mercredi 3 mai 2017

Ne nous soumettons pas !

201310200857-full.jpgHenri Pena-Ruiz

Parmi tout ce qui circule ces jours-ci, je conseille ce texte du philosophe Henri Pena-Ruiz, publié dans Libération d’hier.
 
Selon Montesquieu le propre du despotisme est de gouverner à la peur. Or qui veut nous faire peur aujourd’hui ? Ceux qui prétendent que le FN est aux portes du pouvoir alors qu’il sera loin d’avoir la majorité à l’Assemblée Nationale, et par conséquent ne pourra pas gouverner. Les amis de M. Macron, avec sans doute l’appui d’un président qui a trahi ses promesses pour se faire élire, mettent en scène leur rêve, en forme de ruse machiavélique. Orchestrer la peur de voir Mme Le Pen gouverner afin de construire pour leur candidat une « majorité présidentielle » écrasante. Et disposer ainsi d’une majorité nette à l’Assemblée nationale pour continuer la politique d’un quinquennat sinistre.
C’est typiquement la logique de la cinquième République, hélas aggravée naguère lorsque Monsieur Jospin crut devoir inverser le calendrier électoral. La monarchie présidentielle prenait ainsi davantage encore le pas sur l’élection des représentants du peuple, ligotant celui-ci dans des alternatives mystifiantes. Quant à la lutte contre le FN, certains feraient bien de balayer devant leur porte. Qui donc a cyniquement joué sur un score élevé du FN pour substituer la peur à tout inventaire critique d’une politique de trahison fondée sur une tromperie initiale ? 

                                                                Non au chantage à l’apocalypse

Sauver la démocratie ? Allons donc ! Monsieur Macron annonce son intention d’aggraver la Loi El Khomri par ordonnances…pendant les vacances d’été, afin d’éviter toute contestation. Jolie façon de réaliser la « démocratie participative »! Naguère il proposait aux jeunes d’avoir pour seul idéal de devenir milliardaires. Sans doute en exaltant un système « Qui produit la richesse en créant la misère » (Victor Hugo). Belle profession de foi humaniste !
Ouvrons les yeux. Ras-le-bol de ce chantage à l’apocalypse pour désespérer encore une peu plus les laissés pour compte du néo-libéralisme et de la « concurrence libre et non faussée ». Avant de pleurnicher sur la montée du lepénisme, il serait bon de s’interroger sur ses causes et de proposer une véritable alternative, comme le fait La France Insoumise. Qui vient de faire reculer le score de Marine Le Pen, sinon Jean Luc Mélenchon ? Le score du FN est passé de 28 % à 21,5 % tandis que celui du candidat de la France Insoumise a atteint 19,6%.
Sa proposition de soumettre toute décision concernant le second tour à une réflexion collective des militants qui l’ont soutenu est toute à son honneur. Elle est en phase avec notre volonté de changer la politique par l’invention d’une sixième République. Elle répond à la complexité d’une situation qui mérite réflexion et délibération, à rebours de toute image d’Epinal. Ceux qui osent traiter Jean Luc Mélenchon de dictateur le calomnient, une fois de plus. Leur rage est d’ailleurs inconséquente. Tantôt ils lui reprochent son autoritarisme vertical, tantôt ils croient devoir s’indigner de sa refondation horizontale de la politique, soucieuse de faire parler le peuple. Il faudrait savoir !
Nous, fossoyeurs de l’Europe ? Une Europe construite à rebours de tous les idéaux de justice qu’elle était censée incarner. Victor Hugo inventa l’expression « Etats-Unis d’Europe », sur le mode confédéral d’une union des nations. Des nations libres dans une union libre, tournées vers le progrès social et la culture délivrée des inégalités économiques. Il doit se retourner dans sa tombe au regard de la caricature de son idéal par l’Europe actuelle. Une Europe néolibérale voulue par Jean Monnet, attachée à corseter les peuples dans la négation quasi irréversible des conquêtes sociales qui forcèrent le capitalisme à s’humaniser. Qui refuse la régression de civilisation que représente le credo du moins-disant social imposé par l’Europe actuelle ? Qui demande en Europe une harmonisation des droits sociaux par le haut ? La France Insoumise, avec das Linke, Podemos et Syrisa. Bref c’est la construction actuelle de l’Europe qui en creuse la tombe.
Monsieur Hollande avait promis de renégocier un traité européen, le TSCG. Il ne l’a pas fait. Et il ose maintenant reprocher à Jean-Luc Mélenchon de vouloir le faire ! Qu’a donné la litanie d’un changement intérieur de l’Europe ? Rien, car elle a sous-estimé l’emprise d’une finance mondialisée et elle a finalement abdiqué devant elle. Le terrible sort réservé au peuple grec en est la preuve. Relisons la mise en garde prémonitoire de Pierre Mendès-France contre cette orientation mortifère pour l’Europe. C’est notre acte d’insoumission qui réconciliera les peuples avec elle par une refondation politique, écologique et sociale.

