Pourquoi le gouvernement australien a-t-il peur de Bassem Tamimi, un
Palestinien du village de Nabi Saleh ? Mercredi dernier, le Service de
l’Immigration et de la Protection des Frontières d’Australie a abrogé le
visa d’entrée qu’il lui avait délivré un jour plus tôt.
Tamimi, qui, avec d’autres militants de la résistance populaire de
son village et d’au-delà en Cisjordanie, a réussi à attirer
l’attention internationale sur les maux de l’occupation israélienne, a
été invité par une organisation de gauche et par certaines associations
pro-palestiniennes à tenir en Australie une série de conférences et de
réunions. Elles ont été, au moins autant que Tamimi, choquées par
l’abrogation hystérique de son visa. Comme c’était à prévoir, les sites
favorables à l’occupation et à l’expulsion ont été ravis.
Le document d’abrogation, publié sur le site de l’Office Australien
de Radiodiffusion (ABC/OAR), déclare “le service (d’immigration) a
récemment pris connaissance de renseignements qui montrent qu’il y a un
risque que des citoyens réagissent de façon défavorable à la présence en
Australie de M. Tamimi en ce qui concerne ses opinions sur les
tensions politiques en cours au Moyen-Orient. Sa présence en Australie
constituerait ou pourrait constituer une menace pour le bon ordre de la
société australienne.”
Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine ne pourraient pas avoir
mieux formulé la justification d’avoir réduit au silence toute voix
exprimant une opposition. Ce que Tamimi a à dire est déplaisant pour
certains partis, dit-on en australien. Entre les lignes, ces éléments
pourraient se déchaîner en essayant de le réduire au silence ou de
perturber des activités auxquelles il participerait, et les autorités
australiennes seraient impuissantes à les affronter en raison de leur
puissance (politique, financière, physique, ou toutes celles-ci
conjuguées). En d’autres mots, il représente une menace parce que
d’autres abuseront de leur puissance afin de le réduire au silence.
“Ses opinions,” déclare le document officiel. Comme si ceci était un
thème de salon de débats contradictoires et non un témoignage
irréfutable, de première main, sur un régime de ségrégation ethnique que
façonne Israël. Tamimi aurait parlé des terres, des forêts, des
espaces publics et des sources qu’Israël a volé à son village et à
d’autres villages au bénéfice des colons juifs ; de l’interdiction par
Israël d’ajouter encore un étage aux maisons existant dans son village,
alors que les habitations individuelles dans la colonie, de l’autre côté
de celui-ci, sont continuellement rehaussées. Il aurait parlé des
descentes de l’armée, de l’intimidation des enfants, des soldats qui ont
tué deux de ses parents alors qu’ils ne représentaient aucun danger
pour ces troupes. Il aurait probablement dit que ceci est l’essence même
du régime sioniste. Il aurait déclaré son soutien à la solution à un
état, pour les Juifs et les Palestiniens. Il aurait mentionné les
militants israéliens juifs qui depuis 2009 ont soutenu son village. Qu’y
a-t-il de si effrayant à cela ?
Chacun peut deviner ce qui s’est passé dans les 24 heures entre la
délivrance du visa et son annulation : un coup de téléphone hargneux
de l’ambassade israélienne au Ministère australien des Affaires
étrangères ; un e-mail grandiloquent de quelque organisation de droite,
d’une association juive ou d’une association évangélique ; un SMS d’un
magnat juif, ou de quelqu’un ayant des relations en Israël, à un député,
qui a hâtivement pris contact avec le Service d’Immigration. Ou
peut-être le magnat, quelqu’un ayant des relations dans les médias,
a-t-il envoyé directement un SMS à un haut fonctionnaire. Cela semble
anti-sémite ? Le problème ne vient pas de ces spéculations, mais des
modes de fonctionnement anti-démocratiques qu’exporte Israël.
En réponse aux questions posées par un journaliste d’ABC, un
porte-parole du Service d’Immigration a déclaré, oui, le gouvernement
australien est en faveur de la liberté d’expression, et ainsi de
suite,mais il est aussi de sa responsabilité d’empêcher les calomnies
sur la société australienne, l’incitation à la discorde en son sein ou
sa mise en danger. Bassem Tamimi pourrait-il, à lui seul, faire tout
cela ?
Les fonctionnaires israéliens et les partisans de l’apartheid
israélien opposent par avance des objections à ses paroles. S’il étaient
capables de contester son témoignage ou ses conclusions, ils n’auraient
pas agi pour empêcher sa visite. Leur rogne est un aveu de faiblesse,
qu’ils essayent de dissimuler par l’intimidation. Et le gouvernement
australien, pour ses propres raisons, a peur d’eux et a décidé d’agir
comme sous-traitant d’Israël.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers.
Source : haaretz
AFPS
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