Parmi tout ce qui circule ces jours-ci, je conseille ce texte du philosophe Henri Pena-Ruiz, publié dans Libération d’hier.
Selon
Montesquieu le propre du despotisme est de gouverner à la peur. Or qui
veut nous faire peur aujourd’hui ? Ceux qui prétendent que le FN est aux
portes du pouvoir alors qu’il sera loin d’avoir la majorité à
l’Assemblée Nationale, et par conséquent ne pourra pas gouverner. Les
amis de M. Macron, avec sans doute l’appui d’un président qui a trahi
ses promesses pour se faire élire, mettent en scène leur rêve, en forme
de ruse machiavélique. Orchestrer la peur de voir Mme Le Pen gouverner
afin de construire pour leur candidat une « majorité présidentielle »
écrasante. Et disposer ainsi d’une majorité nette à l’Assemblée
nationale pour continuer la politique d’un quinquennat sinistre.
C’est
typiquement la logique de la cinquième République, hélas aggravée
naguère lorsque Monsieur Jospin crut devoir inverser le calendrier
électoral. La monarchie présidentielle prenait ainsi davantage encore le
pas sur l’élection des représentants du peuple, ligotant celui-ci dans
des alternatives mystifiantes. Quant à la lutte contre le FN, certains
feraient bien de balayer devant leur porte. Qui donc a cyniquement joué
sur un score élevé du FN pour substituer la peur à tout inventaire
critique d’une politique de trahison fondée sur une tromperie initiale ?
Non au chantage à l’apocalypse
Sauver
la démocratie ? Allons donc ! Monsieur Macron annonce son intention
d’aggraver la Loi El Khomri par ordonnances…pendant les vacances d’été,
afin d’éviter toute contestation. Jolie façon de réaliser la «
démocratie participative »! Naguère il proposait aux jeunes d’avoir pour
seul idéal de devenir milliardaires. Sans doute en exaltant un système « Qui produit la richesse en créant la misère » (Victor Hugo). Belle profession de foi humaniste !
Ouvrons
les yeux. Ras-le-bol de ce chantage à l’apocalypse pour désespérer
encore une peu plus les laissés pour compte du néo-libéralisme et de la «
concurrence libre et non faussée ». Avant de pleurnicher sur la montée
du lepénisme, il serait bon de s’interroger sur ses causes et de
proposer une véritable alternative, comme le fait La France Insoumise.
Qui vient de faire reculer le score de Marine Le Pen, sinon Jean Luc
Mélenchon ? Le score du FN est passé de 28 % à 21,5 % tandis que celui
du candidat de la France Insoumise a atteint 19,6%.
Sa
proposition de soumettre toute décision concernant le second tour à une
réflexion collective des militants qui l’ont soutenu est toute à son
honneur. Elle est en phase avec notre volonté de changer la politique
par l’invention d’une sixième République. Elle répond à la complexité
d’une situation qui mérite réflexion et délibération, à rebours de toute
image d’Epinal. Ceux qui osent traiter Jean Luc Mélenchon de dictateur
le calomnient, une fois de plus. Leur rage est d’ailleurs inconséquente.
Tantôt ils lui reprochent son autoritarisme vertical, tantôt ils
croient devoir s’indigner de sa refondation horizontale de la politique,
soucieuse de faire parler le peuple. Il faudrait savoir !
Nous,
fossoyeurs de l’Europe ? Une Europe construite à rebours de tous les
idéaux de justice qu’elle était censée incarner. Victor Hugo inventa
l’expression « Etats-Unis d’Europe », sur le mode confédéral
d’une union des nations. Des nations libres dans une union libre,
tournées vers le progrès social et la culture délivrée des inégalités
économiques. Il doit se retourner dans sa tombe au regard de la
caricature de son idéal par l’Europe actuelle. Une Europe néolibérale
voulue par Jean Monnet, attachée à corseter les peuples dans la négation
quasi irréversible des conquêtes sociales qui forcèrent le capitalisme à
s’humaniser. Qui refuse la régression de civilisation que représente le
credo du moins-disant social imposé par l’Europe actuelle ? Qui demande
en Europe une harmonisation des droits sociaux par le haut ? La France
Insoumise, avec das Linke, Podemos et Syrisa. Bref c’est la construction
actuelle de l’Europe qui en creuse la tombe.