De la souveraineté populaire

Par ailleurs, qui mène la bataille des idées contre le FN en expliquant le rôle des immigrés dans la reconstruction de la France, et en rappelant que les immigrés paient plus de cotisations qu’ils ne touchent de prestations ? Qui rejette le nationalisme d’exclusion inspiré par l’opposition du « eux » et du « nous » chère à Carl Schmitt? Qui combat la thèse de Samuel Huntington selon laquelle les civilisations s’opposeraient et se hiérarchiseraient inéluctablement ? Qui ouvre la réaffirmation de la souveraineté populaire au niveau national à l’internationalisme, avec la promotion du progrès social pour tous les peuples ? La France Insoumise. Pour faire reculer les réflexes racistes ou xénophobes, ne nous contentons pas de condamnations moralisantes. Agissons sur les causes et déconstruisons les préjugés obscurantistes. Nous n’avons pas de leçons à recevoir des principaux responsables de la montée du FN !
« Populisme » ! Allons bon, encore un mot magique pour disqualifier sans argumenter ! Le propre du populisme de droite est de flatter le peuple et non de le servir. C’est d’ailleurs le sens littéral du mot démagogie, en grec ancien. Mais si défendre réellement les classes populaires c’est être populiste, alors soyons populistes. Par une telle défense, nous défendons également l’intérêt général. D’où la lutte contre la dévastation des droits sociaux et des acquis du programme du CNR, comme la Sécurité sociale et les services publics, et le refus de la déconstruction du code du travail à coup de 49-3 et bientôt d’ordonnances. Trêve de mots pièges et d’amalgames odieux entre les « deux extrêmes ». Un amalgame qui soit dit en passant banalise le FN puisqu’il lui donne le même statut qu’à la France Insoumise !

Le barrage à l’extrême droite ? Les législatives

Ensemble, en 2012, nous avions chassé la droite. Et pendant cinq ans nous avons eu la droite déguisée en gauche, avec l’exception honorable du Mariage pour tous courageusement promue par Christiane Taubira, réforme sociétale juste, mais qui n’aurait pas dû dispenser de l’attention à la question sociale. Il faut comprendre la désespérance du monde du travail, sans justifier pour autant n’importe quel vote protestataire. Je comprends qu’en l’état actuel des choses on puisse se sentir écartelé entre un vote blanc, improprement appelé « nul », qui marque le dégoût d’une pratique politique désespérante, et un vote Macron, posé un peu vite comme seule alternative à l’extrême droite. Les deux votes sont respectables, et je dénie à quiconque le droit d’en disqualifier un. Mais c’est désormais un troisième tour, celui des Législatives, qui permettra de dresser un véritable barrage contre l’extrême droite, et non un score à la soviétique pour Monsieur Macron, adepte du 49-3 et des ordonnances.
Un dernier mot sur l’incroyable faute déontologique et le manque d’esprit laïque du président de la République. Comment Monsieur Hollande a-t-il considéré les devoirs de sa fonction lorsqu’il a violé la réserve qu’il avait annoncé vouloir respecter, n’étant pas candidat ni chef de parti mais Président de tous les Français ? Ses accusations insensées, aux limites de la calomnie, sur la prétendue complicité de Jean-Luc Mélenchon avec Assad et Poutine, ou sa propension supposée dictatoriale, ont rompu l’égalité de traitement des candidats alors que la constitution lui faisait un devoir de la respecter. 

Décidément l’immunité présidentielle, elle aussi, devra être revue par la sixième République dans le cadre de la moralisation de la vie politique !


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