Les français ont la mémoire courte, et la nomination de
Nicolas Hulot au ministère de l’environnement n’est pas sans rappeler
celle de Brice Lalonde, lors de la présidence de François Mitterrand.
L’hebdo « Le Point » ne s’y est pas trompé en faisant sa une avec le titre « Génération Macron »...tant les convergences sont évidentes.
Mais tournons une page d’histoire...
À l’époque EELV n’existait pas, ils s’appelaient « les Verts », et Mitterrand avait besoin de capter l’électorat écolo pour s’assurer d’une majorité législative.
Il avait donc choisi en connaissance de cause de mettre Lalonde dans son gouvernement, lequel représentait l’écologie pour les français mal informés...
Auparavant, la première étape de la création des Verts s’était passé du 2 au 4 mai 1980, à Lyon, et à cette époque, il y avait 3 composantes : les « diversitaires » représentant l’écologie de terrain, le RAT (rassemblement des amis de la terre), mouvement présidé par Brice Lalonde, et le MEP (mouvement d’écologie politique), au cours de laquelle Brice Lalonde avait été élu, d’autant plus facilement que les membres de son mouvement étaient venus en masse à Lyon pour le soutenir. lien
Cette étape avait été suivie par une autre, à Couiza, dans l’Aude, en décembre 1981, au cours de laquelle il avait été décidé de mettre à la tête du mouvement 13 personnes, c'est-à-dire une par région, lesquelles étaient destinées à remplacer Lalonde, et j’ai eu l’honneur d’être désigné pour la région Rhône-Alpes.
C’était la Confédération Ecologique.
Lalonde avait accepté ces règles, votées tout à fait
démocratiquement lors d’une assemblée exceptionnelle, et le groupe
d’écologistes élus était destiné à remplacer Brice Lalonde.
Hélas, tout ne se passa pas comme décidé, et Lalonde, refusant de céder sa place, s’ajouta autoritairement au groupe des 13 représentants des régions.
À la suite de ça, je provoquais un référendum dans ma région pour
connaitre les vœux du plus grand nombre, lesquels me confortèrent dans
mon choix de ne pas participer à cette farce.
Plus tard Brice Lalonde fut rejeté du mouvement, et il ne représentait plus que lui-même quand, en 1988, Mitterrand le choisi comme secrétaire d’état. lien
Or Mitterrand était profondément anti écolo, ne jurant que par le nucléaire... « Rien n’est plus sur » affirmait-il alors en évoquant le nucléaire.
« Il ne s’est jamais intéressé aux dommages crées sur
l’environnement, les marées noires, l’envahissement des déchets, les
pollutions automobile... », écrivait alors dans son blog du Monde, Marc Ambroise-Rendu. lien
Il titrait son article : « Mitterrand, un cancre de l’écologie à l’Élysée ».
Pour en revenir à Lalonde, son parcours est révélateur : celui qui était surnommé à l’époque, le Dandy de l’Écologie, avait hérité de la fortune de son père, chef d’entreprise dans le textile, et Yves Cochet avait dit de lui : « il
était élégant, avait de l’autorité verbale, des convictions, mais il
vivait la politique comme une mise en scène de sa vie personnelle ».
Il avait donc, après sa nomination, crée « Génération Écologie », clin d’œil à la « Génération Mitterrand », véritable arme de guerre pour affaiblir « Les Verts », et défendait une « écologie libérale », véritable réservoir de voix pour le président socialiste. lien
Voilà qui nous rappelle étrangement la situation d’aujourd’hui, où Nicolas Hulot, ressenti comme écolo par la majorité des français, mais qui ne représente que lui-même, est choisi par Macron, un président pro-nucléaire. lien
En effet, même si le nouveau président affirme, comme son prédécesseur, vouloir fermer Fessenheim, n’avait-il pas déclaré le 30 juillet 2016 : « le
nucléaire, ça n’est pas simplement un choix du passé, c’est un choix
résolument moderne qui correspond pleinement aux enjeux du 21ème siècle ». lien
Le choix d’avoir mis à la tête de son gouvernement Édouard Philippe, dont le parcours professionnel montre l’attachement au nucléaire, n’est donc pas un hasard.
Or Nicolas Hulot a une fondation, laquelle est sponsorisée entre autres par Areva et EDF, le bétonneur Vinci, ainsi que par de gros pollueurs comme Rhône-Poulenc, et on a quelque peine à se convaincre de la cohérence de son engagement. lien
Déjà, en 2012, Éva Joly, avait exprimé sa critique à peine voilée visant Nicolas Hulot : « l’écologie
n’est pas consensuelle, EDF et Areva ne sont pas des entreprises
écologiques, et ont des intérêts particuliers qui ne sont pas l’intérêt
général ». lien
Comme l’écrit l’économiste Maxime Combes : « la confusion
générée par la nomination au gouvernement de Nicolas Hulot est une très
mauvais nouvelle pour l’avenir de l’écologie politique en France ».
