En Cisjordanie, les Palestiniens s’inquiètent pour leurs terres. Nada
Mahmoud Youssef, 75 ans, raconte son quotidien, encerclée par des colons
de plus en plus puissants.
Nada Mahmoud Youssef sourit beaucoup, mais ses yeux restent inquiets.
La septuagénaire a toujours habité le village de Qusra. Cette petite
localité du nord de la Cisjordanie, proche de Naplouse, compte environ 5
300 habitants. La région est réputée pour ses terres arables. Les
terrains, souvent escarpés, y ont vu des générations de bergers faire
paître leurs chèvres et leurs moutons. Mais depuis la fin des années
1990, le paysage de Qusra et des villages alentour a beaucoup changé.
Aujourd’hui, côté poulailler comme côté salon, les fenêtres de Nada
donnent sur des colonies israéliennes où 4 000 habitations « sauvages »
ont été légalisées la semaine dernière.
Violence omniprésente
La ferme de Nada, à l’extrémité sud de Qusra, fait face à l’une de
ces implantations israéliennes. Esh Kodesh a été fondée en 2000.
Aujourd’hui, plus d’une centaine de personnes y vivent. Nada se
souvient : « Quand la première caravane d’Esh Kodesh est arrivée, on
savait déjà que c’était mauvais signe, mais on ne pouvait rien faire,
puisqu’étant agriculteurs, nous ne pouvions pas quitter nos terres ! »
La vie est devenue compliquée : l’accès aux terres est limité par
l’armée israélienne et la violence est omniprésente. Les colons, dont
certains cultivent la vigne sur des terres appartenant à des
propriétaires palestiniens, ont harcelé la ferme des dizaines de fois. À
plusieurs reprises, ils ont jeté des bombes lacrymogènes sur la maison
et la fumée a contaminé le lait qui venait d’être collecté. Plus grave
encore, son mari a été agressé physiquement plusieurs fois.
Toute la famille craint qu’un des petits-enfants ne soit attaqué sur
la route en venant voir leurs grands parents. Nada a même quitté la
maison pendant quelques semaines à l’été 2015, après l’incendie par des
colons d’une maison de Duma, un village voisin, causant la mort d’un
couple et de son bébé. « Je n’ai pas peur de mourir, mais pas brûlée
vive ! » , s’écrie-t-elle. Avant de revenir, elle a obtenu de son mari
qu’il fixe une autre rangée de pics aux entrées de la maison. Première
Urgence Internationale, une ONG de défense des victimes de conflit à
travers le monde, suit la ferme des Mahmoud Youssef. En 2011, elle a
construit un muret pour la protéger de ce type d’attaques.
« On se sent
moins vulnérable, mais au bout du compte, on finira par devoir partir,
conclut Nada. Qui sait ? Demain peut-être ! »
Ouest France via AFPS
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire