Dans ma tâche ingrate d'animateur de plateaux, il m'est arrivé plusieurs fois de
me trouver face à des invités, venus avec pour seul but de pourrir la
discussion, de la noyer sous les clowneries, ayant décrété à l'avance
son illégitimité.
Dans cette situation, pas d'autre solution, comme mes
confrères Nathalie Saint Cricq et Christophe Jakubyszyn, que de se
croiser les bras, d'attendre que ça se termine, et de me répéter
intérieurement "fallait pas l'inviter". Eh oui. Fallait pas l'inviter.
C'est à dire, fallait pas la qualifier pour le second tour. Fallait pas,
chers confrères, la légitimer, la dédiaboliser, à grands coups de
couvertures sur le péril islamo, et de reportages bidonnés, type PMU de Sevran (1)
(oui oui, Nathalie Saint Cricq, je parle pour votre chaîne. Vous l'avez
voulue, vous l'avez eue. Deux heures trente d'humiliation au piquet,
c'est une douce punition).
Ils sont drôles, ce matin, à tous regretter Mélenchon. Le populiste Mélenchon. Le Mélenchon de "lézextrêmes". Le même. Ah
Mélenchon, tout de même ! C'aurait été autre chose ! C'est le journal
de 7 heures 30 de France Culture, qui s'ouvre sur la réaction d'Eric
Coquerel ("affligeant"). Et c'est surtout Dominique Seux, qui soupire : "au moins, avec Mélenchon face à Macron, le débat sur l'Europe aurait été purgé".
Tout arrive : je suis globalement d'accord avec Seux. Sans doute, oui,
l'aurait-on "purgé" une fois pour toutes, ce débat sur le Frexit, père
de tous les autres. Tandis qu'avec cette candidate empêtrée dans la
contradiction entre le souverainisme de Philippot et les sondages
Frexitosceptiques, et qui a noyé son incompétence dans les
gesticulations de troll (voir le GIF vedette de la soirée) (2)
le débat a été évacué. Macron lui-même, du coup, n'a pas été poussé
dans ses retranchements sur l'Europe. Avec l'avenir de la planète, ce
sont les deux grands absents du spectacle. Excusez du peu.
Spectacle dont, personnellement, je me garderai bien de tirer quelque conclusion pour la suite, cf ce vieux titre de presse, exhumé et posté par Anne-Sophie.
Sans vouloir me vanter, je n'ai jamais partagé les ricanements initiaux sur Trump. Dès
le début, en 2015, la qualification de Trump, et même son élection, me
sont toujours apparus comme plausibles -peut-être pour la seule raison,
d'ailleurs, de ce ricanement universel des "belles personnes", boussole
qui montre souvent le Sud. De même, je n'arrive pas, même après ce
débat, à enterrer Le Pen. Oui, la médiacratie est unanime à dénoncer ses
insuffisances, sa confusion de dossiers entre Alstom et SFR, son
agressivité et à lister ses mensonges (tâche néanmoins toujours
nécessaire, voir ici (3)ou là (4)).
Oui, même la fachosphère est dépitée. Mais excès de méfiance ne nuit pas.

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