Il ajoute : « en acceptant aujourd’hui d’entrer dans un
gouvernement dirigé par un élu de droite pro-nucléaire et pro-charbon
(...) Nicolas Hulot brouille les messages qu’il avait envoyé à l’opinion
publique depuis plusieurs années ».
N’avait-il pas déclaré dans son livre « Osons »
que le libéralisme n’était pas compatible avec l’écologie (...) que la
violence capitaliste avait colonisé tous les cercles du pouvoir, et, dans
cet ouvrage, il établissait un réquisitoire sans appel contre les
politiques néo-libérales faisant primer le business sur l’ensemble des
autres domaines de l’existence.
À la puissance des marchés, il brandissait la reconnaissance « de la finalité sociale et écologique de l’écologie », comme alternative au Business as usual.
Or on a pu constater dans les déclarations du nouveau président qu’il était à des années lumière de la position de Nicolas Hulot.
Et Maxime Combes de conclure : « en
acceptant d’entrer dans ce gouvernement libéral, Nicolas Hulot contribue
à un coup bassement politicien d’Emmanuel Macron visant à empêcher que
l’écologie politique, qui est loin d’avoir disparu des radars du jour au
lendemain de la présidentielle, puisse se recomposer sereinement dans
les semaines et les mois à venir... ». lien
Stéphane Lhomme, de l’Observatoire du nucléaire, a lui aussi, fait le tour de la question.
Il affirme qu’Hulot est aux ordres, et qu’il devra appliquer la feuille de route de Macron sur le nucléaire, validant par exemple la cuve défectueuse de l’EPR de Flamanville. lien
Rappelons que l’ASN (autorité de sûreté nucléaire) avait pointé du doigt les malfaçons de cette cuve, fabriquée au Creusot, et ne répondant pas aux normes imposées.
Or cette centrale nucléaire accumule les déboires depuis des années, et a franchi les 10 milliards de coût, alors qu’elle ne devait en coûter que 3... accumulant aussi les retards, puisqu’elle devait être inaugurée en 2012. lien
Pourtant, certains électeurs ayant la fibre environnementale sont
tentés de croire que quelque chose de bon pourrait sortir de cette
nomination, espérant tout au moins que NDDL soit
abandonnée au profit d’une extension de l’aéroport actuel, mais, même si
ce dossier est important, quid des autres dossiers ?
Les boues rouges de Gardanne, dont Valls avait empêché la fermeture voulue par Ségolène Royal... les nouveaux compteurs Linky, considérés à juste titre dangereux par la pollution magnétique qu’il engendre, Lyon-Turin
fermement défendu par tous les gouvernements qui se sont suivis, projet
pourtant inutile, d’après quasi tous les rapports qui se sont succédés,
la Cour des Comptes en tête, (lien) projet de 30 milliards minimum, qui ne saurait résoudre la problématique du fret ferroviaire, (lien) et puis bien sur le dossiers des énergies, nucléaire ou énergies propres ?... Pour Linky, on a déjà la réponse : Nicolas Hulot est pour. lien
Quant au nucléaire, on sait que Macron, tout comme Philippe, ont foi dans cette énergie mortifère et plus chère aujourd’hui que les énergies propres...Hulot
pourrait-il inverser les choix... ou finalement
démissionnera-t-il après les législatives, étant devenu « l’idiot
inutile » si l’on en croit l’Observatoire du Nucléaire ? lien
Alexis Corbière, porte parole des Insoumis, dit de lui : « il est dans ce gouvernement comme un ours polaire au Sahara ».
Il est plus que probable que Nicolas Hulot a donc été choisi pour servir de « caution environnementale »
à ce gouvernement manifestement peu sensible à la cause écologique,
cette manœuvre consistant à capter les voix des écologistes pour les
législatives prochaines, tout comme l’avait fait François Mitterrand à l’époque, en nommant Brice Lalonde dans son gouvernement.
Le piège grossier fonctionnera-t-il cette fois encore ?
L’avenir nous le dira.
En tout cas, nos voisins Helvètes ont finalement abouti, après 6 ans
de luttes, à imposer l’abandon progressif du nucléaire, remplacé au fur
et à mesure par les énergies propres, suite à un référendum gagné à 58%. lien
Combien d’années faudra-t-il attendre encore en France pour que cette énergie si dangereuse soit enfin abandonnée ?
Faudra-t-il un nouveau Fukushima ?
Comme disait mon vieil ami africain : « qui frappe les buissons fait sortir les serpents »...
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