Les remarques ci-après ont déjà été présentées à de multiples reprises (par Atlantico, Le Point, Mediapart, France Inter, Les Échos,
Boulevard Voltaire, etc.) lors de ces derniers jours. Néanmoins, en
dehors des professeurs et étudiants d’histoire, et des férus d’histoire
politique, elles ne peuvent parler qu’aux sexagénaires (et plus...). Je
vais donc essayer de ne pas répéter ou recopier ces médias.
Qu’est-ce qui rapproche les deux hommes ?
1.
Leur jeunesse et leur allure : Emmanuel Macron a 39 ans et Jean
Lecanuet, pour la présidentielle de 1965, en avait 45. Même si 45 ans,
en 2017, est vu comme un âge plus "tendre" qu’en 1965 (compte tenu de
l’allongement de l’espérance vie et de l’amélioration de la santé et de
la condition physique en 52 ans), il n’empêche que Lecanuet apparaissait
comme "jeune" par rapport à de Gaulle (75 ans), à Mitterrand (près de
50 ans, mais une longue carrière derrière lui), à Tixier-Vignancour (58
ans), à Pierre Marcilhacy (55 ans). Dans l’allure, il s’agit d’hommes
minces, élancés, au visage avenant. [Cette jeunesse et cette allure
pouvait faire penser, aux Français, au souvenir tout proche du président
Kennedy - récemment assassiné - et qui avait été président de son pays à
43 ans.]
2. Leur parcours de "bons élèves" : Jean Lecanuet avait
été le plus jeune agrégé de philosophie à 22 ans, et, plus tard,
directeur de cabinets ministériels. Emmanuel Macron a eu la mention très
bien au bac, a été élève de Sciences Po, de l’ENA, est passé par la
banque Rothschild, a été secrétaire général de l’Élysée, ministre de
l’Économie...
3. Leur apparence "d’hommes neufs" : en 1965, même
si Lecanuet avait une longue expérience des cabinets ministériels, cette
expérience n’était pas de celles qui portent sur le devant de la scène.
Même chose pour Emmanuel Macron jusqu’en 2014 : qui se souvient des
secrétaires généraux de l’Élysée, en dehors de ceux qui ont eu plus tard
une carrière ministérielle, comme, par exemple, Édouard Balladur ou
Dominique de Villepin ?
4. Leur appartenance à un courant libéral
en économie, pro-européen (ou européiste si l’on veut être péjoratif) et
atlantiste, c’est-à-dire à la fois favorable à la politique étrangère
des États-Unis et à l’OTAN comme alliance militaire, donc,
corrélativement hostile à l’intervention de l’État dans l’économie et à
une politique extérieure française trop favorable, jadis à l’URSS, en
2017 à la Russie ou aux pays non-alignés (on dirait aujourd’hui les
BRICS).
5. Leur inscription dans ce courant qui, sous la IVe
République (1946-1958), a vu se succéder, dans tous les gouvernements,
le duopole SFIO et MRP, à la fois atlantiste, pro-américain,
pro-européen, anticommuniste et anti-gaulliste. Or c’est le même courant
qui voit le Parti socialiste pratiquer la même politique économique
(privatisation, dérèglementation) et étrangère (retour dans l’OTAN,
soumission à la Commission européenne, soutien aux États-Unis) que la
droite au pouvoir. C’est le même courant qui voit les ministres ou élus
passer alternativement des hautes fonctions de l’État aux hautes
fonctions à Bruxelles ou dans le privé et qui servent (ou conseillent)
indifféremment la droite ou la "gauche" (entendre le Parti socialiste).
Des hommes tels que Jean-Pierre Jouyet (voire Jacques Attali), qui a
servi à la fois Nicolas Sarkozy et François Hollande, sont emblématiques
de ce courant.
6. Outre Jean Lecanuet, Emmanuel Macron peut être
rapproché d’un autre homme, présenté, lui aussi, à son époque comme
"jeune" et qui, lui aussi, s’inscrivait dans le même courant
anti-gaulliste (en tant que ce courant contre le rôle de l’Etat dans
l’économie et pour une politique étrangère européiste et favorable aux
Etats-Unis), Valéry Giscard d’Estaing.
Assisterions-nous à une revanche
posthume, après 60 ans, de la IVe République sur la Ve République ?
Amis du Monde Diplomatique, Tours
Le Grand Soir
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire