dimanche 9 avril 2017

Déchets nucléaires : les approches opposées de l’Allemagne et de la France

Victor Ayoli           

Le problème des déchets de l'industrie nucléaire déchaine des passions aussi bien en France qu'en Allemagne. Chez nos voisins – qui sont en pleine transition énergétique, avec l'arrêt progressif de toutes les centrales - le parlement fédéral a établi des règles : le choix d'un site de stockage des déchets nucléaires sera scientifique et sa recherche s'étendra jusqu'à 2030. 

La ministre de l'environnement allemand a été sans ambigüité : « Les déchets nucléaire doivent être tenus hors de l'environnement pendant un million d'année. Ce qui montre de manière explicite à quel point le recours à l'énergie nucléaire a été une erreur. »
Les lieux de stockage actuels sont en piètre état. Un des principaux centres de stockage du pays, « Asse II », en Basse-Saxe, a du être évacué : en 2008, la presse allemande révélait la pénétration de près de 12 000 litres d’eau par jour dans la roche saline, ayant provoqué des effondrements de galeries. Des barils seraient même endommagés.
Mais c’est surtout l’ancienne mine de sel de Gorleben, également en Basse-Saxe et longtemps considérée comme le site de stockage idéal, qui cristallise les passions. Cette petite commune de 634 habitants située dans le nord-est de l’Allemagne est devenue le symbole même de la lutte anti-nucléaire, des militants campants même sur les voies ferrées amenant les déchets. C'est une véritable poudrière politique que l’actuel gouvernement veut neutraliser avec son projet de loi.
En cas de problèmes, les déchets doivent pouvoir être récupérés sur une durée de 500 ans. Le gouvernement estime à 2000 le nombre de « castors », ces conteneurs spéciaux devant être stockés. Mais personne n'en veut…
En France, le puissant lobby des nucléo-nuisibles sévit avec d'autant plus de virulence que leur cause recule dans l'opinion. Ainsi la justice a débouté jeudi en appel les antinucléaires qui demandaient la condamnation de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. Ces associations demandaient à la justice civile de condamner l'Andra pour avoir dissimulé et sous-estimé la présence d’une nappe phréatique présentant un intérêt particulier pour la géothermie. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) exclut en effet ce genre d’action en France lorsque cela peut représenter un intérêt particulier pour la géothermie. Jeudi, la cour a pourtant confirmé le premier jugement et estimé que les demandes de ces collectifs étaient bien recevables, mais les a déboutées car « l'examen attentif de leur argumentation ne permet pas de caractériser contre l'Andra la moindre faute. » Une victoire pour l'Agence nationale empêtrée dans de nombreuses procédures engagées par les opposants à son projet. Ceux-ci ne s’interdisent pas dans un avenir proche de saisir la Cour de cassation pour obtenir gain de cause.
Contrairement à ce qui se passe maintenant en Allemagne (recherche d'un site sur le strict critère scientifique), chez nous les nucléocrates n’ont pas choisi le site de Bure sur le critère technique de sa structure géologique, ce qui aurait été au moins scientifiquement honnête, mais sur un critère « d’acceptabilité par la population » ! Une population, ou plutôt des élus, des collectivités locales achetées à grands coups de subventions.
Le pognon – le nôtre ! - coule à flot dans le milieu nucléaire. La première estimation du projet de Bure, d’environ 15 milliards d’euros, a fait l’objet d’une « actualisation suite à l’approfondissement du travail technique ». La Cour des Comptes jugeait elle de son côté, dès 2009, que le coût pourrait atteindre près de 35 milliards d’euros. Bonjour la fiabilité !
La nocivité des nucléocrates se retrouve aussi dans un rapport publié par l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologique), officine chargé d’informer le Parlement, qui préconise le stockage géologique profond, la valorisation et le recyclage des déchets radioactifs. Un rapport très favorable aux grands acteurs industriels du secteur.
Ce nouveau rapport de l’OPECST propose de "récupérer les matières énergétiques présentes dans les combustibles usés" pour les réutiliser, à court terme, dans les ERP, les réacteurs à eau pressurisée, dont le parc naturel actuel est doté. Ou, à long terme, de les recycler dans de nouveaux types de réacteur dits "à neutrons rapides". Ce qui implique évidemment l'abandon de la sortie du nucléaire...
Les ONG qui militent contre l’utilisation de l’atome dénoncent la partialité des deux députés ayant piloté sa rédaction, le député PS Christian Bataille et le sénateur UDI Christian Namy. Bataille, on le connaît bien, c'est le fer de lance du lobby nucléaire. Estampillé "nucléocrate" par l’ONG Sortir du nucléaire, il est à l’origine de la loi de 1991, une nouvelle fois votée en 2006, sur les déchets radioactifs. Il a organisé des colloques à l’Assemblée sponsorisés par… Areva, le spécialiste du combustible et du retraitement des déchets nucléaires, BNFL, son concurrent britannique, ou encore l’ANDRA, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs ! Bonjour l'impartialité ! Tiens, au fait, il vient de rejoindre le clan des Macroniens...
Bure, késako ? Il s’agit de créer un centre de stockage des déchets atomiques résultant de l’activité des centrales électronucléaires. Pour ce faire, l’ANDRA (l’organisme en charge de cette réalisation) doit creuser dans le sous-sol argileux de Bure (petite localité de Lorraine) des puits d’accès, des galeries de circulation et des loges où seront entreposés pour des millénaires et des millénaires des conteneurs d’acier emplis des déchets nucléaires vitrifiés. À charge pour l’Andra de faire en sorte que ce stockage soit réversible, c’est-à-dire que – si l’avancement de la science le permet dans l’avenir – ces colis soient récupérables ! Ce qui n’est pas évident comme l’a montré un incendie dans une installation similaire aux États-Unis…
Bure, 93 habitants… C'est dans ce petit village de l'Est que l’État envisage de créer cette poubelle nucléaire. Poubelle où seront stockés – si le projet voit le jour - jusqu’à 80 000 m3 de déchets radioactifs ayant une durée de vie estimée entre quelques milliers d’années et plusieurs centaines de milliers d’années. Ces "colis" seront enfouis dans des couches d’argile, à 500 mètres sous terre, pendant au moins 120 ans. S'ils ne représenteront que 0,2 % du volume des déchets nucléaires produits, ils concentreront 98 % de la radioactivité émise par ces résidus.
Rien d'équivalent n'existe dans le monde. En Allemagne, ça vire au désastre. Aux États-Unis, c'est pareil avec les déboires à Yucca Mountains.

Au fait, ces déchets, où sont-ils actuellement ? Les plus radioactifs d'entre eux se trouvent à La Hague, Marcoule et Cadarache. Dans de simples bidons métalliques…

Sources :

agoravox.fr

Aucun commentaire: