Les spécialistes sont de plus en plus inquiets de l’appauvrissement de
l’agriculture égyptienne, menacée par la multiplication des
infrastructures hydrauliques sur le fleuve.
Depuis 2013, un gigantesque barrage est en construction sur le Nil
Bleu en Éthiopie, prés de la frontière soudanaise. Il faudra au moins
une quinzaine d’années pour le remplir, mais il faudra sans doute
beaucoup moins de temps pour que s’aggravent les « maladies » affectant
de plus en plus gravement le grand Nil (dit Nil Blanc), qui irrigue le
Soudan puis l’Égypte après avoir pris naissance dans la région des
Grands Lacs, près de la frontière du Kenya.
Ce « barrage de la renaissance » a été conçu pour une capacité de
production nominale légèrement supérieure à 6 000 mégawatts. Il s’agira
de l’un des plus puissants d’Afrique. Mais, si l’Éthiopie a besoin
d’électricité, l’Égypte a besoin d’eau. Surtout depuis la mise en
service du barrage d’Assouan en 1973 (seulement 2 100 MW) qui a modifié
l’écoulement du Nil. À mesure que des pays construisent en amont des
ouvrages destinés à retenir ses eaux, pour produire de l’énergie ou pour
irriguer, le fleuve se trouve de plus en plus sous tension. Comme le
souligne une étude que va publier au mois de mai la revue de la Société géologique américaine (GSA Today), dans son numéro 27, «
pendant le temps du remplissage du lac de barrage, les quantités d’eau
charriées par le cours du Nil égyptien seront amputées de 25 %, ce qui
se traduira aussi par une perte d’un tiers de l’électricité fournie par
le barrage d’Assouan ».
Appauvrissement des terres fertiles
Les menaces qui pèsent sur l’avenir du Nil, surtout sur son parcours
égyptien de 1 300 kilomètres, sont nombreuses. Elles ne datent pas
d’hier mais les projets de barrages dans les pays que le fleuve traverse
avant de quitter le Soudan justifient que de nombreux scientifiques, y
compris égyptiens, le déclarent en « état d’urgence ». D’abord, ce qui
est le plus connu, le limon, que charriait chacune de ses crues,
n’alimente plus sa vallée et son delta. Il s’accumule dans le lac de
retenue Nasser (situé à la frontière entre l’Égypte et le Soudan), dont
il limite progressivement la réserve d’eau disponible pour la production
électrique et pour l’irrigation.
D’où une chute, depuis le début des années 1980, de la fertilité, qui
faisait vivre une partie du pays sur une surface de terres qui ne
représentent qu’à peine 3 % de la surface du pays. La baisse de qualité
de la terre arable est de plus en plus compensée par des engrais. C’est
une des explications de la pauvreté grandissante d’une partie des 95
millions d’Égyptiens, dont quelque 40 millions sont installés dans le
delta.
La région est rendue de plus en plus sensible à la remontée du sel
par la baisse du niveau des eaux. Cela empêche la culture sur des
surfaces de plus en plus importantes du delta et de l’ancien lit du
fleuve. Cette présence du sel a deux origines : d’abord, les crues ne
l’emportent plus en « lavant » les terres et il s’y accumule ; ensuite,
la Méditerranée monte lentement, envahissant peu à peu le delta et le
cours souterrain du fleuve, car des centaines de milliers de kilomètres
carrés se trouvent à moins de 1 mètre du niveau de la mer. Ce phénomène
réduit les quantités d’eau douce disponibles, pour les habitants comme
pour les agriculteurs.
Cette évolution et tous ces phénomènes, explique le géologue
Jean-Daniel Stanley du Smithsonian Institute, l’un des auteurs de
l’étude de GSA Today, entraînera une situation difficile dès
2025. Une situation qui pourrait voir s’affronter violemment les pays
traversés par le Nil…
politis.fr
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