Le problème des déchets de l'industrie nucléaire déchaine des
passions aussi bien en France qu'en Allemagne. Chez nos voisins – qui
sont en pleine transition énergétique, avec l'arrêt progressif de toutes
les centrales - le parlement fédéral a établi des règles : le choix
d'un site de stockage des déchets nucléaires sera scientifique et sa
recherche s'étendra jusqu'à 2030.
La ministre de l'environnement allemand a été sans ambigüité :
« Les déchets nucléaire doivent être tenus hors de l'environnement
pendant un million d'année. Ce qui montre de manière explicite à quel
point le recours à l'énergie nucléaire a été une erreur. »
Les lieux de stockage actuels sont en piètre état. Un des principaux
centres de stockage du pays, « Asse II », en Basse-Saxe, a du être
évacué : en 2008, la presse allemande révélait la pénétration de près
de 12 000 litres d’eau par jour dans la roche saline, ayant provoqué des
effondrements de galeries. Des barils seraient même endommagés.
Mais c’est surtout l’ancienne mine de sel de Gorleben, également en
Basse-Saxe et longtemps considérée comme le site de stockage idéal, qui
cristallise les passions. Cette petite commune de 634 habitants située
dans le nord-est de l’Allemagne est devenue le symbole même de la lutte
anti-nucléaire, des militants campants même sur les voies ferrées
amenant les déchets. C'est une véritable poudrière politique que
l’actuel gouvernement veut neutraliser avec son projet de loi.
En cas de problèmes, les déchets doivent pouvoir être récupérés sur
une durée de 500 ans. Le gouvernement estime à 2000 le nombre de
« castors », ces conteneurs spéciaux devant être stockés. Mais personne
n'en veut…
En France, le puissant lobby des nucléo-nuisibles sévit avec d'autant
plus de virulence que leur cause recule dans l'opinion. Ainsi la
justice a débouté jeudi en appel les antinucléaires qui demandaient la
condamnation de l'Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs. Ces associations demandaient à la justice civile de
condamner l'Andra pour avoir dissimulé et sous-estimé la présence d’une
nappe phréatique présentant un intérêt particulier pour la géothermie.
L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) exclut en effet ce genre d’action
en France lorsque cela peut représenter un intérêt particulier pour la
géothermie. Jeudi, la cour a pourtant confirmé le premier jugement et
estimé que les demandes de ces collectifs étaient bien recevables, mais
les a déboutées car « l'examen attentif de leur argumentation ne permet
pas de caractériser contre l'Andra la moindre faute. » Une victoire pour
l'Agence nationale empêtrée dans de nombreuses procédures engagées par
les opposants à son projet. Ceux-ci ne s’interdisent pas dans un avenir
proche de saisir la Cour de cassation pour obtenir gain de cause.
Contrairement à ce qui se passe maintenant en Allemagne (recherche
d'un site sur le strict critère scientifique), chez nous les
nucléocrates n’ont pas choisi le site de Bure sur le critère technique
de sa structure géologique, ce qui aurait été au moins scientifiquement
honnête, mais sur un critère « d’acceptabilité par la population » ! Une
population, ou plutôt des élus, des collectivités locales achetées à
grands coups de subventions.
Le pognon – le nôtre ! - coule à flot dans le milieu nucléaire. La
première estimation du projet de Bure, d’environ 15 milliards d’euros, a
fait l’objet d’une « actualisation suite à l’approfondissement du travail technique ». La Cour des Comptes jugeait elle de son côté, dès 2009, que le coût pourrait atteindre près de 35 milliards d’euros. Bonjour la fiabilité !
La nocivité des nucléocrates se retrouve aussi dans un rapport publié
par l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques
et technologique), officine chargé d’informer le Parlement, qui
préconise le stockage géologique profond, la valorisation et le
recyclage des déchets radioactifs. Un rapport très favorable aux grands
acteurs industriels du secteur.
Ce nouveau rapport de l’OPECST propose de "récupérer les matières énergétiques présentes dans les combustibles usés" pour
les réutiliser, à court terme, dans les ERP, les réacteurs à eau
pressurisée, dont le parc naturel actuel est doté. Ou, à long terme, de
les recycler dans de nouveaux types de réacteur dits "à neutrons rapides". Ce qui implique évidemment l'abandon de la sortie du nucléaire...
Les ONG qui militent contre l’utilisation de l’atome dénoncent la
partialité des deux députés ayant piloté sa rédaction, le député PS
Christian Bataille et le sénateur UDI Christian Namy. Bataille, on le
connaît bien, c'est le fer de lance du lobby nucléaire. Estampillé "nucléocrate"
par l’ONG Sortir du nucléaire, il est à l’origine de la loi de 1991,
une nouvelle fois votée en 2006, sur les déchets radioactifs. Il a
organisé des colloques à l’Assemblée sponsorisés par… Areva, le
spécialiste du combustible et du retraitement des déchets nucléaires,
BNFL, son concurrent britannique, ou encore l’ANDRA, l’Agence nationale
pour la gestion des déchets radioactifs ! Bonjour l'impartialité !
Tiens, au fait, il vient de rejoindre le clan des Macroniens...
Bure, késako ? Il s’agit de créer un centre de stockage des déchets
atomiques résultant de l’activité des centrales électronucléaires. Pour
ce faire, l’ANDRA (l’organisme en charge de cette réalisation) doit
creuser dans le sous-sol argileux de Bure (petite localité de Lorraine)
des puits d’accès, des galeries de circulation et des loges où seront
entreposés pour des millénaires et des millénaires des conteneurs
d’acier emplis des déchets nucléaires vitrifiés. À charge pour l’Andra
de faire en sorte que ce stockage soit réversible, c’est-à-dire que – si
l’avancement de la science le permet dans l’avenir – ces colis soient
récupérables ! Ce qui n’est pas évident comme l’a montré un incendie
dans une installation similaire aux États-Unis…
Bure, 93 habitants… C'est dans ce petit village de l'Est que l’État
envisage de créer cette poubelle nucléaire. Poubelle où seront stockés –
si le projet voit le jour - jusqu’à 80 000 m3 de déchets
radioactifs ayant une durée de vie estimée entre quelques milliers
d’années et plusieurs centaines de milliers d’années. Ces "colis" seront
enfouis dans des couches d’argile, à 500 mètres sous terre, pendant au
moins 120 ans. S'ils ne représenteront que 0,2 % du volume des déchets
nucléaires produits, ils concentreront 98 % de la radioactivité émise
par ces résidus.
Rien d'équivalent n'existe dans le monde. En Allemagne, ça vire au désastre. Aux États-Unis, c'est pareil avec les déboires à Yucca Mountains.
Au fait, ces déchets, où sont-ils actuellement ? Les plus radioactifs
d'entre eux se trouvent à La Hague, Marcoule et Cadarache. Dans de
simples bidons métalliques…
Sources :
agoravox.fr
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