Appel à lutter contre « l’idéologie du mal de l’extrémisme islamiste » pour Theresa May, première ministre britannique. « Importance de la coopération européenne » pour le président français Emmanuel Macron. « En finir avec le politiquement correct » pour le très viril président américain Donald Trump…
Autant de vaines déclarations d’intention, de formules creuses et de proclamations martiales aussi inutiles que les états-d’urgence en vigueur un peu partout ou que les mises sur écoute généralisées, qui n’empêchent strictement rien, mais ne font que démontrer l’impuissance et la désorganisation de nos forces de police et militaires.
Le premier constat — qu’aucun de nos dirigeants désemparés n’osent encore admettre — est douloureux : les attaquants ne viennent pas de quelques belliqueuses contrées lointaines, mais sont nés pour la plupart, sinon la totalité, à l’intérieur de nos propres pays, dans nos banlieues, nos quartiers, nos ghettos, entre nos murs. Aussi bien sur le vieux continent européen qu’aux États-Unis.
Ces actes meurtriers répétés sont d’une certaine manière un nouveau palier de ces révoltes sporadiques dites « des banlieues », sauf qu’elles n’y sont plus confinées, mais touchent désormais des lieux publics emblématiques de notre puissance envolée.

L’adhésion à une culture politique ne se décrète pas, elle se mérite

Dans un billet intitulé Londres de choc, Jacques Sapir dénonce les politiques du communautarisme, avouée comme en Grande-Bretagne, ou maquillée sous les exigences d’une liberté de conscience comme en France. Pour Jacques Sapir, la lutte contre le terrorisme relève dès lors d’« un combat politique tout autant que militaire » pour restaurer la véritable laïcité qui est l’adhésion de tous à un projet politique commun, mais unique.
Cette fuite en avant sécuritaire peut désormais paraître indispensable. Elle semble toutefois bien insuffisante pour résoudre le problème aujourd’hui brûlant du terrorisme sous influence islamiste. C’est se condamner durablement à un engrenage mortifère que de ne pas reconnaître que le multiculturalisme exacerbé provient autant d’un refus culturel d’intégration par la partie dominante de la population (Grande-Bretagne) que d’une désintégration des tissus sociaux due à une faillite du modèle économique en vigueur (les banlieues françaises).
Dans les deux cas, l’islamisme n’est souvent qu’une manière désespérée d’exprimer une révolte et une protestation. On se rappelle le rôle des Black Muslims dans les luttes d’émancipation des Noirs américains dans les années 60. On n’oubliera pas que l’islamisation de nos banlieues, phénomène assez récent, date de la fin des fameuses Trente glorieuses et de l’avènement d’un néolibéralisme aussi déchaîné qu’aveugle et destructeur.
Que la gravité de la situation impose désormais une intervention sécuritaire de type militaire est une évidence. Mais on n’arrivera à rien tant qu’on n’aura pas compris que l’adhésion d’une minorité à une culture nationale commune ne se décrète pas, elle se mérite. Et que ce n’est pas à cette minorité ghettoïsée contre son gré de faire tous les efforts et les sacrifices pour y parvenir.
Cette reconstruction d’un tissu social gravement ébranlé ne peut se concevoir qu’à long terme. En attendant, à l’image de Theresa May, de Macron ou de Trump, les dirigeants occidentaux apparaissent comme bien trop dépassés par les évènements pour être capables de restaurer ce tissu social indispensable à une vie en commun harmonieuse au sein de leurs sociétés. Leurs rodomontades et leurs leçons de morales sonnent faux. Et trop tardifs.

Dès lors, le passage par une transition chaotique apparaît de plus en plus inévitable. Ainsi meurent les civilisations fourbues, quand leur seule et unique manière d’imposer encore leur pouvoir contesté reste le recours à la force brute.

Le Yéti