On fête l'abolition de l'esclavage. De l'esclavage atlantique s'entend. Parce qu'ailleurs...
À l’occasion d’une démarche administrative, il y a quelques années,
j’ai eu en face de moi une fonctionnaire d’origine antillaise. Son nom
était Schœlcher. Je me suis alors levé et lui ai demandé de me faire
l’honneur de me toucher la main. C’était une descendante « naturelle »
du grand Victor Schœlcher, l’homme qui a rendu son honneur à la France
en abolissant l’esclavage. Esclavage une première fois aboli par la
Révolution française puis rétabli par le sinistre Bonaparte. Cette
mémoire douloureuse est mise en lumière aujourd’hui.
Victor Schœlcher est né le samedi 22 juillet 1804 dans une famille
bourgeoise originaire de Fessenheim (! !) en Alsace. Il fit ses études
au lycée Condorcet. Le jugeant désœuvré, son père, porcelainier de
renom, l'envoie au Mexique pour affaires en 1830. Visitant Cuba, il y
est révolté par l'esclavage. De retour en France, il publie des
articles, des ouvrages, multiplie ses déplacements d'information et
adhère à la Société pour l'abolition de l'esclavage. Il n'aura de cesse
que de lutter pour la libération des esclaves.
Le discours abolitionniste de Schœlcher évolue au cours de sa vie. En
effet, au début de son engagement, il s'oppose à l'abolition immédiate
de l'esclavage. En 1830, dans un article de la Revue de Paris, "Des
Noirs", il demande ouvertement de laisser du temps aux choses. Cette
vision de l'abolition qu'il a, se retrouve en 1833, dans son premier
grand ouvrage sur les colonies : « De l'esclavage des Noirs et de la
législation coloniale. » Pour lui, il serait dangereux de rendre
instantanément la liberté aux noirs, parce que les esclaves ne sont pas
préparés à la recevoir. Il souhaite même le maintien de la peine du
fouet, sans laquelle les maîtres ne pourraient plus travailler dans les
plantations. Il faut attendre un nouveau voyage dans les colonies pour
qu'il se tourne vers une abolition immédiate.
Nommé dans le Gouvernement provisoire de 1848 Sous-secrétaire d'État à
la Marine et aux colonies par le ministre François Arago, il contribue à
faire adopter le décret sur l'abolition de l'esclavage dans les
Colonies. Le décret signé par tous les membres du gouvernement paraît au
Moniteur, le 5 mars. Député de la Martinique et de la Guadeloupe entre
1848 et 1850, il siège à gauche.
En tant que président de la commission d'abolition de l'esclavage, il
est l'initiateur du décret du 27 avril 1848 abolissant définitivement
l'esclavage en France et dans ses colonies. L'esclavage avait déjà été
aboli en France à l'initiative de l'Abbé Henri Grégoire, pendant la
Révolution française (4 février 1794, 16 pluviôse an II), puis rétabli
par Bonaparte en 1802.
Républicain, défenseur des droits de la femme, adversaire de la peine
de mort, il est proscrit durant le Second Empire par le coup d'état de
Louis Napoléon Bonaparte. Il s'exile en Angleterre où il rencontre
fréquemment son ami Victor Hugo. En 1870 il revient en France suite à la
défaite de Sedan. Après l'abdication de Napoléon III, il est réélu
député de la Martinique à l'Assemblée Nationale (1871). Le 16 décembre
1875, il est élu sénateur inamovible.
À la fin de sa vie, comme il ne s'était jamais marié et qu'il n'avait
pas eu d'enfant, il décida de donner tout ce qu'il possédait. Enterré à
Paris au cimetière du Père-Lachaise, ses cendres furent transférées au
Panthéon le 20 mai 1949 en même temps que celles du Guyanais Félix Éboué
(premier noir à y être inhumé).
En hommage à son combat contre l'esclavage, la commune Case-Navire (Martinique), prit le nom de Schœlcher en 1888.
L'esclavage atlantique a été une horreur, une tache indélébile au
front de notre civilisation. Il a duré trois siècles et a déplacé entre
12 et 15 millions de personnes. On l'a aboli. On est conscient de cette
honte. On s'en est repenti. On n'a pas réparé l'irréparable.
Mais il y a un autre esclavage étrangement passé sous silence, celui perpétué pendant treize siècles par les musulmans. La traite arabe a été la plus longue et la plus régulière des trois traites,
ce qui explique qu'elle ait globalement été la plus importante en
nombre d'individus asservis : 17 millions de noirs selon l'historien Olivier Pétré-Grenouilleau, du VIIe siècle à 1920.
Une lecture édifiante : « Le génocide voilé » de Tidiane N'Diaye.
agoravox.fr
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