mardi 2 mai 2017

Comment Israël manipule les données statistiques pour accentuer artificiellement la domination juive

L. D.

L’ancien premier ministre (juif) britannique Benjamin Disraeli (1804-1881) aurait affirmé qu’il distinguait trois sortes de mensonges, par ordre de gravité : les mensonges ordinaires, les “foutus mensonges” et les statistiques [1]. Celles que publie le gouvernement israélien méritent d’être classées dans une catégorie bien à elles, largement plus pourrie que toutes les autres.

Comme chaque année à pareille époque, le bureau officiel des statistiques israélien publie une synthèse des dernières données relatives à la population et au développement économique, juste avant le jour où Israël va célébrer l’anniversaire de sa déclaration d’indépendance en mai 1948. Et plus que jamais, ce qui est supposé être un austère recueil de données est en fait un document de propagande dans lequel la manipulation et le déni de la réalité pulvérisent les limites du ridicule.
Mais si les contorsions des statisticiens israéliens sont absolument grotesques, elles ont le mérite de trahir le parti-pris fondamentalement raciste qui imprègne la vision sioniste de la réalité.
Selon leurs données, la population israélienne atteint 8,68 millions d’individus, dont 74,7% de Juifs, 20,8% d’Arabes et 4,5% d’“autres” (pour la plupart des chrétiens qui ne sont pas Arabes).
On pourrait relever qu’avec une telle supériorité numérique il est cocasse d’entendre sans cesse les ministres israéliens et leurs propagandistes pour qui toute manifestation de contestation, toute œuvre littéraire, théâtrale ou cinémato­graphique ou même tout commentaire sur Facebook “sape le caractère juif de l’État”. Avec une majorité aussi écrasante (dans tous les sens qu’on puisse donner au terme) que 74,7% de la population, de quoi ont-ils peur ? N’est-ce pas l’éclatante manifestation que le pari du sionisme été gagné ?
L’ennui, c’est que les chiffres du très officiel Bureau central des statistiques sont à la fois imprécis et pleins de biais qui constituent autant de manipulations gorgées de calculs politiques et d’idéo­logie colonialiste.
On remarque en premier lieu que les cartes qui illustrent le document ne font pas la moindre distinction entre le territoire d’Israël et les territoires palestiniens occupés. (Visuel en tête d'article)
Mieux : la représentation du territoire israélien englobe le Golan, la Cisjordanie et Gaza (que pourtant Israël affirme ne plus occuper, ses ministres le répètent sur tous les tons en dépit de l’évidence).
Pas le plus ténu pointillé pour marquer la “ligne verte”, aucune trace cartographique des dispositions des “accords d’Oslo” : ce que représente le Bureau des statistiques israélien, c’est la “solution à un État d’apartheid.
Mais les données chiffres qui accompagnent les cartes les contre­disent : la superficie du territoire qui est indiquée est de 22.072 kilomètres carrés… chiffre qui n’inclut pas la Cisjordanie ni Gaza.
Quant aux données de la population, le Bureau des statistiques compte les Juifs qui vivent dans tous les territoires qui sont sous le contrôle d’Israël, entre la rive de la Méditerranée et le Jourdain et le plateau du Golan. Mais s’agissant des Arabes (les 20,8%), il ne compte que ceux qui vivent à l’intérieur des frontières israé­lien­nes d’avant 1967, plus Jérusalem-Est et le Golan (qui ont été annexés unilatéralement par Israël). Les millions de Palestiniens qui vivent en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza n’existent tout simplement pas.
Concrètement, cela signifie par exemple qu’en ce qui concerne la population de la ville de Hébron les quelques 550 colons juifs sont comptabilisés comme “résidents d’Israël” tandis que les ±190.000 Palestiniens ont mystérieusement disparu on ne sait où.
Quant aux quelques centaines de colons juifs installés dans cette ville, c’est l’inverse : ils sont comptés mais le territoire dans lequel ils vivent ne fait pas partie des 22.072 kilomètres carrés affichés dans les tableaux de chiffres. Non seulement ils croient que la terre palestinienne leur a été donnés par Dieu, mais apparemment elle se situe quelque part dans les cieux… Au paradis des statisticiens propagandistes ou des propagandistes statisticiens ?
L’explication de l’incohérence des chiffres de population ne réside évidemment pas dans un manque de données disponibles : la démographie étant une véritable obsession pour les dirigeants israéliens, c’est Israël qui contrôle les registres de la population de l’Autorité Palestinienne de Ramallah en Cisjordanie et même à Gaza. Les autorités israéliennes sont immédiatement au courant de chaque naissance, chaque mariage, chaque divorce, de chaque expatriation temporaire ou définitive, chaque décès  (dans ce dernier cas d’autant plus sûrement qu’elles en sont souvent la cause).
Dans le domaine économique aussi toutes les données voulues sont disponibles pour avoir des statistiques complètes, puisque c’est la monnaie israélienne qui est utilisée partout et que toutes les frontières, terrestres, maritimes et aériennes sont sous contrôle israélien exclusif.
C’est donc bien d’une volonté délibérée qu’il s’agit : les chiffres complets ne peuvent pas être publiés parce qu’alors la majorité juive serait singulièrement réduite, voire disparaîtrait purement et simplement. La condition d’existence statistique de “l’État juif” c’est l’apartheid.
La distorsion des chiffres n’est pas une nouveauté. Le Bureau central des statistiques inclut les colons dans les “résidents d’Israël” depuis 1972. Depuis lors, tous les statisticiens officiels se sont conformés à la doctrine qui veut que les Juifs et les Arabes soient comptés selon des méthodes différentes, et cela alors que la loi qui a institué le Bureau central leur impose théoriquement de travailler “en conformité avec les considérations scientifiques”.

Le sionisme est donc aussi une science. Celle de la tromperie, qu’évoquait Benjamin Disraeli.

 [1] il existe plusieurs versions de la citation, dont l’esprit est constant : “le mensonge, le parjure et la statistique”, ou encore “le mensonge ordinaire, le mensonge carabiné et les statistiques”.

Pour la Palestine

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