On ne peut pas blâmer les Démocrates américains de tenter, par tous les
moyens, de masquer la portée de leur échec en l’attribuant à toutes
sortes de motifs, même les plus fantaisistes. La pilule est certes
amère. Toutefois, la part la plus intéressante de cette hystérie
collective est le phénomène d’auto-persuasion qui en est le moteur et
que la plupart des grands médias du pays alimentent.
L’argument numéro un des perdants est la faillite du système
électoral et, en particulier, le fait que la candidate démocrate,
Hillary Clinton, a remporté le scrutin populaire. C’est oublier que la
situation, même si elle n’est pas commune, s’est produite à quatre
reprises au cours de l’Histoire des Etats-Unis, et qu’elle ne constitue
pas de difficulté particulière aux termes de la Constitution. De plus,
le 115ème congrès, sorti des urnes le 8 novembre 2016 et en fonction
depuis le 3 janvier 2017, a vu 52% des électeurs voter pour les
Républicains au Sénat et 55% à la Chambre des représentants. Il n’y a
donc aucune anomalie dans les élections de 2016 de ce point de vue.
Le second argument est celui du piratage informatique à grande
échelle des élections, sur ordre du président russe Vladimir Poutine,
afin de faciliter l’élection de Donald J. Trump. Là encore, l’idée ne
tient pas debout. Aucune trace de défaillance dans le nombre limité de
votes électroniques aux élections n’a été décelée. Les services du
renseignement américain, en dépit de leur conviction affichée selon
lesquelles il existe un indice « haut » de confiance dans le fait qu’il y
a eu piratage, ne sont pas tenus de produire le moindre élément de
preuve au public, puisque de telles informations sont par essence
classées « secret défense ». Il faut donc les croire sur parole.
Poussés par ceux qui demeurent sceptiques sur la manière dont on s’y
prend pour influencer le résultat d’une élection par des moyens
électroniques, des experts affirment, par dizaines, que le régime russe a
répandu de « fausses informations » à grande échelle afin de porter
atteinte à l’image de la candidate Hillary Clinton. Les mêmes sont
incapables d’expliquer concrètement comment l’on s’y prend et pourquoi
il faut des « hackers » pour influencer les esprits dans leur choix lors
d’un vote.
Une mauvaise candidate
Hillary Clinton n’a eu besoin ni de Vladimir Poutine, ni de Julien
Assange et encore moins de « pirates » pour perdre les élections de
2016. Ce ne sont pas de prétendues « fausses » informations qui ont
heurté sa réputation déjà bien entamée auprès de nombreux électeurs
américains, par exemple, dans l’affaire des emails, mais au contraire,
son refus obstiné de prendre cette affaire au sérieux et de répondre aux
interrogations. On ne voit pas, non plus, quelles « fausses »
informations ont poussé l’électorat noir américain à se sous-mobiliser
lors du vote du 8 novembre, ou les femmes et les plus jeunes à bouder sa
candidature, après la défaite de Bernie Sanders lors des primaires
démocrates.
Hillary Clinton, dont l’ambition n’est pas éteinte par la défaite, a
affiché un visage froid, autoritaire et cassant, durant sa campagne.
Elle n’a pas su développer un programme à la fois lisible et crédible,
qui aurait pu emporter un vote, à la fois populaire et du collège
électoral, si tranché qu’il n’y aurait eu aucune contestation. Comment,
en effet, se revendiquer de l’héritage de Barack Obama, lorsque cet
héritage peine à brandir autre chose que l’Obamacare, dont même les
démocrates savent qu’il n’est pas financé au-delà de 2017 et coûte, en
réalité, une fortune au regard des bénéfices qu’il apporte ?
Mensonges et déni
Car au-delà de cette loi sur la santé qui n’est en rien un système
généreux et égalitaire tel qu’on le pense du côté des Européens, c’est
le vide. Même si le Secrétaire d’Etat John Kerry blâme ces derniers
jours le gouvernement anglais, prétendant qu’il est à l’origine de
l’incapacité d’Obama à agir plus concrètement et durablement au
Moyen-Orient contre l’état islamique, la mémoire de tous est par chance
encore assez fraîche pour se souvenir que les huit années de ce
président ont été celles d’une grande hypocrisie diplomatique et
militaire. Mais le déni, dans ce domaine comme dans bien d’autres, est
plus puissant que la mémoire.
Les âmes sensibles sont outrées par l’idée de construire un mur à la
frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. On a beau leur montrer les
mille kilomètres de ce mur déjà construit, y compris sous le premier
mandat d’Obama, cela n’a guère d’effet et n’entraîne aucune
interrogation sur les raisons pour lesquelles le bon président n’en n’a
pas retiré une seule pierre.
Un autre exemple est celui de la crise financière de 2008 et du
retour au « plein emploi » huit ans plus tard : quel président n’aurait
point réussi ce « prodige » en creusant le déficit de son pays, comme
Barack Obama l’a fait, de près de 5000 milliards de dollars ?
La période 2008-2016 n’a pas non plus été celle de législations
majeures en matière d’armes à feu, d’incarcérations, de recul de la
peine de mort, de maîtrise des frais de scolarité ou de gestion des
prêts étudiants parvenus à des hauteurs astronomiques.
Quel est donc ce succès dont les Démocrates se revendiquent au juste ?
Est-ce celui des villes défigurées sous les coups de boutoir du géant
Amazon, à la fois propriétaire du puissant Washington Post et
importateur massif de toutes les chinoiseries possibles qui inondent un
marché américain ou l’on ne sait plus fabriquer une chaussette ?
Est-celui de Saint Zuckerberg, le jeune patron de Facebook, “le” média
des “millénaires” qui ne savent plus à quoi ressemble un livre et qui
entre désormais en politique avec de hautes ambitions ? Est-ce celui du
mariage gay et de la dépénalisation du cannabis, hautes priorités s’il
en est dans un monde où tout le monde se fout des 250 000 morts du Sud
Soudan, bien moins “sexy” que ceux de Syrie?
Quel héritage Obama ?
Alors, que reste t-il de cet héritage Obama, au juste ? Une posture,
bien évidemment. Après George W. Bush et le mensonge irakien, n’importe
quel président aurait été auréolé de gloire. On attendait d’Obama,
toutefois, un peu plus qu’un physique avenant, un talent rhétorique et
l’humour dont il a tant usé. Car c’est à ce que laisse un président que
l’on mesure son impact, pas à sa performance sur la scène du pouvoir.
L’Amérique n’est pas plus sympathique dans le monde qu’elle ne l’était
avant son arrivée, ni plus sûre, ni plus égalitaire. Mais elle a la
chance d’être un pays pragmatique : en ramenant au pouvoir, contre toute
attente, les Républicains, elle a flanqué une gifle magistrale aux
« progressistes » qui se croyaient tout permis. Elle ne l’a pas fait par
folie ou par irresponsabilité mais parce qu’elle a confiance dans la
capacité de ses institutions à « encaisser » ce type de choix
démocratique, si perturbant soit-il pour des milieux qui s’estiment
mieux éduqués et éclairés que les autres.
On appelle cela l’alternance,
une banalité que les Démocrates veulent aujourd’hui faire passer pour un
scandale et une catastrophe. Cherchez l’erreur.
Source : Marianne
Photo : Sur les 3145 kilomètres de frontière entre le Mexique et les Etats-Unis,
un tiers est déjà protégé par un mur, la poursuite de sa construction
étant gelée depuis 2010, en particulier pour des raisons
environnementales.
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