Parmi ses propositions économiques et sociales, Emmanuel Macron suggère
de "nationaliser" l'assurance chômage et de l'ouvrir aux non salariés.
En vérité, il s'agit surtout d'instituer une allocation chômage
universelle a minima.
Haro sur le système actuel d'assurance chômage ! Dans l'entretien qu'il a accordé au quotidien Les Echos,
Emmanuel Macron a confirmé ses propos déjà tenus en décembre 2016 sur
sa volonté de réformer de fond en comble tout le système d'assurance
chômage qui sera nationalisé car il souhaite « que la gouvernance soit publique ». Exit donc les partenaires sociaux, créateurs de l'Unedic - l'organisme paritaire qui gère l'assurance chômage - en 1958.
L'idée du candidat à la présidentielle est d'aller « vers
une assurance chômage universelle (...). J'ai par exemple proposé que
le bénéfice des droits à l'indemnisation soit ouvert à tous ceux qui
démissionnent de leur entreprise, ainsi qu'aux indépendants, aux
professions libérales et aux entrepreneurs ».
Un peu plus loin, il déclare également souhaiter que ce droit « soit ouvert aux artisans, aux commerçants et aux agriculteurs ».
L'allocation chômage financée par une hausse de la CSG
Et
pour financer tout cela, Emmanuel Macron suggère de supprimer la
cotisation sociale salariale d'assurance chômage (2,4% du salaire brut)
compensée par une augmentation de la CSG. Selon l'entourage de l'ancien
ministre de l'Economie, cette hausse de la CSG pourrait être de l'ordre
de 1,7 point. On notera que, curieusement, le candidat n'évoque pas la
cotisation patronale d'assurance chômage (4%) qui resterait donc due, a
priori.
La proposition d'Emmanuel Macron pose plusieurs questions
et va nécessiter des clarifications car elle contient quelques
contradictions.
Tout d'abord, il va falloir que le candidat
affine ses calculs sur le financement de son dispositif qu'il ouvre très
largement à toutes les catégories de la population. En effet,
actuellement, alors que seuls les salariés du privé sont concernés,
l'assurance chômage représente déjà une dépense annuelle supérieure à 30
milliards d'euros. Ce coût sera donc mathématiquement supérieur si on
ouvre le système à d'autres populations. Augmenter la CSG de 1,7 point
peut se révéler un peu juste, sachant qu'un point de CSG représente
environ 11 milliards d'euros. Sauf à admettre immédiatement que le
nouveau système sera moins " généreux ". Emmanuel Macron, à ce stade, s'en
garde bien...
Ensuite, la proposition d'Emmanuel Macron signifie
en réalité la mort de l'assurance chômage telle qu'elle est conçue
aujourd'hui, remplacée par une allocation chômage minimale universelle.
En effet, vouloir financer les allocations chômage par l'impôt (en
l'occurrence la CSG, considérée comme un impôt par le Conseil
constitutionnel), c'est-à-dire par l'ensemble de la population, qui n'en
bénéficierait pas toujours - les retraités et les fonctionnaires par
exemple -, constituerait un bouleversement majeur.
En fait, dans
l'esprit d'Emmanuel Macron, il s'agit surtout, via cette nouvelle
allocation, d'assurer une sorte de filet de sécurité à l'ensemble de la
population active (salariés, commerçants, indépendants, etc.), financé
par la solidarité nationale. Un changement total de paradigme. On
passerait d'une logique assurantielle - le modèle bismarckien- à un
principe de solidarité : beaucoup plus de gens sont couverts mais
reçoivent alors une allocation nettement plus faible. Il s'agit de la
fameuse philosophie de Lord Beveridge, c'est d'ailleurs celle qui est
toujours en œuvre au Royaume Uni, où les allocations chômage sont
uniformes. À partir de 25 ans, un chômeur touche jusqu'à 73,10 livres par semaine, quel que soit son revenu antérieur.
C'est
cette logique beveredgienne et anglo-saxonne que veut manifestement
promouvoir Emmanuel Macron. Présentant sa proposition politique comme du
pouvoir d'achat supplémentaire pour les salariés, le candidat
« oublie » au passage d'en décrire les conséquences. Certes, dans
l'entretien aux Echos, il se défend de vouloir démonter le système. Il
explique même que les paramètres de l'indemnisation ne seraient pas
modifiés : « ni la durée ni les montants ». Mais quelques lignes plus tard, il semble signifier le contraire en affirmant : « Nous sortons réellement d'un système assurantiel ou chacun se dit « j'ai cotisé, j'ai droit à être indemnisé ».
La fin de la notion d'assurance
De
fait, actuellement, en France, à la différence d'autres pays européens,
le système d'indemnisation du chômage est en partie basé sur la notion
« d'assurance », d'où l'appellation «Assurance chômage» qui, comme son nom
l'indique, garantit une prestation résultant du niveau de contribution
fixé par la cotisation. C'est même pour cette raison que le plafond
d'indemnisation du chômage - qui est régulièrement montré du doigt dans
le débat public car jugé exorbitant - est plus élevé que dans d'autres
pays. On peut en effet percevoir une allocation allant jusqu'à... 7.183
euros brut par mois (seuls 1.440 allocataires sont toutefois concernés).
Effectivement, les allocations sont versées sur la base de 4 fois le
plafond mensuel de la Sécurité sociale (13.076 euros en 2017), lorsque
l'on a cotisé à hauteur de ce plafond ! Et, de fait, quelques cadres
supérieurs cotisent à l'assurance chômage parfois jusqu'à ce plafond.
Ils attendent donc une prestation équivalente en retour, en toute
logique assurantielle.
Respect des déficits publics limités à 3% du PIB
Avec
le « plan » d'Emmanuel Macron, ce ne serait plus le cas, puisque
l'allocation chômage ne serait plus financée par la cotisation salariale
assurance chômage. Donc, bien qu'il s'en défende, le revenu de
remplacement et la durée d'indemnisation seront modifiés car n'étant
plus définis par les mêmes paramètres. Et on peut faire le pari qu'une
indemnisation chômage contrôlée par l'Etat sera nettement moins
généreuse que l'actuelle, sous contrôle des partenaires sociaux
(patronat et syndicats).
Certes, dans son entretien, Emmanuel
Macron n'y fait guère allusion. Mais, lorsqu'il était encore à Bercy, il
avait explicitement réclamé un retour rapide à l'équilibre de l'Unedic
qui perd actuellement environ 4 milliards d'euros par et qui « traîne »
une dette cumulée de 30 milliards d'euros.
Or, le candidat Macron s'est
engagé à respecter le critère de Maastricht de limiter les déficits
publics sous la barre des 3% du PIB. Et la dette de l'Unedic fait partie
intégrante des déficits publics pris en compte pour le respect de ce
critère des 3%. Ceci explique cela...
La Tribune via Les Crises
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