz sont promues en porte-parole de ce vaste mouvement populaire.
De loin la plus éloquente, Madonna a annoncé clairement la couleur.
Cette manif, elle nous le dit, c’est celle du bien contre le mal.
« Le bien n’a pas gagné à cette élection,
mais le bien finira par l’emporter » a-t-elle déclaré, faisant allusion
à l’élection présidentielle américaine. Coiffée d’un bonnet noir, elle a
accueilli la foule par ces mots : « Êtes-vous prêts à secouer le
monde ? Bienvenue à la révolution de l’amour ! » (Les Inrocks,
22/01/2017).
Banco pour « la révolution de l’amour », bien sûr, mais quel est ce
« bien », au juste, qui aurait perdu cette élection ? Vaincue le 8
novembre, Hillary Clinton en serait-elle l’incarnation ? Un ange blanc,
cette secrétaire d’État qui planifia la destruction de la Libye, pays où
la condition des femmes était la plus avancée du continent africain ?
Un modèle de vertu féministe, cette criminelle de guerre qui ordonna le
massacre de 30 000 Libyens, dont plusieurs milliers de femmes ? Une
référence morale pour la lutte en faveur de l’égalité, cette
politicienne corrompue qui reçut dix millions de dollars d’une monarchie
obscurantiste où l’on décapite les femmes adultères ?
Dans la gauche féministe américaine on pardonne plus facilement la dévastation d’un pays africain que des paroles salaces
Le plus cocasse, c’est que les manifestantes de Washington,
lorsqu’elles applaudissent Madonna à tout rompre, ne voient même pas que
leur combat est détourné au profit de ceux pour qui la critique du
nouveau président vaut quitus pour l’ancien. Deux millions de
protestataires dans les grandes villes américaines ? Beau palmarès. Mais
combien de victimes écrasées sous les bombes US dans les pays pauvres
sous le président sortant ? À chacun son record ! Avec une moyenne de 72
bombes par jour lancées sur sept pays, le Prix Nobel de la Guerre, Barack
Obama, est champion hors catégorie.
Combien de manifestants des deux sexes, aux USA, contre l’enfer
déchaîné en Libye ou contre la guerre par proxys djihadistes en Syrie ?
Fort peu. Dans la gauche féministe américaine, on pardonne plus
facilement la dévastation d’un pays africain que des paroles salaces. On
fait preuve d’une indulgence notable pour le bombardement meurtrier de
populations civiles, mais on hurle d’indignation contre les propos
graveleux d’un Donald Trump. On accuse le nouveau président de racisme,
mais on ne trouve que des vertus à une secrétaire d’État qui a gloussé
de plaisir devant le cadavre mutilé d’un chef d’État arabe en
s’exclamant : « We came, we saw, he died ».
Cette échelle de valeurs, au fond, n’est pas nouvelle. Cette foule
est ardente à se mobiliser pour ses droits individuels (parfaitement
légitimes), mais elle se moque éperdument du sort des peuples victimes
d’un impérialisme dont elle est complice. Peu importe qu’Obama et
Clinton aient semé le chaos dans le reste du monde, le progressiste des
deux sexes se met au service du capitalisme le plus rapace s’il pense
que c’est dans son intérêt. Brailler dans les rues contre
Trump-le-méchant, pour la pseudo-gauche, est un exercice qui a des
vertus cathartiques. Il permet de se refaire une bonne conscience à
moindres frais, sur le dos des autres, en se lavant des saletés
accumulées d’une présidence indigne.
On penchera plutôt pour la schizophrénie
On dira évidemment que ce tableau est exagéré et qu’on y mélange
tout, la lutte féministe et la politique étrangère. Mais c’est l’une des
porte-parole du mouvement qui fait ce rapprochement, sans se rendre
compte, peut-être, de l’énormité de ce qu’elle dit. Une fois de plus,
écoutons les stars du show-bizz. « Nous continuerons à nous soulever
jusqu’à ce que nos voix soient entendues, jusqu’à ce que la sécurité de
la planète ne soit plus reportée, jusqu’à ce que nos bombes arrêtent de
tomber sur d’autres terres, jusqu’à ce que notre dollar soit le même que
le dollar des hommes ! » a scandé Alicia Keys.
Magnifique envolée ! Comment résister à un appel aussi vibrant ? Sauf
que la jeune chanteuse fut l’une des supportrices les plus
enthousiastes d’Hillary Clinton durant la campagne présidentielle, et
qu’on aurait aimé l’entendre sur les bombardements sanglants ordonnés
par son idole.
Amnésie ? J’en doute. Bêtise, hypocrisie ? Un peu des
deux, sans doute, mais on penchera plutôt pour la schizophrénie.
Chez
Alicia Keys, il faut croire qu’il y a un lobe du cerveau qui réprouve
les bombardements et un autre qui les approuve lorsque les bombes sont
made in USA.
Le Yéti
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