Le rétablissement du droit à la retraite à 60 ans avec 40 annuités de
cotisation est récurrent dans mes discours. Ce fut le cas une fois de
plus à Brest.
J’y reviens.
J’insiste : la question du droit à la retraite n’est pas
une affaire secondaire dans l’élection qui vient. Il y a tout lieu
d’être mobilisés sur cette question. Les trois derniers quinquennats
forment une seule et même vague régressive dans ce domaine. Et ce alors
même que les candidats n’en avait rien dit avant l’élection.
En 2003, la réforme Fillon a allongé la durée de cotisations de 37,5 à
41 ans pour les fonctionnaires et de 40 à 41 pour les salariés du
privé. En 2010, la deuxième réforme Fillon a supprimé la retraite à 60
ans et reporté l’âge de départ à 62 ans. Et, en 2013, la réforme
Hollande-Tourraine a encore allongé la durée de cotisation de 41 à 43
ans. Deux de mes concurrents étaient à ce moment-là ministre et
secrétaire-général adjoint de l’Elysée. Les deux ont précisé leur
position en cours de campagne. Le premier a dit qu’il ne toucherait pas à
la situation actuelle et a donc confirmé le régime à 43 annuité et 62
ans pour partir. Le second, avec ses formules volontairement
incompréhensibles sur France 2, a opté pour une mesure radicale : la
retraite par point. La fin du régime des retraites par répartition
emballé dans une formule « pour chaque euro cotisé, le même droit » ! Je
vais y revenir.
Ce n’est pas le seul qui ait précisé sa menace avant l’élection.
Raison de plus de se méfier. Le plus brutal est évidemment François
Fillon. Après avoir été le premier liquidateur des droits à la retraite
depuis 10 ans, il veut remettre cela. Il ne propose rien de moins que
d’obliger tout le monde à travailler trois ans de plus. Il veut ainsi
porter l’âge légal de départ de 62 à 65 ans ! Ce serait même 70 ans pour
pouvoir partir sans décote lorsqu’on n’a pas toutes ses années de
cotisations !
Pourtant, son bilan est déjà catastrophique. Car l’un des principaux
effets de la réforme Fillon de 2010 supprimant la retraite à 60 ans aura
été… d’augmenter le chômage des personnes âgées de 60 ans ! C’est que
montre une étude du Ministère des affaires sociales d’octobre 2016. Sa
direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des
statistiques (DREES) a calculé que désormais, « près d’une personne sur trois n’est ni en emploi, ni à la retraite aux alentours des 60 ans
» ! Elles sont soit au chômage soit en invalidité ! Et on compte
désormais dix fois plus de chômeurs de plus de 60 ans aujourd’hui que du
temps de la retraite à 60 ans.
Ce n’est pas tout ! Cette affaire a un coût humain supplémentaire !
Le Ministère des affaires sociales estime que la réforme Fillon aura
fait exploser le nombre d’invalides. Il y en aurait près 150 000 de plus
qu’il ne devrait y en avoir aux conditions antérieures ! Evidemment il y
a aussi un coût financier : 1,2 à 1,5 milliards d’euros supplémentaires
servis en pensions d’invalidité ! Sans oublier 80 000 personnes aux
minimas sociaux de plus pour un coût de 600 millions d’euros
supplémentaires. Voila le bilan de Fillon : vider les caisses de
l’invalidité, du chômage et des minimas sociaux pour espérer remplumer
celles des retraites ! Une politique de gribouille qui a pour premier
effet d’augmenter la misère et l’injustice pour ceux privés du droit au
départ à la retraite à 60 ans.
Emmanuel Macron est plus sournois. Mais pas moins menaçant pour
autant. Déjà dans l’Obs en novembre dernier, il envisageait à haute voix
la retraite à 67 ans : « certains veulent la prendre à 60 ans,
d’autres à 65 ans, d’autres encore à 67. Il faut pouvoir moduler selon
les individus et les situations ». Dans Le Parisien de ce
jeudi 2 mars, il dit finalement ne pas vouloir toucher à l’âge légal de
départ. C’est donc d’abord qu’il garde la retraite à 62 ans comme
Hollande. En plus, il ne s’engage pas à ne pas allonger la durée de
cotisation au-delà des 43 ans. Il explique même que c’est « la vraie question ». Et il annonce une « réforme structurelle
». Il n’utilise pas le mot mais sa proposition ressemble fort à la
retraite par points. C’est-à-dire un système où le montant de votre
retraite ne dépend pas du montant de votre salaire mais de la valeur du «
point » au moment où vous partez. Je résume à grands traits.
