Le changement climatique va mettre sous pression les villes, qui doivent dès à présent renforcer leurs capacités de résistance, ont prévenu des scientifiques et experts réunis à Vienne au congrès des sciences de la terre.
Presque 15.000 scientifiques représentant 107 pays ont participé, du 23 au 28 avril 2017 à Vienne,
au congrès annuel des géosciences. L'occasion pour les scientifiques et
experts du domaine de partager leurs données les plus récentes et, une
fois de plus, de tirer le signal d'alarme. Notamment en ce qui concerne
les perspectives pour la planète si les émissions de gaz à effet de
serre (GES) gardent leur rythme actuel. Toutes les villes européennes
verront alors les canicules s'accentuer, préviennent les chercheurs qui
soulignent la vulnérabilité particulière des agglomérations au stress
climatique.
Dans les villes belges, les températures l'été pourront dépasser de
10°C les niveaux d'alerte et ce pendant 25 jours, selon certains
travaux. Durant le congrès, un chercheur a détaillé ses recherches sur
sa ville de Moscou, agglomération la plus peuplée d'Europe (17 millions
d'habitants), hérissée d'immeubles, où les "îlots de chaleur",
ces concentrations de chaleur liées à l'absence de nature, sont plus
forts qu'ailleurs. L'université Nanyang de Singapour oeuvre pour sa part
à un "index du risque" pour les villes d'Asie du Sud-est où les précipitations devraient croître de 20% au cours du siècle.
À Paris, le risque principal est une nouvelle crue centennale, semblable à celle de 1910
Mais il n'y a pas que la chaleur qui représente une menace. Des
inondations aussi sont à attendre (et c'est là la principale menace pour
les pays de l'Union européenne) sous l'effet de tempêtes plus sévères.
Ainsi, à Paris, le risque principal est une nouvelle crue centennale,
semblable à celle de 1910. "C'est sûr, cela arrivera un jour !", a fortiori avec un réchauffement porteur de tempêtes, dit Sébastien Maire, responsable "résilience" à la mairie de Paris, interrogé par l'AFP. "D'après l'OCDE, elle nous coûterait 100 milliards d'euros, 400.000 emplois et il faudra 5 à 10 ans pour reconstruire le métro". La
vulnérabilité parisienne tient au fait que des équipements critiques
sont près du fleuve : stations électriques, réseaux de chaleur... " Nous
n'avons pas les moyens de les reconstruire aujourd'hui. Mais on
identifie d'ores et déjà les mesures à prendre, pour le jour où ", explique M. Maire, arrivé fin 2015 dans le cadre du réseau mondial des "100 villes résilientes ".
Plus ces villes seront peuplées, plus ces risques sont pesants. Or,
la croissance démographique dans les ville n'est pas prête de s'arrêter.
D'ici 2050, 80% des habitants des pays développés vivront en ville, 60%
dans les pays émergents (la barre des 50% au niveau mondial a été
franchie en 2007). Ce qui équivaut à un million de citadins
supplémentaires par semaine sur les 40 ans à venir chiffrent les
chercheurs. Concentrées sur une petite portion du territoire, les villes
consomment déjà 80% de l'énergie et génèrent plus de 60% des gaz à
effet de serre.
Lors d'un débat, le climatologue français Hervé Le Treut a prévenu :
il faut certes réduire les émissions mais aussi se préparer "dès maintenant " aux impacts. "Nous sommes presque au stade où il sera impossible de rester sous les 2°C" de réchauffement, l'objectif que s'est fixé le monde via l'accord de Paris, prévient-il. "Certains
impacts sont déjà là. Des mesures structurelles permettant de s'y
adapter doivent être prises rapidement, dans les transports, les
bâtiments (...). La manière dont les villes ont été construites n'est plus adaptée",
souligne Daniel Schertzer, hydrométéorologue, de l'École des Ponts
Paris Tech (France). Et une grande part des infrastructures urbaines est
aujourd'hui exposée. Peu à peu, l'idée de "résilience urbaine" se diffuse. New York est en pointe, comme La Nouvelle-Orléans, ou des villes de Nouvelle-Zélande et des Pays-Bas pour l'eau...
"On avait délaissé cette approche ancienne du développement urbain, dans l'euphorie du 20e siècle", commente le responsable français. "Ce n'est pas du catastrophisme, c'est au contraire se préparer sereinement". Sébastien
Maire liste ses chantiers : zones naturelles d'expansion de crue,
qualité de l'eau, implication des citoyens, éducation à la culture du
risque... Le tout avec le concours de scientifiques, insiste-t-il.
Parfois, des solutions simples sont redécouvertes. Comme cette technique
"uchimizu", utilisée dès le 17e siècle au Japon, consistant à garder
l'eau de pluie pour arroser les sols et rafraîchir. "Cette méthode peut réduire considérablement des températures extrêmes sur des sols pavés imperméables", selon Anna Solverova, de l'université de Delft (Pays-Bas), qui en a quantifié l'effet. "C'est aussi une solution que chacun peut mettre en place".
Photo : Émissions de gaz à effet de serre dans le monde ©AFP/Simon MALFATTO, Sophie RAMIS.
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