Monsieur
Hollande avait promis de renégocier un traité européen, le TSCG. Il ne
l’a pas fait. Et il ose maintenant reprocher à Jean-Luc Mélenchon de
vouloir le faire ! Qu’a donné la litanie d’un changement intérieur de
l’Europe ? Rien, car elle a sous-estimé l’emprise d’une finance
mondialisée et elle a finalement abdiqué devant elle. Le terrible sort
réservé au peuple grec en est la preuve. Relisons la mise en garde
prémonitoire de Pierre Mendès-France contre cette orientation mortifère
pour l’Europe. C’est notre acte d’insoumission qui réconciliera les
peuples avec elle par une refondation politique, écologique et sociale.
De la souveraineté populaire
Par
ailleurs, qui mène la bataille des idées contre le FN en expliquant le
rôle des immigrés dans la reconstruction de la France, et en rappelant
que les immigrés paient plus de cotisations qu’ils ne touchent de
prestations ? Qui rejette le nationalisme d’exclusion inspiré par
l’opposition du « eux » et du « nous » chère à Carl Schmitt? Qui combat
la thèse de Samuel Huntington selon laquelle les civilisations
s’opposeraient et se hiérarchiseraient inéluctablement ? Qui ouvre la
réaffirmation de la souveraineté populaire au niveau national à
l’internationalisme, avec la promotion du progrès social pour tous les
peuples ? La France Insoumise. Pour faire reculer les réflexes racistes
ou xénophobes, ne nous contentons pas de condamnations moralisantes.
Agissons sur les causes et déconstruisons les préjugés obscurantistes.
Nous n’avons pas de leçons à recevoir des principaux responsables de la
montée du FN !
«
Populisme » ! Allons bon, encore un mot magique pour disqualifier sans
argumenter ! Le propre du populisme de droite est de flatter le peuple
et non de le servir. C’est d’ailleurs le sens littéral du mot démagogie,
en grec ancien. Mais si défendre réellement les classes populaires
c’est être populiste, alors soyons populistes. Par une telle défense,
nous défendons également l’intérêt général. D’où la lutte contre la
dévastation des droits sociaux et des acquis du programme du CNR, comme
la Sécurité sociale et les services publics, et le refus de la
déconstruction du code du travail à coup de 49-3 et bientôt
d’ordonnances. Trêve de mots pièges et d’amalgames odieux entre les «
deux extrêmes ». Un amalgame qui soit dit en passant banalise le FN
puisqu’il lui donne le même statut qu’à la France Insoumise !
Le barrage à l’extrême droite ? Les législatives
Ensemble,
en 2012, nous avions chassé la droite. Et pendant cinq ans nous avons
eu la droite déguisée en gauche, avec l’exception honorable du Mariage
pour tous courageusement promue par Christiane Taubira, réforme
sociétale juste, mais qui n’aurait pas dû dispenser de l’attention à la
question sociale. Il faut comprendre la désespérance du monde du
travail, sans justifier pour autant n’importe quel vote protestataire.
Je comprends qu’en l’état actuel des choses on puisse se sentir écartelé
entre un vote blanc, improprement appelé « nul », qui marque le dégoût
d’une pratique politique désespérante, et un vote Macron, posé un peu
vite comme seule alternative à l’extrême droite. Les deux votes sont
respectables, et je dénie à quiconque le droit d’en disqualifier un.
Mais c’est désormais un troisième tour, celui des Législatives, qui
permettra de dresser un véritable barrage contre l’extrême droite, et
non un score à la soviétique pour Monsieur Macron, adepte du 49-3 et des
ordonnances.
Un
dernier mot sur l’incroyable faute déontologique et le manque d’esprit
laïque du président de la République. Comment Monsieur Hollande a-t-il
considéré les devoirs de sa fonction lorsqu’il a violé la réserve qu’il
avait annoncé vouloir respecter, n’étant pas candidat ni chef de parti
mais Président de tous les Français ? Ses accusations insensées, aux
limites de la calomnie, sur la prétendue complicité de Jean-Luc
Mélenchon avec Assad et Poutine, ou sa propension supposée dictatoriale,
ont rompu l’égalité de traitement des candidats alors que la
constitution lui faisait un devoir de la respecter.
Décidément
l’immunité présidentielle, elle aussi, devra être revue par la sixième
République dans le cadre de la moralisation de la vie politique !
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