Premièrement, vous cumulez vos points au cours de votre carrière.
Deuxièmement, la valeur du point varie d’une année sur l’autre selon le
nombre de cotisants, de partants à la retraite, le déficit ou l’excédent
des caisses de retraites etc. Qu’il y ait beaucoup de partants en
retraite l’année où vous partez et votre retraite risque d’être amputée
par la baisse de la valeur du « point ».
La fourberie n’est pas que chez Macron. Elle est évidemment aussi
chez Le Pen. Officiellement, Mme Le Pen copie notre proposition de
retraite à 60 ans avec 40 années de cotisation. Mais chaque fois qu’elle
s’exprime sur le sujet, elle ouvre la porte à des « sacrifices »
supplémentaire et prépare les esprits à son futur reniement. J’ai déjà eu l’occasion de le dire sur ce blog.
Je l’ai redit à France2. Mme Le Pen a pu compter sur ses avocats M.
Lenglet et Mme Salamé pour continuer de faire croire qu’elle défend les
salariés. On a même vu Mme Salamé mettre en doute la citation que je
faisais des propos de Mme Le Pen. Revoici donc la citation exacte : « Si
des sacrifices doivent être demandées aux Français, alors il faudra
leur demander des sacrifices en matière d’allongement de la durée du
travail, quand toutes les autres économies auront été faites ». Et
comme Mme Salamé laissait entendre que c’était un propos ancien que je
citais, je donne à présent la référence qui me manquait lors de
l’émission. Mme Le Pen a tenu ces propos sur Europe1 et Itélé, le 13
février 2017, une semaine après avoir présenté son programme
présidentiel et dix jours seulement avant que Mme Salamé ne la défende
sur le service public. Mme Salamé faisait pourtant comme si elle était
certaine de son propos. Honnêteté intellectuelle, quand tu nous tiens !
Enfin, je ne peux finir sans dire un mot du candidat du PS. Lui non
plus ne veut pas rétablir la retraite à 60 ans. Il l’a dit explicitement
le 25 janvier dernier lors du débat de l’entre-deux tours de la
primaire PS sur TF1 et France2. La question de la journaliste était très
simple : « Revenez-vous sur l’âge légal du départ à la retraite qui est de 62 ans ?
». La réponse des deux finalistes a été très claire: « non ». Mes
facétieux camarades ont retrouvé la vidéo d’un échange entre lui et moi
dans une manifestation de 2010 contre la réforme Fillon. Il affirmait
alors catégoriquement que le PS restait pour la retraite à 60 ans.
Hollande ne l’a pas rétablie en 2012. Le candidat y a donc
officiellement renoncé en direct sur TF1 il y a un mois. Vous voilà
prévenus.
J’ai aussi entendu que la retraite à 62 ans et avec 43 annuités de
cotisations serait une moindre souffrance du fait de l’instauration du
compte pénibilité inventé par Hollande. Ce compte est une arnaque. Il
faut travailler 25 ans sur un métier pénible pour avoir le droit de
cotiser seulement deux ans de moins avant de partir à la retraite.
C’est-à-dire qu’en 2035, si on a travaillé 25 ans sur un métier pénible,
on pourra partir avec 41 ans de cotisation. C’est-à-dire qu’on pourra
partir avec la même durée de cotisation qui était exigée en 2012 avant
que Hollande n’allonge la durée de cotisation à 43 ans ! Et ceux qui
n’auront pas toutes leurs cotisations ne pourront toujours pas partir à
60 ans, même avec une décote !
Sur la retraite, mieux vaut s’en tenir à des choses claires et
simples qu’inventer des usines à gaz pour accompagner des régressions.
Ceux qui veulent la retraite à 60 ans et la réduction du nombre d’année
de cotisation exigées de 43 à 40 annuités savent qu’ils peuvent vraiment
compter sur le bulletin de vote à mon nom.
Jean-Luc Mélenchon
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