La multiplication des attentats aux quatre
coins de l’empire occidental laisse les dirigeants de celui-ci en plein
désarroi. La réaction de ceux-ci, après la dernière attaque sanglante du
samedi 3 juin dans le quartier du London Bridge, en fait la cruelle
démonstration.
Appel à lutter contre « l’idéologie du
mal de l’extrémisme islamiste » pour Theresa May, première ministre
britannique. « Importance de la coopération européenne » pour le
président français Emmanuel Macron. « En finir avec le politiquement
correct » pour le très viril président américain Donald Trump…
Autant de vaines déclarations d’intention, de formules creuses et de
proclamations martiales aussi inutiles que les états-d’urgence en
vigueur un peu partout ou que les mises sur écoute généralisées, qui
n’empêchent strictement rien, mais ne font que démontrer l’impuissance
et la désorganisation de nos forces de police et militaires.
Le premier constat — qu’aucun de nos dirigeants désemparés n’osent
encore admettre — est douloureux : les attaquants ne viennent pas de
quelques belliqueuses contrées lointaines, mais sont nés pour la
plupart, sinon la totalité, à l’intérieur de nos propres pays, dans nos banlieues, nos quartiers, nos ghettos, entre nos murs. Aussi bien sur le vieux continent européen qu’aux États-Unis.
Ces actes meurtriers répétés sont d’une certaine manière un nouveau
palier de ces révoltes sporadiques dites « des banlieues », sauf
qu’elles n’y sont plus confinées, mais touchent désormais des lieux
publics emblématiques de notre puissance envolée.
L’adhésion à une culture politique ne se décrète pas, elle se mérite
Dans un billet intitulé Londres de choc,
Jacques Sapir dénonce les politiques du communautarisme, avouée comme
en Grande-Bretagne, ou maquillée sous les exigences d’une liberté de
conscience comme en France. Pour Jacques Sapir, la lutte contre le
terrorisme relève dès lors d’« un combat politique tout autant que
militaire » pour restaurer la véritable laïcité qui est l’adhésion de
tous à un projet politique commun, mais unique.
Cette fuite en avant sécuritaire peut désormais paraître
indispensable. Elle semble toutefois bien insuffisante pour résoudre le
problème aujourd’hui brûlant du terrorisme sous influence islamiste.
C’est se condamner durablement à un engrenage mortifère que de ne pas
reconnaître que le multiculturalisme exacerbé provient autant d’un refus
culturel d’intégration par la partie dominante de la population
(Grande-Bretagne) que d’une désintégration des tissus sociaux due à une
faillite du modèle économique en vigueur (les banlieues françaises).
Dans les deux cas, l’islamisme n’est souvent qu’une manière
désespérée d’exprimer une révolte et une protestation. On se rappelle le
rôle des Black Muslims dans les luttes d’émancipation des
Noirs américains dans les années 60. On n’oubliera pas que
l’islamisation de nos banlieues, phénomène assez récent, date de la fin
des fameuses Trente glorieuses et de l’avènement d’un néolibéralisme aussi déchaîné qu’aveugle et destructeur.
Que la gravité de la situation impose désormais une intervention
sécuritaire de type militaire est une évidence. Mais on n’arrivera à
rien tant qu’on n’aura pas compris que l’adhésion d’une minorité à une
culture nationale commune ne se décrète pas, elle se mérite. Et que ce
n’est pas à cette minorité ghettoïsée contre son gré de faire tous les
efforts et les sacrifices pour y parvenir.
Cette reconstruction d’un tissu social gravement ébranlé ne peut se
concevoir qu’à long terme. En attendant, à l’image de Theresa May, de
Macron ou de Trump, les dirigeants occidentaux apparaissent comme bien
trop dépassés par les évènements pour être capables de restaurer ce
tissu social indispensable à une vie en commun harmonieuse au sein de
leurs sociétés. Leurs rodomontades et leurs leçons de morales sonnent
faux. Et trop tardifs.
Dès lors, le passage par une transition chaotique apparaît de plus en
plus inévitable. Ainsi meurent les civilisations fourbues, quand leur
seule et unique manière d’imposer encore leur pouvoir contesté reste le
recours à la force brute.
Le Yéti
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